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Cycle végétatif de la vigne

Le vignoble septentrional avantagé

Fin avril, lors des Rencontres nationales des Vignerons indépendants de France à La Chapelle-de-Guinchay, qui avaient pour thème central les défis environnementaux, la première table ronde se penchait sur « les paramètres qui peuvent influencer le cycle végétatif de la vigne ». Bien qu'en cause, le réchauffement climatique est à replacer dans le cadre global de l'évolution historique des pratiques viticoles.
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Pour faire le point sur ces questions, plus particulièrement « à gérer dans les vignobles méditerranéens », le directeur Technique Œnologie de l'IFV (institut de la vigne et du vin), Jean-Luc Berger estimait qu’en règle général, tout de même, « le vignoble va devoir s'adapter, bien que cette évolution soit plutôt bénéfique aux vignobles septentrionaux pour l'heure ». Des réflexions sont en cours d’études, intéressantes à connaître.
Lui aussi de l'IFV, Joël Rochard présentait les réponses d’un questionnaire en ligne sur ce thème (www.vignevin.com) exprimant les observations concrètes des viticulteurs de toute la France. Au cours des années, sont apparus dans l’ordre : une augmentation du taux de sucre (19 % des répondants ; 0,5 à 1° de plus pour le potentiel d'alcool en Bourgogne), une précocité des vendanges (18 % ; 8 à 11 jours en moyenne), une modification du processus de maturation (15 %), un raccourcissement du cycle (12 %), une diminution du taux d'acidité (11 %), une modification de la vigueur du bois (8 %), une modification de la surface foliaire (6 %), une variante de la coloration des baies (6 %) et une modification de l'activité photosynthétique. Dès lors, les scientifiques ont questionné la profession pour connaître les axes de recherche prioritaires à mettre en place ? « Concernant le matériel végétal, la profession viticole souhaite avant tout la mise en place d’observatoires régionaux (49%) et dans une moindre mesure la création de nouvelles variétés (29%) et de nouveaux porte-greffes (16%). Sur le plan viticole, les vignerons, en cohérence avec les chercheurs estiment que la priorité doit se centrer sur l’adaptation de la gestion des sols (68%) et des modes de conduite (48%), l’irrigation (27%) et dans une moindre mesure sur la salinité des sols (10%) », analysait-il.
Un constat agrémenté d’une règle simple à retenir : « pour un degré d'élévation des températures, on doit avancer les vendanges de dix jours », concluait-il en guise de mise en garde ou de prise de conscience.

Peu de changements en Bourgogne



Directeur du pôle Technique et Qualité du BIVB (vins de Bourgogne), Jean-Philippe Gervais invitait cependant à ne pas céder « au catastrophisme des climatologues ». La situation actuelle permet, même, aux viticulteurs et vinificateurs de « mieux choisir leurs itinéraires techniques et faire tous niveaux de vins, bien que le pinot noir reste un peu " fantasque ", et qu’il faut encore aller chercher sa maturité ». Les réponses des techniciens face au réchauffement climatique pour les vignobles septentrionaux semblent donc prêtes et opérationnelles. Mais pour l'heure, les données météorologiques recueillies ne laissent pas entrevoir de grandes différences des températures jours/nuits, qui « fluctuent très peu », ne modifiant donc qu’à la marge les teneurs en composés phénoliques. Idem pour les précipitations, pour lesquelles, ils rajoutaient même qu'un grand millésime bourguignon s'obtient avec « des précipitations estivales souvent inférieures à 200 mm de pluie, en blanc comme en rouge ». Reste que le ban des vendanges a bel et bien été avancé de trois semaines en quarante ans. Un phénomène similaire est observé dans tous les vignobles français, mais qui doit aussi être relié « aux plantations, il y a trente ans, de certains clones et qu'auparavant, les viticulteurs ne vendangeaient pas forcément à maturité phénolique mais plutôt avant les attaques de la pourriture », notait un viticulteur dans la salle. Mais le principal changement vient des vignes avec « une augmentation du poids des grappes de 50 % en douze ans », ce qui impose de gérer davantage les rendements puisqu'il « faut donc deux fois moins de raisin » qu'autrefois, note le BIVB. Les « préoccupations lourdes chez nous » sont donc désormais les « déviations dues aux goûts moisis terreux (GMT), les déplacements des fronts des maladies ou encore la grêle et les événements climatologiques exceptionnels », mettait en garde, pour conclure, Jean-Philippe Gervais.

À la recherche de la concentration



Venant du vignoble Suisse voisin où il effectue des recherches à l'Agroscope de Changins, Olivier Viret expliquait que là-bas, « le pinot noir domine mais le projet terroir montre une très bonne adaptation du Merlot tardif », sur ces terroirs septentrionaux. Depuis les années « nonentes (1980) », les Suisses vont plus loin et ont fait des sélections sur la base de nouveaux critères (résistance aux maladies fongiques, cépages plus tardifs, flexibilité, clones mieux adaptés) mais aussi pour des porte-greffes adaptés (absorption d’eau, accidents physiologiques, folletage…). Irrigation dans « le valais », date des vendanges, recherche d’optimisation en fonction des types de vins recherchés, les viticulteurs Suisses sont actuellement à la « recherche de la concentration ». Actuellement expérimentée, « la taille de la branche à fruits à 2-3 semaines des vendanges pour optimiser les éléments constitutifs des raisins » va dans ce sens. En conduite gobelet, l'objectif est d'obtenir des vins plus corsés, plus tanniques sur merlot. « Malgré une allure abominable au printemps, le taux de sucre s'est concentré et les réserves ont été préservées (légère baisse de l'amidon mais souches suffisamment vigoureuses) pour le redémarrage l'année d'après, en cépage pinot et gamay ». Une technique qui plait puisque les dégustateurs ont systématiquement préféré ces vins. C’est un argument vendeur en sa faveur…