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Le vin face au climat

Pour des dizaines de millions de personnes, l’enfer s’écrit en vingt-quatre lettres : « réchauffement climatique ».

Le vin face au climat

Pour des dizaines de millions de personnes, l’enfer s’écrit en vingt-quatre lettres : « réchauffement climatique ». Ce phénomène est une réalité dont les agriculteurs sont victimes au quotidien comme nous l’a rappelé l’été 2022, l’un des plus chauds depuis que les relevés climatologiques existent. Comme le souligne l’auteur, ancien journaliste et ancien directeur à l’Ademe (agence de transition écologique), le climat est en dérapage incontrôlé et rebat les cartes de la production agricole, y compris viticole. Au point que les plants de vigne débourrent deux à trois semaines plus tôt qu’il y a trente ans. Ce qui les exposent aux gels tardifs comme l’année 2021 de sinistre mémoire. Au point aussi que le 45e parallèle nord pourrait en 2050, constituer la ligne de partage des vins. Au nord de cette limite, ce qui sera cultivable. Au sud, ce qui ne le sera plus. Les vignerons n’auront donc plus d’autres choix que de résister, s’adapter ou disparaître. Mais comment faire ? Changer de cépages ? Changer de vignes ? Sans doute faudra-t-il faire appel à l’histoire et aux vieux cépages résistants et/ou hybrides. Les pépiniéristes auront aussi un véritable rôle à jouer, martèle l’auteur qui veut conserver aux cépages français leur origine et leurs spécificités. Le futur vin sorti de Sancerre, de Corbières, de Champagne ou d’Alsace devra aussi être durable avec un bilan carbone neutre pour ne pas aggraver une situation climatique déjà fragilisée.

Cet ouvrage très bien documenté nous faire (re) découvrir le fameux mélange Bercy, ce vin issu de deux provenances auquel on ajoutait plus ou moins du vin d’Aramon connu pour sa robustesse et sa productivité. Il nous rappelle les vidal, bouysselet, bia blancet autres mollard. L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) compte d’ailleurs 2.600 cépages dont seulement une trentaine utilisée sur le sol français. Ce serait bien le diable si on n’y trouvait pas notre bonheur semble dire, de manière plus diplomatique, Yves Leers. Ce dernier ne cache pas son affection pour les vignerons ampélographes comme le célèbre Pierre Galet (1921-2019) qui en 70 ans a publié 46 ouvrages dont un dictionnaire encyclopédique des cépages et de leurs synonymes, sorti en 2015, qui recense quelque 10.000 espèces. C’est aussi l’occasion de faire le tour des vignobles de recenser leurs actions en termes d’adaptation. Finalement, la mythique ligne du 45e parallèle nord entre Bordeaux et Grenoble pourrait s’évanouir. Déjà des régions comme la Bretagne, l’Ile-de-France, la Normandie et les Hauts de France sont aux aguets pour développer une production qu’ils ont commencée pour certains en… 1995. Est-il rassurant pour les vignerons français de considérer que leurs collègues et concurrents d’Espagne, de Grèce ou d’Italie connaissent une situation déjà plus compliquée ? Les pays du Nord (Angleterre, Suède, Norvège…) sont sur le qui-vive. Le Maroc a, pour sa part, développé une vigne en plein désert, dans le Val d’Argan, avec du goutte-à-goutte et du sorgho poussant entre les rangs. Des solutions existent et il ne faut pas hésiter à « changer de pratiques », insiste l’auteur, car si les impacts s’intensifient, « l’adaptation n’est pas impossible ». S’appuyant sur les travaux du projet Laccave, il estime que les vignerons (avec l’appui des chercheurs notamment) doivent donner la priorité aux sols, à l’eau et au matériel végétal, en alliant nouvelles technologies (numérique, photovoltaïques-ombrières-, biodynamie, …) Une chose est certaine. En 2050, un vin différent nous attend ! Même si en Bourgogne, les vignerons veulent aussi conserver leurs typicités...

Vin, le grand bouleversement – Yves Leers – Buchet-Chastel – 272 pages – 19,90 €

Un chai viticole inauguré dans les Hauts-de-France