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Commissaire Européen

Le vin, une « success story » de la Pac pour Phil Hogan

Le vin est une des « success story » de la Pac, selon Phil Hogan, qui compte donc suivre la « voie de la réforme » de 2008. A l’occasion du premier congrès de la viticulture française à Bordeaux où il s’est rendu les 5 et 6 juillet, le commissaire européen à l’agriculture admet qu’il est « potentiellement » nécessaire de développer les outils de gestion dans la Pac, mais souligne surtout que ceux déjà disponibles ne sont presque pas utilisés dans le secteur viticole. De même, s’il plaide pour un renforcement du suivi et de la compréhension de ce secteur, il ne juge pas opportun de mettre sur pied un observatoire européen du type de ceux créés pour d’autres marchés. Entretien.


 

Par Publié par Cédric Michelin
Le vin, une « success story » de la Pac pour Phil Hogan

L’organisation commune du marché du vin a-t-elle, selon vous, besoin d’être améliorée à l’occasion de la réflexion sur l’avenir de la Pac ?

Phil Hogan : La réforme du secteur du vin de 2008 a été vraiment une bonne opération. Nous avons changé le système de soutien interne, abandonnant des mécanismes de marché désuets comme la distillation de crise et les restitutions à l’exportation pour nous concentrer sur des soutiens axés sur les priorités du secteur, à savoir la reconversion des vignobles et la promotion. Tout cela à travers des programmes nationaux taillés sur mesure pour correspondre aux spécificités de chaque région viticole. Nous avons introduit de la flexibilité dans les plantations de vignes et poursuivi notre politique d’ouverture des marchés vers les pays tiers pour améliorer la compétitivité. Résultat : nous avons reconquis notre marché intérieur et nos exportations annuelles de vin ont bondi de 5 à 10 milliards €. Je constate que la voie de réforme qui a été empruntée pour ce secteur a été la bonne et je compte continuer à la suivre. Le vin est vraiment une des « success story » de notre politique agricole commune – les vins européens ont les faveurs du monde entier. Cela n’est pas arrivé par accident. C’est principalement grâce aux filières de production, mais nos succès à l’exportation sont aussi dus à la politique de qualité de l’UE et à sa politique de promotion.

L’assouplissement des conditions de déclenchement des outils de gestion des risques, jugé essentiel par les professionnels, vous semble-t-il possible ?

Phil Hogan : Il est généralement admis que les instruments de gestion des risques sont insuffisamment utilisés dans le secteur agricole européen. Je voudrais cependant souligner qu’à l’intérieur des programmes nationaux de soutien, les possibilités d’appliquer ces outils existent déjà, à savoir l’assurance-récolte, ainsi que la faculté de créer des fonds mutuels d’aide en cas de fluctuations des marchés. L’utilisation de ces mécanismes dans les programmes nationaux de soutien est actuellement très limitée : il n’y a pas eu de dépenses dans quelque État membre que ce soit pour les fonds mutuels, et l’assurance-récolte, qui n’est pas reprise dans tous les États membres, représente seulement 2,5 % du budget prévu pour toute la période de programmation 2009-2018. L’expérience récente, froid et gel de ce printemps, et leur impact sur la prochaine vendange sont un bon exemple pour démontrer combien il est nécessaire d’utiliser ces instruments et potentiellement de les développer au sein de la Pac.

La création d’un observatoire européen du marché du vin est-elle nécessaire ?

Phil Hogan : La création d’un observatoire du marché du vin est une demande formulée de longue date par les acteurs du secteur. Cela fait suite à une tendance récente dans les secteurs du lait, de la viande, du sucre et des céréales où le choix politique de la Commission a été d’accompagner la libéralisation du marché d’un suivi renforcé de ses tendances via l’établissement d’observatoires. Je ne suis pas convaincu que la création d’un observatoire spécifique pour les vins apporterait vraiment les solutions ou l’information requises. En effet, le vin n’est pas une matière première en tant que telle, les marchés sont très divers, dépendant de la qualité, de l’origine et des typicités, et ce serait une tâche extrêmement complexe et lourde d’essayer de bâtir une structure pour suivre efficacement tous les principaux prix du marché. La situation du marché est bonne, les exportations sont en plein essor, la production est restée globalement stable en fonction des conditions climatiques ces dernières années, accompagnée d’une diminution des stocks, et le vin n’étant pas une matière première, des écarts de qualité et de prix demeurent entre les vins produits dans les différentes régions de l’UE. Enfin, la probabilité d’un déséquilibre majeur du marché est relativement faible et le restera aussi longtemps que le régime actuel d’autorisations de plantations ne changera pas. Cependant, j’admets la nécessité de développer plus d’outils d’intelligence économique, d’analyse et d’évaluation afin de mieux comprendre les dynamiques du marché, de créer une plateforme de discussion sur les questions techniques et de renforcer la transparence tout au long de la chaîne. C’est mon intention de développer ces connaissances au sein des structures existantes.

Le soutien aux viticulteurs, notamment à travers l’aide à l’investissement, peut-il être un modèle pour d’autres secteurs comme les céréales et le lait ?

Phil Hogan : Pas nécessairement. Contrairement aux céréales et au secteur du lait, où les différentes matières premières sont en nombre assez limité (blé, maïs, beurre, poudre de lait écrémé), le vin n’est pas une matière première. Il y a des différences significatives entre les vins : rouges, blancs, rosés, effervescents, doux, secs, enrichis, etc. De plus, nous reconnaissons actuellement dans l’UE quelque 1 800 AOP et IGP dans le secteur vin. Tous ces produits ont des marchés, des prix, des dynamiques et des perspectives d’exportations différents. Cela justifie des programmes et des mesures de soutien taillés sur mesure qui ne sont pas nécessairement transposables aux principaux produits de base.