Les agriculteurs doivent reprendre en main l'acte commercial
Le 23 février à Jalogny, la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire revenait sur les Etats généraux de l’alimentation. En posant une question en apparence simple mais ô combien complexe : "quelles perspectives concrètes pour le revenu de l’agriculteur et pour l’économie agricole de nos territoires ?". Eléments de réflexion.

Le 23 février à Jalogny, à l'occasion de la session de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, Christian Decerle, président, résumait l'ambiance générale, se déclarant « impatient de voir des résultats » suite aux derniers Etats généraux de l'Alimentation. Il faut dire que le monde agricole - et celui de l’élevage tout particulièrement - est marqué par « beaucoup de lassitude économique et morale ». Une façon de rappeler qu’après des décennies de promesses non tenues, l’espoir suscité par les annonces de réformes du Gouvernement actuel ne doivent plus décevoir et doivent, au contraire, se concrétiser sans tarder, en euro sonnants et trébuchants pour les producteurs.
Pour analyser les enseignements des Etats généraux de l'Alimentation (EGAlim), la chambre d’Agriculture avait invité Olivier Mevel, un universitaire spécialiste des négociations commerciales en Grande distribution, ayant auparavant « officié dans le terrible groupe » Leclerc. Et son analyse franche n’était pas du genre à rassurer, qui que ce soit d’ailleurs (voir encadré ci-dessous)… Après son exposé, la salle était invitée à échanger avec lui.
Premier à s’élancer, François Bonnetain, exploitant au sein du Gaec Copex à Taizé et très impliqué dans la vente directe, notamment au sein du réseau Bienvenue à la ferme, expliquait vendre « de plus en plus aux supermarchés locaux. On vient avec notre prix et eux font leurs marges, souvent minimes. L’expérience est plutôt positive ». Pour Olivier Mevel,les linéaires de la grande distribution s’ouvrrent effectivement à ce « signe officieux » de qualité, comme il le qualifie, qu'est le local. « Les distributeurs sont moins durs dans les négociations locales qu’au national car vous leur apportez ce que les consommateurs recherchent désespérément » et cela sans passer par les centrales d’achat. Pour lui, les agriculteurs ne saisissent pourtant pas suffisamment cette opportunité. « Seuls deux maillons sont indispensables : vous et les consommateurs ! Et les GMS vont s’accrocher pour ne pas rester à côté ». Aux Etats-Unis, les études américaines tablent sur une baisse des parts de marché des GMS, laquelle devrait passer de 85 % (comme actuellement en France) à 60 % du marché alimentaire. Et ce du fait de l’avènement du web 3.0, mêlant logistique de pointe ou casiers automatisés.
Le Label rouge mangé par le bio
Président de la section bovine de la FDSEA, Christian Bajard vantait la démarche "Eleveur & engagé", regrettant toutefois que le syndicalisme ait dû être obligé de devenir « prestataire de service » en lieu et place des outils économiques locaux. Si Olivier Mevel trouvait intéressant le début de segmentation de la viande en trois classes - laitier, cœur de gamme et haut de gamme - pour lui, le « problème reste la structuration du marché derrière ». Il rappelait que Leclerc « n’est jamais rentré dans la démarche Cœur de Gamme » car, comme Intermarché, ils ont leurs propres filières et outils, respectivement SVA et Kerméné, « avec les abattoirs les plus modernes du monde ». Ce qui signifie, selon lui, que la guerre des prix ne va pas prendre fin sur le marché des viandes... Son conseil à la filière allaitante est de créer un « vrai haut de gamme identifié », égratignant au passage le Label rouge lequel « n’était pas prêt à encaisser la montée du bio » et sa valeur perçue d'une promesse de « vie éternelle ». L’universitaire se montrait encore plus dur avec les IGP… Olivier Mevel invitait ainsi les éleveurs charolais à « rénover leur Label rouge », à bouger leur ODG, à le digitaliser (géo-localisation des bouchers, des éleveurs), et à « communiquer » eux-mêmes, individuellement, sur les réseaux sociaux « pour aller vers les consommateurs » directement.
Des coop du terroir
Revenant sur l’idée de la « montée en gamme » des produits agricoles, Jean-Paul Emorine, sénateur, estime lui aussi que la « notion du local n’est pas suffisante ». Prônant la contractualisation des filières bien que se disant « libéral », il déplorait la lourdeur de l’INAO. « Il faut dix-huit ans pour obtenir une AOP, un peu moins pour une IGP ». De quoi avoir le temps de voir naître et disparaître les marchés, lesquels résultent de tendances.
Parmi les promoteurs de "La viande bressane" et ses possibles déclinaisons dans d’autres produits (lait, miel…), Samuel Chanussot évoquait la marque "C qui le patron ?!", regrettant ne pas pouvoir en faire autant en Bresse, faute de volumes suffisants. Ayant rencontré à de nombreuses reprises le fondateur de cette marque, Nicolas Chabanne, Olivier Mevel mettait cependant en garde la profession : « il ne faut pas vous méprendre sur sa démarche. Il en est le seul propriétaire », laissant ainsi sous entendre que ce dernier a profité de la crise laitière pour bien se positionner et valoriser son entreprise... Olivier Mevel s’interrogeait sur l’absence des coopératives pour répondre à ces marchés. « Le rôle des coopératives est essentiel. Pas les géantes mais davantage celles des territoires, pour créer des marques qui satisferont les consommateurs locaux, en segmentant par pouvoir d’achat. Les agriculteurs doivent absolument reprendre en main leur acte commercial », motivait-il. En terme de marketing, l'universitaire entrevoit déjà les « secondes vagues » sur lesquelles se positionner : bien-être animal, sans OGM…
La high tech conventionnelle
Président de la FDSEA de Saône-et-Loire, Bernard Lacour convenait qu’après avoir longtemps été « anonymisée », « l’image de l’agriculteur a été utilisée et vendue, mais sa valeur ne revient jamais ou pas beaucoup » jusqu'aux producteurs. S’il trouve intéressant la vente directe aux consommateurs, sous toutes ses formes de distribution, pour lui, « le vrai enjeu est notre capacité d’aller exporter notre image positive dans les métropoles là où se fera la consommation de demain ». Et cela toujours dans l’objectif bien compris de maintenir le modèle agricole familial ou à taille humaine. Olivier Mevel voit là un paradoxe à éclaircir. « Les clients achètent des labels en GMS pour se rassurer et pourtant, ils ne se posent pas cette question de labels quand ils vont acheter directement chez l’éleveur ». Il soulignait ainsi la dévalorisation de l’agriculture « conventionnelle », alors que « c’est de la high tech » - de la haute technologie - en France. Quant aux exportations, « hasardeuses » car constituées de marchés volatils, l'universitaire les scindent en deux logiques : d’un côté des marchés « d’ajustement » pour les filières mais au prix mondial et, de l’autre, des marchés valorisés « avec l’image de la tour Eiffel et la maîtrise de cahiers des charges ».
A la veille d’un drame territorial
Christian Decerle se disait conscient des « faiblesses » de l’agriculture, lui pour qui « remonter la pente de la valorisation pour qu’elle revienne à l’agriculteur sera plus compliqué ». Et cela en dépit des signaux positifs envoyés par le Gouvernement. La raison est connue. Suite à la réforme de la Pac en 1992, les agriculteurs ont été « un peu obsédés » par le fait de « capter un maximum d’aides (hectares, animaux…) ». Ce qui, individuellement, n’était pas un reproche mais qui a, collectivement, entraîné un « désinvestissement sur la valeur réelle de nos produits ». Résultat, en l’espace de trente-cinq ans, il redoute qu’en enlevant ne serait-ce qu’un tiers des soutiens publics au système charolais, ce dernier s’effondre « comme un château de cartes ». Et de rajouter une donnée démographique : 70 % du troupeau allaitant est détenu par des éleveurs de plus de 55 ans... Il y a donc urgence car « nous sommes à la veille d’un drame en matière d’aménagement du territoire ».
Les agriculteurs doivent reprendre en main l'acte commercial

Le 23 février à Jalogny, à l'occasion de la session de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, Christian Decerle, président, résumait l'ambiance générale, se déclarant « impatient de voir des résultats » suite aux derniers Etats généraux de l'Alimentation. Il faut dire que le monde agricole - et celui de l’élevage tout particulièrement - est marqué par « beaucoup de lassitude économique et morale ». Une façon de rappeler qu’après des décennies de promesses non tenues, l’espoir suscité par les annonces de réformes du Gouvernement actuel ne doivent plus décevoir et doivent, au contraire, se concrétiser sans tarder, en euro sonnants et trébuchants pour les producteurs.
Pour analyser les enseignements des Etats généraux de l'Alimentation (EGAlim), la chambre d’Agriculture avait invité Olivier Mevel, un universitaire spécialiste des négociations commerciales en Grande distribution, ayant auparavant « officié dans le terrible groupe » Leclerc. Et son analyse franche n’était pas du genre à rassurer, qui que ce soit d’ailleurs (voir encadré ci-dessous)… Après son exposé, la salle était invitée à échanger avec lui.
Premier à s’élancer, François Bonnetain, exploitant au sein du Gaec Copex à Taizé et très impliqué dans la vente directe, notamment au sein du réseau Bienvenue à la ferme, expliquait vendre « de plus en plus aux supermarchés locaux. On vient avec notre prix et eux font leurs marges, souvent minimes. L’expérience est plutôt positive ». Pour Olivier Mevel,les linéaires de la grande distribution s’ouvrrent effectivement à ce « signe officieux » de qualité, comme il le qualifie, qu'est le local. « Les distributeurs sont moins durs dans les négociations locales qu’au national car vous leur apportez ce que les consommateurs recherchent désespérément » et cela sans passer par les centrales d’achat. Pour lui, les agriculteurs ne saisissent pourtant pas suffisamment cette opportunité. « Seuls deux maillons sont indispensables : vous et les consommateurs ! Et les GMS vont s’accrocher pour ne pas rester à côté ». Aux Etats-Unis, les études américaines tablent sur une baisse des parts de marché des GMS, laquelle devrait passer de 85 % (comme actuellement en France) à 60 % du marché alimentaire. Et ce du fait de l’avènement du web 3.0, mêlant logistique de pointe ou casiers automatisés.
Le Label rouge mangé par le bio
Président de la section bovine de la FDSEA, Christian Bajard vantait la démarche "Eleveur & engagé", regrettant toutefois que le syndicalisme ait dû être obligé de devenir « prestataire de service » en lieu et place des outils économiques locaux. Si Olivier Mevel trouvait intéressant le début de segmentation de la viande en trois classes - laitier, cœur de gamme et haut de gamme - pour lui, le « problème reste la structuration du marché derrière ». Il rappelait que Leclerc « n’est jamais rentré dans la démarche Cœur de Gamme » car, comme Intermarché, ils ont leurs propres filières et outils, respectivement SVA et Kerméné, « avec les abattoirs les plus modernes du monde ». Ce qui signifie, selon lui, que la guerre des prix ne va pas prendre fin sur le marché des viandes... Son conseil à la filière allaitante est de créer un « vrai haut de gamme identifié », égratignant au passage le Label rouge lequel « n’était pas prêt à encaisser la montée du bio » et sa valeur perçue d'une promesse de « vie éternelle ». L’universitaire se montrait encore plus dur avec les IGP… Olivier Mevel invitait ainsi les éleveurs charolais à « rénover leur Label rouge », à bouger leur ODG, à le digitaliser (géo-localisation des bouchers, des éleveurs), et à « communiquer » eux-mêmes, individuellement, sur les réseaux sociaux « pour aller vers les consommateurs » directement.
Des coop du terroir
Revenant sur l’idée de la « montée en gamme » des produits agricoles, Jean-Paul Emorine, sénateur, estime lui aussi que la « notion du local n’est pas suffisante ». Prônant la contractualisation des filières bien que se disant « libéral », il déplorait la lourdeur de l’INAO. « Il faut dix-huit ans pour obtenir une AOP, un peu moins pour une IGP ». De quoi avoir le temps de voir naître et disparaître les marchés, lesquels résultent de tendances.
Parmi les promoteurs de "La viande bressane" et ses possibles déclinaisons dans d’autres produits (lait, miel…), Samuel Chanussot évoquait la marque "C qui le patron ?!", regrettant ne pas pouvoir en faire autant en Bresse, faute de volumes suffisants. Ayant rencontré à de nombreuses reprises le fondateur de cette marque, Nicolas Chabanne, Olivier Mevel mettait cependant en garde la profession : « il ne faut pas vous méprendre sur sa démarche. Il en est le seul propriétaire », laissant ainsi sous entendre que ce dernier a profité de la crise laitière pour bien se positionner et valoriser son entreprise... Olivier Mevel s’interrogeait sur l’absence des coopératives pour répondre à ces marchés. « Le rôle des coopératives est essentiel. Pas les géantes mais davantage celles des territoires, pour créer des marques qui satisferont les consommateurs locaux, en segmentant par pouvoir d’achat. Les agriculteurs doivent absolument reprendre en main leur acte commercial », motivait-il. En terme de marketing, l'universitaire entrevoit déjà les « secondes vagues » sur lesquelles se positionner : bien-être animal, sans OGM…
La high tech conventionnelle
Président de la FDSEA de Saône-et-Loire, Bernard Lacour convenait qu’après avoir longtemps été « anonymisée », « l’image de l’agriculteur a été utilisée et vendue, mais sa valeur ne revient jamais ou pas beaucoup » jusqu'aux producteurs. S’il trouve intéressant la vente directe aux consommateurs, sous toutes ses formes de distribution, pour lui, « le vrai enjeu est notre capacité d’aller exporter notre image positive dans les métropoles là où se fera la consommation de demain ». Et cela toujours dans l’objectif bien compris de maintenir le modèle agricole familial ou à taille humaine. Olivier Mevel voit là un paradoxe à éclaircir. « Les clients achètent des labels en GMS pour se rassurer et pourtant, ils ne se posent pas cette question de labels quand ils vont acheter directement chez l’éleveur ». Il soulignait ainsi la dévalorisation de l’agriculture « conventionnelle », alors que « c’est de la high tech » - de la haute technologie - en France. Quant aux exportations, « hasardeuses » car constituées de marchés volatils, l'universitaire les scindent en deux logiques : d’un côté des marchés « d’ajustement » pour les filières mais au prix mondial et, de l’autre, des marchés valorisés « avec l’image de la tour Eiffel et la maîtrise de cahiers des charges ».
A la veille d’un drame territorial
Christian Decerle se disait conscient des « faiblesses » de l’agriculture, lui pour qui « remonter la pente de la valorisation pour qu’elle revienne à l’agriculteur sera plus compliqué ». Et cela en dépit des signaux positifs envoyés par le Gouvernement. La raison est connue. Suite à la réforme de la Pac en 1992, les agriculteurs ont été « un peu obsédés » par le fait de « capter un maximum d’aides (hectares, animaux…) ». Ce qui, individuellement, n’était pas un reproche mais qui a, collectivement, entraîné un « désinvestissement sur la valeur réelle de nos produits ». Résultat, en l’espace de trente-cinq ans, il redoute qu’en enlevant ne serait-ce qu’un tiers des soutiens publics au système charolais, ce dernier s’effondre « comme un château de cartes ». Et de rajouter une donnée démographique : 70 % du troupeau allaitant est détenu par des éleveurs de plus de 55 ans... Il y a donc urgence car « nous sommes à la veille d’un drame en matière d’aménagement du territoire ».
Les agriculteurs doivent reprendre en main l'acte commercial

Le 23 février à Jalogny, à l'occasion de la session de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, Christian Decerle, président, résumait l'ambiance générale, se déclarant « impatient de voir des résultats » suite aux derniers Etats généraux de l'Alimentation. Il faut dire que le monde agricole - et celui de l’élevage tout particulièrement - est marqué par « beaucoup de lassitude économique et morale ». Une façon de rappeler qu’après des décennies de promesses non tenues, l’espoir suscité par les annonces de réformes du Gouvernement actuel ne doivent plus décevoir et doivent, au contraire, se concrétiser sans tarder, en euro sonnants et trébuchants pour les producteurs.
Pour analyser les enseignements des Etats généraux de l'Alimentation (EGAlim), la chambre d’Agriculture avait invité Olivier Mevel, un universitaire spécialiste des négociations commerciales en Grande distribution, ayant auparavant « officié dans le terrible groupe » Leclerc. Et son analyse franche n’était pas du genre à rassurer, qui que ce soit d’ailleurs (voir encadré ci-dessous)… Après son exposé, la salle était invitée à échanger avec lui.
Premier à s’élancer, François Bonnetain, exploitant au sein du Gaec Copex à Taizé et très impliqué dans la vente directe, notamment au sein du réseau Bienvenue à la ferme, expliquait vendre « de plus en plus aux supermarchés locaux. On vient avec notre prix et eux font leurs marges, souvent minimes. L’expérience est plutôt positive ». Pour Olivier Mevel,les linéaires de la grande distribution s’ouvrrent effectivement à ce « signe officieux » de qualité, comme il le qualifie, qu'est le local. « Les distributeurs sont moins durs dans les négociations locales qu’au national car vous leur apportez ce que les consommateurs recherchent désespérément » et cela sans passer par les centrales d’achat. Pour lui, les agriculteurs ne saisissent pourtant pas suffisamment cette opportunité. « Seuls deux maillons sont indispensables : vous et les consommateurs ! Et les GMS vont s’accrocher pour ne pas rester à côté ». Aux Etats-Unis, les études américaines tablent sur une baisse des parts de marché des GMS, laquelle devrait passer de 85 % (comme actuellement en France) à 60 % du marché alimentaire. Et ce du fait de l’avènement du web 3.0, mêlant logistique de pointe ou casiers automatisés.
Le Label rouge mangé par le bio
Président de la section bovine de la FDSEA, Christian Bajard vantait la démarche "Eleveur & engagé", regrettant toutefois que le syndicalisme ait dû être obligé de devenir « prestataire de service » en lieu et place des outils économiques locaux. Si Olivier Mevel trouvait intéressant le début de segmentation de la viande en trois classes - laitier, cœur de gamme et haut de gamme - pour lui, le « problème reste la structuration du marché derrière ». Il rappelait que Leclerc « n’est jamais rentré dans la démarche Cœur de Gamme » car, comme Intermarché, ils ont leurs propres filières et outils, respectivement SVA et Kerméné, « avec les abattoirs les plus modernes du monde ». Ce qui signifie, selon lui, que la guerre des prix ne va pas prendre fin sur le marché des viandes... Son conseil à la filière allaitante est de créer un « vrai haut de gamme identifié », égratignant au passage le Label rouge lequel « n’était pas prêt à encaisser la montée du bio » et sa valeur perçue d'une promesse de « vie éternelle ». L’universitaire se montrait encore plus dur avec les IGP… Olivier Mevel invitait ainsi les éleveurs charolais à « rénover leur Label rouge », à bouger leur ODG, à le digitaliser (géo-localisation des bouchers, des éleveurs), et à « communiquer » eux-mêmes, individuellement, sur les réseaux sociaux « pour aller vers les consommateurs » directement.
Des coop du terroir
Revenant sur l’idée de la « montée en gamme » des produits agricoles, Jean-Paul Emorine, sénateur, estime lui aussi que la « notion du local n’est pas suffisante ». Prônant la contractualisation des filières bien que se disant « libéral », il déplorait la lourdeur de l’INAO. « Il faut dix-huit ans pour obtenir une AOP, un peu moins pour une IGP ». De quoi avoir le temps de voir naître et disparaître les marchés, lesquels résultent de tendances.
Parmi les promoteurs de "La viande bressane" et ses possibles déclinaisons dans d’autres produits (lait, miel…), Samuel Chanussot évoquait la marque "C qui le patron ?!", regrettant ne pas pouvoir en faire autant en Bresse, faute de volumes suffisants. Ayant rencontré à de nombreuses reprises le fondateur de cette marque, Nicolas Chabanne, Olivier Mevel mettait cependant en garde la profession : « il ne faut pas vous méprendre sur sa démarche. Il en est le seul propriétaire », laissant ainsi sous entendre que ce dernier a profité de la crise laitière pour bien se positionner et valoriser son entreprise... Olivier Mevel s’interrogeait sur l’absence des coopératives pour répondre à ces marchés. « Le rôle des coopératives est essentiel. Pas les géantes mais davantage celles des territoires, pour créer des marques qui satisferont les consommateurs locaux, en segmentant par pouvoir d’achat. Les agriculteurs doivent absolument reprendre en main leur acte commercial », motivait-il. En terme de marketing, l'universitaire entrevoit déjà les « secondes vagues » sur lesquelles se positionner : bien-être animal, sans OGM…
La high tech conventionnelle
Président de la FDSEA de Saône-et-Loire, Bernard Lacour convenait qu’après avoir longtemps été « anonymisée », « l’image de l’agriculteur a été utilisée et vendue, mais sa valeur ne revient jamais ou pas beaucoup » jusqu'aux producteurs. S’il trouve intéressant la vente directe aux consommateurs, sous toutes ses formes de distribution, pour lui, « le vrai enjeu est notre capacité d’aller exporter notre image positive dans les métropoles là où se fera la consommation de demain ». Et cela toujours dans l’objectif bien compris de maintenir le modèle agricole familial ou à taille humaine. Olivier Mevel voit là un paradoxe à éclaircir. « Les clients achètent des labels en GMS pour se rassurer et pourtant, ils ne se posent pas cette question de labels quand ils vont acheter directement chez l’éleveur ». Il soulignait ainsi la dévalorisation de l’agriculture « conventionnelle », alors que « c’est de la high tech » - de la haute technologie - en France. Quant aux exportations, « hasardeuses » car constituées de marchés volatils, l'universitaire les scindent en deux logiques : d’un côté des marchés « d’ajustement » pour les filières mais au prix mondial et, de l’autre, des marchés valorisés « avec l’image de la tour Eiffel et la maîtrise de cahiers des charges ».
A la veille d’un drame territorial
Christian Decerle se disait conscient des « faiblesses » de l’agriculture, lui pour qui « remonter la pente de la valorisation pour qu’elle revienne à l’agriculteur sera plus compliqué ». Et cela en dépit des signaux positifs envoyés par le Gouvernement. La raison est connue. Suite à la réforme de la Pac en 1992, les agriculteurs ont été « un peu obsédés » par le fait de « capter un maximum d’aides (hectares, animaux…) ». Ce qui, individuellement, n’était pas un reproche mais qui a, collectivement, entraîné un « désinvestissement sur la valeur réelle de nos produits ». Résultat, en l’espace de trente-cinq ans, il redoute qu’en enlevant ne serait-ce qu’un tiers des soutiens publics au système charolais, ce dernier s’effondre « comme un château de cartes ». Et de rajouter une donnée démographique : 70 % du troupeau allaitant est détenu par des éleveurs de plus de 55 ans... Il y a donc urgence car « nous sommes à la veille d’un drame en matière d’aménagement du territoire ».
Les agriculteurs doivent reprendre en main l'acte commercial

Le 23 février à Jalogny, à l'occasion de la session de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, Christian Decerle, président, résumait l'ambiance générale, se déclarant « impatient de voir des résultats » suite aux derniers Etats généraux de l'Alimentation. Il faut dire que le monde agricole - et celui de l’élevage tout particulièrement - est marqué par « beaucoup de lassitude économique et morale ». Une façon de rappeler qu’après des décennies de promesses non tenues, l’espoir suscité par les annonces de réformes du Gouvernement actuel ne doivent plus décevoir et doivent, au contraire, se concrétiser sans tarder, en euro sonnants et trébuchants pour les producteurs.
Pour analyser les enseignements des Etats généraux de l'Alimentation (EGAlim), la chambre d’Agriculture avait invité Olivier Mevel, un universitaire spécialiste des négociations commerciales en Grande distribution, ayant auparavant « officié dans le terrible groupe » Leclerc. Et son analyse franche n’était pas du genre à rassurer, qui que ce soit d’ailleurs (voir encadré ci-dessous)… Après son exposé, la salle était invitée à échanger avec lui.
Premier à s’élancer, François Bonnetain, exploitant au sein du Gaec Copex à Taizé et très impliqué dans la vente directe, notamment au sein du réseau Bienvenue à la ferme, expliquait vendre « de plus en plus aux supermarchés locaux. On vient avec notre prix et eux font leurs marges, souvent minimes. L’expérience est plutôt positive ». Pour Olivier Mevel,les linéaires de la grande distribution s’ouvrrent effectivement à ce « signe officieux » de qualité, comme il le qualifie, qu'est le local. « Les distributeurs sont moins durs dans les négociations locales qu’au national car vous leur apportez ce que les consommateurs recherchent désespérément » et cela sans passer par les centrales d’achat. Pour lui, les agriculteurs ne saisissent pourtant pas suffisamment cette opportunité. « Seuls deux maillons sont indispensables : vous et les consommateurs ! Et les GMS vont s’accrocher pour ne pas rester à côté ». Aux Etats-Unis, les études américaines tablent sur une baisse des parts de marché des GMS, laquelle devrait passer de 85 % (comme actuellement en France) à 60 % du marché alimentaire. Et ce du fait de l’avènement du web 3.0, mêlant logistique de pointe ou casiers automatisés.
Le Label rouge mangé par le bio
Président de la section bovine de la FDSEA, Christian Bajard vantait la démarche "Eleveur & engagé", regrettant toutefois que le syndicalisme ait dû être obligé de devenir « prestataire de service » en lieu et place des outils économiques locaux. Si Olivier Mevel trouvait intéressant le début de segmentation de la viande en trois classes - laitier, cœur de gamme et haut de gamme - pour lui, le « problème reste la structuration du marché derrière ». Il rappelait que Leclerc « n’est jamais rentré dans la démarche Cœur de Gamme » car, comme Intermarché, ils ont leurs propres filières et outils, respectivement SVA et Kerméné, « avec les abattoirs les plus modernes du monde ». Ce qui signifie, selon lui, que la guerre des prix ne va pas prendre fin sur le marché des viandes... Son conseil à la filière allaitante est de créer un « vrai haut de gamme identifié », égratignant au passage le Label rouge lequel « n’était pas prêt à encaisser la montée du bio » et sa valeur perçue d'une promesse de « vie éternelle ». L’universitaire se montrait encore plus dur avec les IGP… Olivier Mevel invitait ainsi les éleveurs charolais à « rénover leur Label rouge », à bouger leur ODG, à le digitaliser (géo-localisation des bouchers, des éleveurs), et à « communiquer » eux-mêmes, individuellement, sur les réseaux sociaux « pour aller vers les consommateurs » directement.
Des coop du terroir
Revenant sur l’idée de la « montée en gamme » des produits agricoles, Jean-Paul Emorine, sénateur, estime lui aussi que la « notion du local n’est pas suffisante ». Prônant la contractualisation des filières bien que se disant « libéral », il déplorait la lourdeur de l’INAO. « Il faut dix-huit ans pour obtenir une AOP, un peu moins pour une IGP ». De quoi avoir le temps de voir naître et disparaître les marchés, lesquels résultent de tendances.
Parmi les promoteurs de "La viande bressane" et ses possibles déclinaisons dans d’autres produits (lait, miel…), Samuel Chanussot évoquait la marque "C qui le patron ?!", regrettant ne pas pouvoir en faire autant en Bresse, faute de volumes suffisants. Ayant rencontré à de nombreuses reprises le fondateur de cette marque, Nicolas Chabanne, Olivier Mevel mettait cependant en garde la profession : « il ne faut pas vous méprendre sur sa démarche. Il en est le seul propriétaire », laissant ainsi sous entendre que ce dernier a profité de la crise laitière pour bien se positionner et valoriser son entreprise... Olivier Mevel s’interrogeait sur l’absence des coopératives pour répondre à ces marchés. « Le rôle des coopératives est essentiel. Pas les géantes mais davantage celles des territoires, pour créer des marques qui satisferont les consommateurs locaux, en segmentant par pouvoir d’achat. Les agriculteurs doivent absolument reprendre en main leur acte commercial », motivait-il. En terme de marketing, l'universitaire entrevoit déjà les « secondes vagues » sur lesquelles se positionner : bien-être animal, sans OGM…
La high tech conventionnelle
Président de la FDSEA de Saône-et-Loire, Bernard Lacour convenait qu’après avoir longtemps été « anonymisée », « l’image de l’agriculteur a été utilisée et vendue, mais sa valeur ne revient jamais ou pas beaucoup » jusqu'aux producteurs. S’il trouve intéressant la vente directe aux consommateurs, sous toutes ses formes de distribution, pour lui, « le vrai enjeu est notre capacité d’aller exporter notre image positive dans les métropoles là où se fera la consommation de demain ». Et cela toujours dans l’objectif bien compris de maintenir le modèle agricole familial ou à taille humaine. Olivier Mevel voit là un paradoxe à éclaircir. « Les clients achètent des labels en GMS pour se rassurer et pourtant, ils ne se posent pas cette question de labels quand ils vont acheter directement chez l’éleveur ». Il soulignait ainsi la dévalorisation de l’agriculture « conventionnelle », alors que « c’est de la high tech » - de la haute technologie - en France. Quant aux exportations, « hasardeuses » car constituées de marchés volatils, l'universitaire les scindent en deux logiques : d’un côté des marchés « d’ajustement » pour les filières mais au prix mondial et, de l’autre, des marchés valorisés « avec l’image de la tour Eiffel et la maîtrise de cahiers des charges ».
A la veille d’un drame territorial
Christian Decerle se disait conscient des « faiblesses » de l’agriculture, lui pour qui « remonter la pente de la valorisation pour qu’elle revienne à l’agriculteur sera plus compliqué ». Et cela en dépit des signaux positifs envoyés par le Gouvernement. La raison est connue. Suite à la réforme de la Pac en 1992, les agriculteurs ont été « un peu obsédés » par le fait de « capter un maximum d’aides (hectares, animaux…) ». Ce qui, individuellement, n’était pas un reproche mais qui a, collectivement, entraîné un « désinvestissement sur la valeur réelle de nos produits ». Résultat, en l’espace de trente-cinq ans, il redoute qu’en enlevant ne serait-ce qu’un tiers des soutiens publics au système charolais, ce dernier s’effondre « comme un château de cartes ». Et de rajouter une donnée démographique : 70 % du troupeau allaitant est détenu par des éleveurs de plus de 55 ans... Il y a donc urgence car « nous sommes à la veille d’un drame en matière d’aménagement du territoire ».