Les AOC célébrées
aujourd’hui consacrés produits phare de haute qualité de notre
patrimoine gastronomique régional. Retour sur le travail de toute une
filière qui a conduit à l’obtention des deux dernières AOC de
Saône-et-Loire.
Le 13 octobre, tous les partenaires de cette grande réussite se sont retrouvés à Montrevel-en-Bresse pour célébrer l’avènement de ces deux produits phare, éléments du patrimoine gastronomique régional. L’occasion de revenir sur ces douze années de travail collectif. Il revenait à Charles Bernard, ancien président de la coopérative laitière d’Etrez et instigateur de cette grande aventure, d’ouvrir cette rencontre, rappelant « la lente maturation nécessaire qui a permis de ne rien laisser au hasard avec pour objectif d’améliorer la qualité des produits emblématiques de nos coopératives ».
La matinée était scindée en trois tables rondes reprenant trois thèmes majeurs visant à illustrer tout le travail accompli : "Retour sur dix années de travail collectif", "Crème et beurre de Bresse : l’expression d’un terroir", et "AOC : quel intérêt pour notre territoire ?".
« J’ai toujours pensé que ce beurre là méritait l’AOC. C’était un des moyens de développer la notoriété de ces produits pas toujours connus du consommateur. L’objectif était de donner une étiquette leur permettant de conquérir ce consommateur lambda dans un contexte de concurrence régionale et nationale », soulignait Jean-Pierre Basset, ancien directeur de la beurrerie coopérative de Foissiat.
Un projet fédérateur
Ancien producteur de lait à Dommartin-lès-Cuiseaux, Christian Giraudet s’est fait fort de rappeler la force fédératrice de Charles Bernard dans ce projet : « cela a resserré les liens entre les hommes et entre les coopératives », ajoutant : « chez nous l’alimentation du troupeau a toujours été basée sur l’herbe et le maïs, et nous avons réussi à faire admettre que nous travaillons avec plusieurs races de vaches laitières »… un équilibre qui permet d’obtenir un lait riche en matières grasses et une belle richesse aromatique.
Comme chacun le sait, obtenir une AOC n’est pas une mince affaire. Patience et rigueur ont été les maîtres mots pour arriver au résultat escompté. « Il faut bien savoir que les gens qui interviennent dans la commission d’enquête sont aussi des producteurs. Si on vous pose toutes ces questions embarrassantes parfois, c’est pour bien montrer l’ancrage au terroir », soulignait Michel Berthet, membre de la commission d’enquête de l’INAO et ancien président de l’appellation Reblochon.
De la patience, il en faudra encore car les professionnels sont aujourd’hui engagés sur un nouveau chemin : celui de l’enregistrement communautaire en AOP, l’Appellation d’origine protégée. Selon Christelle Mercier, déléguée territoriale Centre-Est de l’INAO, « cela prendra un certain temps et je ne m’engagerai pas sur des délais… ».
Ce label de haute qualité - pour l’heure national en attendant le niveau supérieur - est une reconnaissance pour un travail d’équipe, celui de toute une filière attentive à sa réussite et à son développement. Dans le rang des producteurs, Maryse Thomasset de Foissiat insistait sur le fait que « le cahier des charges est tout simplement le reflet d’une pratique. Nous avons été exigeants sur l’autonomie alimentaire et sans OGM. Nous avons des fermes proches de leurs laiteries, ce qui permet une collecte rapide et de garder toutes les qualités organoleptiques et la fraicheur du lait ».
Dans le rang des transformateurs, on insiste sur l’importance du choix de la baratte, « pour un beurre plus jaune, plus aéré, et plus tendre », rappelle Bruno Prudent, beurrier à Etrez.
Du lien social et de la valeur ajoutée
« Les AOC créent de la valeur dans un territoire. Elles créent du bien public localement (produits, bocages, paysages). C’est aussi un système de lien social qui contribue à l’attrait d’une région. L’AOC c’est aussi une opportunité supplémentaire pour gagner de l’argent. J’appelle ça le "terroir-caisse" », avancera avec humour Pierre Parguel, membre du comité national de l’INAO.
Pour Jean-Pierre Roche, maire de Montrevel-en-Bresse et président de la communauté de communes du même nom, « l’arrivée de ces AOC est une chance pour nous, communauté de communes, qui sommes de longue date des partisans du développement durable. Avec ce dossier, c’est aussi un succès par rapport à des politiques locales qui visent à diversifier la richesse économique et à maintenir les éléments constitutifs du paysage bressan ».
Une reconnaissance qu’il va falloir aujourd’hui concrétiser au niveau commercial. La encore, les valeurs fédératrices prendront tout leur sens comme le laissait entendre Thierry Molle, directeur général de la laiterie de la Bresse : « Il faut maintenant passer au cran au-dessus pour convaincre le consommateur. Cela passera forcément par de la promotion et de la communication regroupées sur des valeurs communes et j’espère que cela emmènera le produit dans des volumes et des prix espérés. Il faut que l’on soit forts et sûrs de notre produit pour le valoriser auprès de la grande distribution ».
Une unité prônée par les élus, comme en témoignaient les élus présents venus féliciter et remercier la filière et l’assurer de leur soutien constant.
Des félicitations appuyées par le président de la chambre d’agriculture de l’Ain, Gilbert Limandas, représentant à cette occasion son homologue de Saône-et-Loire, Christian Decerle : « je veux féliciter toute l’équipe qui a eu l’idée de cette démarche, sous la houlette de Charles Bernard, et toutes les organisations qui ont apporté les compétences humaines. Cette notre mission au niveau d’une chambre d’agriculture de développement et de prestations de services auprès des agriculteurs et des collectivités territoriales. L’objectif est de dégager de la valeur ajoutée pour maintenir des exploitations en polyculture élevage et participer au maintien d’un environnement protégé ».
Crème et beurre de Bresse en chiffres…
Trois départements (Ain, Saône-et-Loire, et Jura), soit 191 communes concernées par l’air géographique ;
Trois coopératives de collecte : la beurrerie coopérative de Foissiat-Lescheroux (22 producteurs, 13 salariés, 6 millions de litres de lait collectés et transformés par an) ; la laiterie coopérative d’Etrez-Beaupont (100 producteurs, 55 salariés, 30 millions de litres de lait collectés par an) ; la laiterie de la Bresse basée à Varennes-Saint-Sauveur (une centaine de personnes transforment 20 millions de litres de lait issus d’une collecte locale) ;
54 exploitations laitières habilitées AOC pour 20 millions de litres de lait ;
Plus de 1.000 tonnes de produits potentiellement "AOçables" (en 2010, 16 millions de litres ont été transformés en crème ou en beurre, soit 523 tonnes de crème de Bresse mention "épaisse", 168 tonnes de crème de Bresse, et 434 tonnes de beurre de Bresse).