Les artisans bouchers tiennent bon !
À l’occasion de leurs assemblées générales respectives, l’Institut Charolais et Charolais France ont accueilli le président des bouchers et d’Interbev Jean-François Guihard. Ce dernier a livré le ressenti de sa corporation face à un contexte de mutation de la production et de la consommation.
L’association Institut Charolais et l’organisme de sélection (OS) Charolais France ont une nouvelle fois organisé ensemble leurs assemblées générales respectives à Charolles. Profitant d’une réunion avec la CFBCT (Confédération Française de la Boucherie, Boucherie-Charcuterie, Traiteurs) le matin même à la Maison du Charolais, l’OS et l’Institut avaient l’honneur d’accueillir Jean-François Guihard, président de la CFBCT et d’Interbev. Cette présence a quelque peu bousculé l’ordre du jour avec des parties statutaires réduites au strict minimum pour laisser une large place aux échanges avec l’invité.
En introduction, Jean-Jacques Lahaye, président de l’Institut Charolais et Hugues Pichard, président de Charolais France évoquaient « la profonde mutation » vécue par l’élevage avec une baisse de production préoccupante et un problème de renouvellement des générations. Une « inquiétude forte » que partagent les bouchers, confirmait Jean-François Guihard lui-même artisan dans le Morbihan.
Encaisser l’embellie des cours
Bien conscient des effets de la décapitalisation, le président de la CFBCT et d’Interbev se félicitait de l’embellie des cours des animaux dont il y avait bien besoin, reconnaissait-il. Mais le représentant des bouchers ne cachait pas que cette flambée était difficile à répercuter pour les artisans. « Jusqu’où le consommateur pourra-t-il aller ? », interrogeait Jean-François Guihard qui témoignait cependant que « chez les artisans bouchers, cela se passe plutôt bien. Les volumes se tiennent chez nous, car nous sommes dans une relation privilégiée avec le consommateur. La boucherie artisanale propose un produit haut de gamme ; une viande travaillée avec une expertise… », faisait valoir le président de la CFBCT et d’ajouter que « le consommateur veut bien payer le prix si on lui explique » et que la qualité est au rendez-vous, soulignait-il. Sur ce dernier point, Jean-François Guihard mettait en garde contre une tentation de moins bien finir les animaux du fait de prix de vente attractifs…
Nouvel équilibre matière
Après une période passée où certains professionnels étaient « tombés dans la facilité en ne travaillant plus de carcasses entières », les artisans boucher « s’y sont remis », poursuivait leur président. Et travailler une bête entière payée 9 € et plus du kilo nécessite une parfaite maîtrise de l’équilibre matière, faisait-il valoir. Surtout qu’il est devenu « presque plus difficile de vendre le filet de bœuf que le reste » et que ce sont les brochettes en été, le haché sous toutes ses formes qui sauvent la mise aujourd’hui.
« Nous n’avons pas à rougir que la viande soit enfin chère », livrait au nom des éleveurs Jean-François Lacroix. En parlant d’une « génération d’éleveurs sacrifiés » par des prix trop bas et rappelant la nécessité de couvrir le coût de production et de « faire vivre nos familles », le responsable FDSEA mettait en garde contre une petite musique sournoise qui commence à appeler à une baisse des prix…
Il faut un peu de temps
Les artisans bouchers ne remettent pas en cause le bienfondé d’une juste rémunération des éleveurs, mais le problème, c’est que la hausse des cours est arrivée brutalement : « on ne peut pas engloutir des + 15 % d’un coup ! », expliquait Pascal Moine, président des bouchers de Saône-et-Loire qui ajoutait que « cette revalorisation, elle aurait dû se faire cinq ans plus tôt ». Mais ce ne sont pas les artisans bouchers qui l’ont empêchée… Chacun se souvient de l’inflexibilité tenace de la grande distribution qui affirmait qu’une augmentation du prix de la viande payée aux producteurs était impossible…
L’effet covid perdure
Malgré tout, la boucherie artisanale a de bonnes raisons de souffler l’optimisme. « Le Covid nous a rendu un service immense ! », confiait Jean-François Guihard. « Les clients se sont rendus compte qu’il y avait une boucherie dans le village. Cela a permis de rajeunir notre clientèle et on a gardé une grande partie de ces nouveaux clients ». Ce regain d’intérêt pour les artisans bouchers hérité du Covid bénéficie au renouvellement des générations, poursuivait le président de la CFBCT. Passé de 6.000 à près de 10.000 en 10-15 ans, le nombre d’apprentis connaît un léger tassement depuis deux ans. Mais il est compensé par des reconversions adultes. 1.000 à 1.500 nouveaux bouchers sont ainsi issus de reconversions. À l’image de ce couple d’ingénieurs "agros" qui vient de racheter la boutique de Jean-François Guihard, témoignait-il, non sans avoir évoqué les freins au renouvellement des générations que sont le coût des investissements et la pénibilité du travail.
Croissance à deux chiffres pour l’Institut Charolais !
L’association Institut Charolais continue d’afficher une croissance de son activité transformation. Elle a bondi de + 32 % en 2024, provoquant une hausse du chiffre d’affaires global de + 22 % avec un résultat net en forte hausse. L’Institut Charolais a élaboré plus de 20 tonnes de produits en 2024, équivalant à plus de 105.000 vérines pour 175 producteurs. Ce succès impose de développer et d’améliorer l’outil de travail, expliquait le directeur Frédéric Paperin. Une nouvelle chaîne d’étiquetage est entrée en service cette année. L’an prochain, les investissements porteront sur la traçabilité. Sur le volet innovation, l’Institut travaille sur des produits répondant à une attente plus nutritionnelle. Concrètement, il s’agit d’élaborer une gamme de plats cuisinés dotés d’un meilleur « nutriscore », ce qui signifie l’incorporation de davantage de légumes et de légumineuses, expliquait Frédéric Paperin. Attendus par les consommateurs, ces « plats cuisinés équilibrés » pourraient être diffusés dans des distributeurs automatiques, dans des circuits touristiques… Des nouveautés sont attendues pour le prochain concours d’apprentis bouchers qu’organise l’Institut dans le cadre du Festival du Bœuf. Co-organisatrice de l’épreuve, la CFBCT, par la voix de son président Jean-François Guihard, annonçait la prise en compte, dans la notation des concurrents, du jugement de bêtes sur pied (le samedi) ainsi que du savoir-faire dans la vente et la valorisation du produit en magasin.
La race charolaise se porte bien
Alors que 1,2 million de vaches toutes races confondues ont été perdues en dix ans, la charolaise a enregistré une hausse de + 2.000 têtes en 2024 approchant 286.000 vaches. Elle se paie même le luxe de voir progresser son nombre d’élevages adhérents à 5.173 contre 5.054 en 2023. Cette dynamique est une satisfaction pour l’OS Charolais France et son président Hugues Pichard qui voient leurs efforts porter leurs fruits, mais aussi des comptes « plus qu’à l’équilibre ». Parmi les dossiers importants de l’OS, le déploiement de « Pheno 3D » se prépare pour 2027. Il consistera en la numérisation du recueil des données de pesée et pointage grâce à l’imagerie 3D. Autre nouveauté, l’OS lance une « indexation croisée » qui fournira un index croisement en facilité de vêlage destiné aux races utilisant des taureaux charolais en croisement. La refonte complète du système de diffusion des valeurs génétiques permettra la mise en place des index « single step » dès le mois d’août 2025. Ces derniers résultent d’une évaluation génétique et génomique unifiée, autrement dit en une seule étape. Le « single step » va permettre d’améliorer la précision de l’indexation, ce qui est très attendu en monte naturelle. Enfin, Charolais France a pris la décision de génotyper (gènes d’intérêt et filiation) l’ensemble des mâles reproducteurs de la race dès le 1er août.