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Agriculture biologique

Les bons chiffres en Bourgogne

Le Service technique de développement de l’agriculture biologique en
Bourgogne (Sedarb) vient de tenir son assemblée générale au CFPPA de
Beaune le 22 avril dernier. L'occasion de vérifier que la bio continue
de se développer en Bourgogne, portée par une demande soutenue et que le
Sedarb est bien installé dans le paysage bio régional.
Par Publié par Cédric Michelin
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Chaque année, l'assemblée générale du Sedarb (Service technique de développement de l'agriculture biologique en Bourgogne) est l'occasion de présenter les chiffres régionaux de la bio. En 2011, la progression du nombre de fermes bio se poursuit, avec 838 exploitations (4,15 %) bio en Bourgogne, réparties surtout en zone de polyculture-élevage, dans les terres viticoles et dans les aires des bassins d'alimentation de captage. Des actions spécifiques sont ainsi conduites sur les zones « à enjeu eau » ce qui a amené la création d’un pôle dédié à ces programmes au Sedarb. On observe un léger ralentissement de la progression des conversions (154 en 2010 et 95 en 2012), mais les surfaces augmentent. Les 95 conversions enregistrées en 2011 ont amené 1.325 ha supplémentaires conduits en bio. Le Sedarb a accompagné plus de 90 % des conversions réalisées ces trois dernières années. Le ralentissement du rythme des conversions concerne essentiellement les grandes cultures (incertitudes sur la future Pac et bonne tenue des prix de marché en conventionnel) et les conversions en élevage augmentent de 5 %. En viticulture le rythme des conversions demeure soutenu sous la pression d'une demande de plus en plus forte des consommateurs. 7,5 % des surfaces des appellations de Bourgogne sont en conversion ou certifiées AB. La filière des légumes frais reste très représentative aussi de l'évolution de la demande des consommateurs, on compte treize fermes en AB dans ce secteur, 28 fermes en Côte-d'Or, trente fermes en Saône-et-Loire et 33 dans l'Yonne. A noter que les légumes cultivés en plein champ sont aussi concernés par cette progression de la bio.
Autant de chiffres qui ont fait remarquer à Jacques Rebillard, vice-président du conseil régional « que la bio fonctionne bien, tout comme le Sedarb qui s'est bien installé et est désormais reconnu dans ses missions et pour ses résultats ». Le vice-président du conseil régional a toutefois expliqué que « l'on était arrivé à un palier », pour passer à une étape supérieure, il faudrait que « certains verrous politiques et financiers sautent, sur le plan national et sur le plan européen. Au-delà de la volonté des uns et des autres « Cela reste un problème de moyens et de compétences élargies ».
En 2012, le Sedarb va étendre ses actions « à enjeu eau » vers de nouveaux territoires, poursuivre le programme "légumes de plein champ", développer des actions techniques sur la Saône-et-Loire, multiplier les actions auprès des collectivités, accentuer le suivi technique auprès des producteurs, et resserrer les liens entre coopérateurs, meuniers et boulangers pour favoriser un débouché local aux céréales bio de Bourgogne.



Intervention de Robert Mazoyer, agronome et professeur d'agriculture comparée : pauvreté et famine ne sont pas une fatalité




Il y avait à apprendre et à réfléchir à la dernière assemblée générale du Sedarb. Fort de quarante années d'observation et d'études au plus près des paysans du monde, Marcel Mazoyer, agronome, professeur d'agriculture comparée, a tordu le cou à quelques idées reçues...



Invité à animer l'assemblée générale du Sedarb en rendant compte de ses travaux, Marcel Mazoyer est intervenu sur le thème "Nourrir l'humanité : est-ce possible ? Si oui comment ?". Pour cet ingénieur agronome, professeur « d'agriculture comparée » à l'Institut national d'agronomie, qui a passé sa vie à observer et à analyser les différentes formes d'agriculture sur tous les continents et sous toutes les latitudes, la réponse est sans ambiguïté : « en théorie, l'agriculture est apte à relever les défis de l'horizon 2050, soit une population de 9 milliards d'individus à nourrir et le remplacement des énergies fossiles par les biocarburants ». En pratique toutefois, la répartition est beaucoup trop inégale pour subvenir aux besoins de toute l'humanité. Le problème n'est ni dans le manque de terres cultivables de façon durable, ni dans la capacité des grands pays producteurs à répondre à la demande.

Le vrai problème c'est la pauvreté qui est la cause fondamentale de la situation alimentaire qui prévaut actuellement sur la planète, où trois milliards de personnes vivent avec moins de deux euros par jour et largement plus d'un milliard (1,2 à 1,5) avec moins de 1 euro par jour et connaissent la faim de façon endémique. A cela s'ajoutent les 900.000 de personnes qui ont faim. Parmi ces mal nourris et ces affamés, 75 % sont des ruraux dont les 9/10e sont des paysans pauvres, qui viendront à terme grossir les bidonvilles de la périphérie des grandes villes des pays en voie de développement ou « en transition ». Une situation générée et aggravée par une révolution agricole qui a propulsé les agricultures européennes et celles de grands pays producteurs (à bas prix et bas coûts de main-d'œuvre) dans l'agriculture moderne, laissant sur le carreau des millions d'agriculteurs pauvres et sans moyens d'améliorer leur sort.




Une « machine » à fabriquer des pauvres et des affamés




L'agriculture mondialisée et régentée par l'ultra libéralisme s'apparente à « une machine à fabriquer l'exode rural » dans les régions les plus pauvres, où les coûts de production locaux ne peuvent pas rivaliser avec les prix mondiaux. Cette situation asphyxie les agricultures familiales et locales, accroît la pauvreté, la malnutrition et pour finir, le nombre de personnes souffrant de la famine, parce qu'elles ne disposent pas de plus de un euro par jour. « Nous fabriquons tous les ans », observe Marcel Mazoyer, « 40 à 50 millions de nouveaux pauvres dans les campagnes. La faim n'est pas l'héritage du passé, elle n'est pas le produit de l'insuffisance de l'aide alimentaire, elle est le résultat d'une machine à fabriquer de la pauvreté, principalement chez les paysans ». Il faut avoir présent à l'esprit qu'un milliard de paysans travaillent uniquement à la main, sans machines, sans intrants, sans semences à haut rendement. Face à un prix international qui ne reflète pas le marché mondial, le produit du travail du paysan pauvre ne peut pas rivaliser avec les prix du marché international. « Le marché est une machine formidable », tempère Marcel Mazoyer « mais il ne régule pas la production en fonction des besoins, mais en fonction de la demande solvable ».

La conclusion s'impose d'elle-même pour l'agronome « tant que le marché international gouvernera les prix dans les pays, prix qui sont la première pierre d'une politique agricole et alimentaire, il n'y aura pas de sécurité alimentaire possible à l'échelle mondiale, ni de développement possible. En 1950, le prix du quintal de blé représentait quatre à cinq fois celui d'aujourd'hui, nous nous sommes développés avec des prix agricoles élevés. Et on voudrait que des gens qui travaillent à la main se développent avec les prix bas qu'on leur impose ? ». Quand les prix agricoles baissent, les revenus des paysans pauvres baissent et l'insécurité alimentaire s'accroît, prévient Marcel Mazoyer, qui rappelle que les seules agricultures qui ont résisté à la concurrence nord-américaine et australienne dans les premières décennies d'après-guerre sont celles qui se sont protégées. Croire que l'aide alimentaire (1 % de la production mondiale), l'aide au développement ou les échanges internationaux vont tout régler est une illusion. La solution prônée pour Robert Mazoyer, « c'est que les pays qui n'ont jamais eu de véritable politique agraire et de sécurité alimentaire, puissent mener à bien leur réforme agraire, ce qui est difficile dans un univers où le capital a pris des positions très fortes ». Dans les pays riches, l'agriculture qui représente 3 % de la population active nourrit la société, mais au niveau mondial il faudrait diligenter « un new deal, un cordon sanitaire économique et la hausse des prix des produits agricoles pour les pays pauvres ». Si l'on veut éviter une catastrophe planétaire et son lot de déséquilibres économiques et sociaux majeurs, « il n'y a pas d'autres solutions que de payer les producteurs, partout, à un niveau qui correspond à leur prix de revient ».