Les coop' passées à la moulinette
pour leur congrès annuel. À l’ordre du jour, un rapport d’une centaine
de pages sur la rénovation des coopératives. Parmi les propositions : la
réforme de la gouvernance et la mise en place de nouvelles formes de
partenariats. Le syndicat entend notamment s’émanciper ainsi de la
grande distribution.
Après quelques échanges, la majorité des Jeunes agriculteurs ont voté une limite d’âge d’éligibilité des administrateurs, dont le président, à 60 ans. Ces administrateurs auront aussi pour obligation d’être en activité durant leur mandat.
Un mandat de 10 ans par niveau
Autre point préconisé : la durée maximale du mandat de l’administrateur, à chaque niveau de responsabilité (administrateur, membre du bureau et président), est fixée à 10 ans. Le syndicat veut également limiter le cumul des responsabilités : un même agriculteur ne pourra plus être simultanément président de plus de deux organisations agricoles, peu importe l’échelon. C’est l’un des volets qui a été le plus discuté, nombreux ont en effet rappelé, en vain, leur attachement à leurs multiples casquettes. Enfin, les JA ont souhaité précisé que l’ensemble de ces principes valent seulement si le fonctionnement de la coopérative n’est pas remis en cause (les coopératives avec un nombre d’adhérents « réduit » pourraient ainsi en être exemptes).
La stratégie aux agriculteurs
Certaines régions, notamment l’Alsace, ont par ailleurs demandé à compléter ce tableau par la nécessité pour tout président de coopérative d’avoir surtout « une vision d’avenir ». L’ambition est « que les professionnels, les agriculteurs, réaffirment leur position au sein des coopératives », a précisé en marge du congrès le secrétaire général des JA, Gaël Gautier. La gouvernance des filiales, en particulier, ne doit plus échapper aux « hommes-métier », selon lui. « Nous devons rester les principaux acteurs de la politique et de la stratégie des coopératives, tandis que leur mise en oeuvre doit être confiée à des permanents », a-t-il ajouté. Pour ce faire, le syndicat mise sur la formation. En revanche, le revenu de l’homme-métier, président de coopérative, « c’est d’abord son exploitation », a soutenu François Thabuis sur le thème, également très tendu, de l’indemnité de l’administrateur. On n’est pas, selon lui, dans « la professionnalisation d’un engagement ».
D’où la proposition d’une indemnité mensuelle qui ne devra pas dépasser 100 % du SMIC mensuel (50 % du SMIC horaire pour les autres administrateurs) et de prendre en charge le remplacement du président de la coopérative sur son exploitation ainsi que ses frais liés à ses responsabilités. « Ca n’est pas assez !, ont estimé plusieurs régions, il existe de grosses coopératives qui drainent beaucoup d’argent. Que pensera un président, assis à côté de son directeur payé 20.000 euros par mois ? C’est un peu dur de le plafonner au SMIC ». La majorité a cependant maintenu la proposition de départ à 100 % du Smic.
Quels “JA” au sein des conseils d’administration ?
Un point a en revanche dû être réécrit : celui sur la présence des JA au sein des conseils d’administration : “JA” pour jeunes agriculteurs indifférenciés ou « JA » pour les adhérents au syndicat... ? La boucle de protestations fut longue. Et de « JA doit systématiquement siéger dans toutes les instances des coopératives », les discussions ont finalement abouti à : « inciter l’entrée de jeunes administrateurs au sein des différentes instances de coopératives (privilégier adhérent JA) ».
Le syndicat agricole a par ailleurs insisté sur la nécessité de « redonner un sens à l’ancrage territorial des coopératives ». Il a proposé la création de conseils territoriaux. Soit la mise en place d’instances, au sein des coopératives, qui fassent directement écho des problématiques territoriales, « à prendre en compte lors des prises de décision en conseil d’administration ». Ces sections ne devront pas être définies par filière, mais bien par territoire. En revanche des groupes de travail « filières » pourront être mis en place au sein de territoires précisés.
S’affranchir de la grande distribution
Le débat a pris fin vers 1 h du matin, le 6 juin, sur la proposition probablement la plus audacieuse, à savoir la mise en place de coopérations avec des partenaires extérieurs, tels les consommateurs. Le syndicat a en effet pour ambition de développer un réseau de distribution de produits agricoles, alternatif à la grande distribution, géré par les producteurs. « Nous ne parlons pas là de vente directe à la ferme, qui se développe par ailleurs et c’est très bien, a précisé François Thabuis face à certaines régions protestataires, car craignant que le dispositif favorise les circuits de proximité. Nous parlons de la capacité de la profession agricole de se saisir de la distribution comme elle s’est saisie de la collecte et de la transformation ». Venu clôturer le congrès, le 6 juin, Stéphane le Foll a souligné « ce choix courageux » des JA, tout en les mettant en garde : « Je sais que vous êtes très déterminés sur ce sujet. Mais, plus on s’éloigne du métier d’agriculteur, plus on est confronté aux différentes positions entre distributeurs, consommateurs et producteurs. Ce sont des questions et des métiers sur lesquels, avant d’y aller, il faudra bien réfléchir stratégiquement aux conséquences ». D’autres semblent l’avoir déjà fait pour eux. Philippe Mangin, président de Coop de France, a parlé d’un projet de ce type pour début 2014 (voir encadré).
Des coopératives à la rescousse de Spanghero
Des coopératives agricoles sont en train de préparer une solution pour la société Spanghero, en grande difficulté depuis la crise de la viande de cheval. C’est ce qu’a laissé entendre le président de Coop de France Philippe Mangin lors du congrès des Jeunes agriculteurs le 6 juin et ce qu’il a confirmé ensuite. « Il y a des coopératives qui y travaillent d’arrache-pied et qui devraient proposer, dans les jours qui viennent, une solution », confirme le président de Coop de France, très remonté contre la manière dont la maison mère, Lur Berri, a géré la crise mettant en cause sa propre filiale. Une annonce pourrait être faite dans les tout prochains jours au sujet de cette reprise. Une certitude : la dette de l’entreprise ne pourrait être reprise dans le lot. Actuellement, Spanghero fait l’objet de deux projets de rachat, l’un émanant de Laurent Spanghero et l’autre des salariés de l’entreprise. Par ailleurs, Philippe Mangin a annoncé que Coop de France et In Vivo envisageaient un investissement « dans la distribution de produits alimentaires de proximité ». Un groupe de réflexion a été constitué à ce sujet. Une initiative, sous forme de pilote, pourrait être prise début 2014. InVivo a déjà acquis un savoir-faire en matière de distribution au grand public via ses magasins Gamm Vert.