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États généraux de l’alimentation

Les coulisses des ateliers des États généraux de l’alimentation

Certains ateliers des États généraux de l’alimentation sont déjà à mi-parcours. Les professionnels rapportent que les positions y sont parfois bien campées. Pour autant, certains constats sont partagés, et le dialogue s’instaure progressivement, et même au-delà des réunions d’ateliers. Le ministère demande maintenant des propositions pour faire avancer les dossiers. Pour gagner du temps et ne pas rester que sur les constats, déjà bien connus, chaque participant est invité à envoyer ses propositions en amont des réunions d’ateliers. Les premières propositions de plusieurs organisations ont animé le Space, le salon de l’élevage qui s’est tenu du 12 au 15 septembre, et ont fait débat à l'assemblée nationale où l'ensemble de la filière était auditée par les députés.

Par Publié par Cédric Michelin

Les États généraux de l’alimentation battent leur plein. Les réunions d’ateliers s’enchaînent. Certains sont déjà à mi-parcours. Après la première réunion, nombreux sont ceux qui en étaient ressortis perplexes, avec le sentiment de ne pas pouvoir beaucoup s’exprimer. Pascal Vinet, directeur général de Coop de France, dont l’organisation a des représentants dans tous les ateliers, reconnaît que le démarrage des ateliers a été chaotique. « Il y a eu des difficultés au départ, mais maintenant tout le monde sort du bois. Chacun vient avec des propositions concrètes », constate-t-il. Et chacun alimente la plateforme en ligne des États généraux (www.egalimentation.gouv.fr). Au 14 septembre, les compteurs affichent 8.600 contributions et 60.400 votes, la thématique ayant le plus de succès étant "comment rémunérer équitablement les agriculteurs" (2.225 contributions, 18.100 votes) suivie de "comment accompagner la transformation de notre agriculture" (1.600 contributions, 11.900 votes). Autre difficulté relevée par plusieurs participants : dans les réunions, bon nombre restent camper sur leurs positions, ce qui inquiéterait le ministère, selon plusieurs sources professionnelles. « On a monté le chapiteau, la piste est lancée et chacun est entré avec son propre logiciel », commente Bernard Lannes, président de la Coordination rurale.

Or, les présidents d’ateliers, tous comme les coordonnateurs, sont sous pression du ministère de l’Agriculture pour aboutir à du concret d'ici la fin septembre, pression qu’ils retransmettent aux participants. Ainsi, pour l’atelier 14 qui concerne les investissements, « l’équipe projet EGA » du ministère a envoyé un mail aux différents participants, le 8 septembre indiquant : « Compte tenu du calendrier contraint, les participants sont invités à envoyer leurs contributions précisant leurs propositions et leurs arguments, avant chaque réunion, aux ministères rapporteurs afin que les réunions plénières se concentrent sur la mise en débat des synthèses des contributions structurées selon les questions retenues lors de la première réunion ». Le Space, salon de l’élevage de Rennes, a été l’occasion pour plusieurs organisations de présenter leurs propositions. « Ils s’attendent à ce que l’on arrive avec des propositions décoiffantes, mais nous sommes dans le réalisme économique, et nous savons bien, de par notre expérience, qu’en ce qui concerne les relations commerciales, il s’agit de sujets complexes qu’il faut manier avec prudence », précise le directeur général.

Mais que se passe-t-il exactement au cours des réunions d’ateliers ? Mathilde Théry, experte alimentation durable chez FNH (Fondation pour la nature et l’homme), fait partie parmi « la soixantaine d’autres participants » de l’atelier 1 sur les attentes des consommateurs. Elle raconte : « Il est difficile de donner un jugement à mi-parcours. La première réunion a duré une journée entière. Les trois autres sont programmées sur une demi-journée. » Sur le contenu des réunions, une partie est organisée à l’avance. Il s’agit de présentation et d’exposés. « Par exemple, lors de la deuxième réunion, il y a eu trois présentations d’initiatives des filières pour répondre aux attentes des consommateurs », poursuit-elle. Ainsi, Panzani, Fleury Michon et Interbev sont intervenus sur ce thème. L’autre partie des réunions donne la parole aux participants. « Honnêtement, il y a des participants qui ne prennent pas la parole », décrit-elle. Et d’ajouter : « Par exemple, la FCD (distributeurs) ne parle pas beaucoup ». Il y en a d’autres, mais « je ne sais pas qui c’est. On est nombreux, c’est difficile de retenir le nom de tout le monde ».

Des points de blocages

Au cours des discussions, des points de blocages, prévisibles, apparaissent. Paul Auffray, président de la FNP (producteurs de porcs), raconte : « Chacun se présente et explique son point de vue. On a des objectifs souvent contradictoires ». Par exemple, Mathilde Théry raconte avoir demandé que la qualité de l’alimentation soit définie. Pour FNH, la qualité inclut que l’alimentation soit exempte de perturbateurs endocriniens, de pesticides, de nanoparticules… (lire l’article proposition de FNH). « Ma question n’a pas été reprise par le président (qui est aussi animateur) et nous sommes passés à autre chose », regrette-t-elle. Pourtant selon elle, le sujet n’est pas « si tabou » : « Super U a commencé à bannir de ses rayons l’huile de palme, etc. du moins pour les marques de distributeurs ». Mais pour Paul Auffray, l’atelier 1 n’a pas pour ambition de définir la qualité. « Il n’y a pas une qualité. La notion est complexe », développe-t-il. D’autres problématiques sont classées hors sujet « car ils doivent être traités dans un autre atelier », explique la FNH. Pour Mathilde Théry, « c’est absurde. Il y a des sujets transversaux. » Michel Prugue, président de Coop de France, regrette que certains sujets soient montés en épingle alors qu’ils sont selon lui éloignés du réalisme économique : « Il est question de relocalisation de la production, mais gardons en tête que l’arrêt de l’exportation signerait la disparition d’une bonne partie de l’agriculture française. C’est le cas notamment en viticulture. »

Des constats communs et des ouvertures

« Nous avons toujours des points de désaccords, mais nous faisons aussi des constats communs », reconnaît Mathilde Théry. Ainsi, les questions de bien-être animal, la rémunération des services environnementaux ou encore l’opposition au CETA, accord de libre-échange avec le Canada, rassemblent les parties prenantes. Outre les constats communs, la représentante de FNH relève aussi qu’il y a des ouvertures de la part de certains acteurs. « À la fin de la présentation de Fleury Michon, le président a donné son e-mail, appelant les participants à partager des idées. C’est plutôt encourageant », reconnaît-elle. Pour autant, les comptes rendus des réunions restent assez vagues. Les participants s’en tiennent souvent à énumérer les constats, qui ont déjà été faits depuis longtemps. Ainsi pour l’atelier 5, concernant la meilleure rémunération des produits agricoles, les causes de l’insatisfaction de différents acteurs proviennent de la « dissymétrie des forces entre les maillons, de l’organisation économique plus ou moins structurée dans les filières, des contraintes fortes du droit de la concurrence sur l’amont, de la distorsion des conditions sociales, fiscales, environnementales entre pays, etc. ». Des constats que même Stéphane Travert, affirme connaître dans son discours au Space, le 12 septembre : « Je ne suis pas là pour faire des constats pendant des mois […], parce que la situation, je n’ai de cesse de le répéter depuis mon arrivée au ministère, on la connaît. »

Des réunions non inscrites au programme officiel

Les témoignages recueillis indiquent aussi l’importance des rendez-vous non-inscrits au programme des EGA. Paul Auffray explique que ce n’est pas un secret : « Il y a des discussions à l’extérieur des ateliers, des réunions de travail non officielles. Bien sûr. » Les propositions arrivent aux oreilles des pouvoirs aussi par d’autres voies que celles des ateliers en cours. Paul Auffray raconte : « Au Space, un député de la majorité m’a demandé une liste de trois quatre propositions prioritaires. Il m’a dit qu’il essaiera de les faire remonter à l’Élysée. » Mathilde Théry aussi est convaincue que les réunions hors cadre des ateliers sont fondamentales. « Nous avons demandé un rendez-vous avec la FNSEA, les Jeunes agriculteurs, la Confédération paysanne… nous avons un accord de principe, mais pas de date », développe-t-elle. Olivier Allain, l’un des deux coordonnateurs des États généraux, reçoit en parallèle les organisations professionnelles, prêtant l’oreille aux demandes de chacun, selon plusieurs acteurs des filières agricoles. Ainsi Coop de France a présenté à Oliver Allain et aux différents services du ministère ses propositions, regroupées dans un document conséquents et bien étaillé.

À la fin, il faudra trancher. « Je n’ai pas le sentiment que les choses sont écrites d’avance », considère Michel Prugue, président de Coop de France. Au Space, Stéphane Travert a voulu réaffirmer que « l’État saura prendre sa part du travail, notamment en légiférant ou en réglementant si c’est nécessaire », tout en renvoyant à chacun sa part de responsabilité.

Les coulisses des ateliers des États généraux de l’alimentation

Les États généraux de l’alimentation battent leur plein. Les réunions d’ateliers s’enchaînent. Certains sont déjà à mi-parcours. Après la première réunion, nombreux sont ceux qui en étaient ressortis perplexes, avec le sentiment de ne pas pouvoir beaucoup s’exprimer. Pascal Vinet, directeur général de Coop de France, dont l’organisation a des représentants dans tous les ateliers, reconnaît que le démarrage des ateliers a été chaotique. « Il y a eu des difficultés au départ, mais maintenant tout le monde sort du bois. Chacun vient avec des propositions concrètes », constate-t-il. Et chacun alimente la plateforme en ligne des États généraux (www.egalimentation.gouv.fr). Au 14 septembre, les compteurs affichent 8.600 contributions et 60.400 votes, la thématique ayant le plus de succès étant "comment rémunérer équitablement les agriculteurs" (2.225 contributions, 18.100 votes) suivie de "comment accompagner la transformation de notre agriculture" (1.600 contributions, 11.900 votes). Autre difficulté relevée par plusieurs participants : dans les réunions, bon nombre restent camper sur leurs positions, ce qui inquiéterait le ministère, selon plusieurs sources professionnelles. « On a monté le chapiteau, la piste est lancée et chacun est entré avec son propre logiciel », commente Bernard Lannes, président de la Coordination rurale.

Or, les présidents d’ateliers, tous comme les coordonnateurs, sont sous pression du ministère de l’Agriculture pour aboutir à du concret d'ici la fin septembre, pression qu’ils retransmettent aux participants. Ainsi, pour l’atelier 14 qui concerne les investissements, « l’équipe projet EGA » du ministère a envoyé un mail aux différents participants, le 8 septembre indiquant : « Compte tenu du calendrier contraint, les participants sont invités à envoyer leurs contributions précisant leurs propositions et leurs arguments, avant chaque réunion, aux ministères rapporteurs afin que les réunions plénières se concentrent sur la mise en débat des synthèses des contributions structurées selon les questions retenues lors de la première réunion ». Le Space, salon de l’élevage de Rennes, a été l’occasion pour plusieurs organisations de présenter leurs propositions. « Ils s’attendent à ce que l’on arrive avec des propositions décoiffantes, mais nous sommes dans le réalisme économique, et nous savons bien, de par notre expérience, qu’en ce qui concerne les relations commerciales, il s’agit de sujets complexes qu’il faut manier avec prudence », précise le directeur général.

Mais que se passe-t-il exactement au cours des réunions d’ateliers ? Mathilde Théry, experte alimentation durable chez FNH (Fondation pour la nature et l’homme), fait partie parmi « la soixantaine d’autres participants » de l’atelier 1 sur les attentes des consommateurs. Elle raconte : « Il est difficile de donner un jugement à mi-parcours. La première réunion a duré une journée entière. Les trois autres sont programmées sur une demi-journée. » Sur le contenu des réunions, une partie est organisée à l’avance. Il s’agit de présentation et d’exposés. « Par exemple, lors de la deuxième réunion, il y a eu trois présentations d’initiatives des filières pour répondre aux attentes des consommateurs », poursuit-elle. Ainsi, Panzani, Fleury Michon et Interbev sont intervenus sur ce thème. L’autre partie des réunions donne la parole aux participants. « Honnêtement, il y a des participants qui ne prennent pas la parole », décrit-elle. Et d’ajouter : « Par exemple, la FCD (distributeurs) ne parle pas beaucoup ». Il y en a d’autres, mais « je ne sais pas qui c’est. On est nombreux, c’est difficile de retenir le nom de tout le monde ».

Des points de blocages

Au cours des discussions, des points de blocages, prévisibles, apparaissent. Paul Auffray, président de la FNP (producteurs de porcs), raconte : « Chacun se présente et explique son point de vue. On a des objectifs souvent contradictoires ». Par exemple, Mathilde Théry raconte avoir demandé que la qualité de l’alimentation soit définie. Pour FNH, la qualité inclut que l’alimentation soit exempte de perturbateurs endocriniens, de pesticides, de nanoparticules… (lire l’article proposition de FNH). « Ma question n’a pas été reprise par le président (qui est aussi animateur) et nous sommes passés à autre chose », regrette-t-elle. Pourtant selon elle, le sujet n’est pas « si tabou » : « Super U a commencé à bannir de ses rayons l’huile de palme, etc. du moins pour les marques de distributeurs ». Mais pour Paul Auffray, l’atelier 1 n’a pas pour ambition de définir la qualité. « Il n’y a pas une qualité. La notion est complexe », développe-t-il. D’autres problématiques sont classées hors sujet « car ils doivent être traités dans un autre atelier », explique la FNH. Pour Mathilde Théry, « c’est absurde. Il y a des sujets transversaux. » Michel Prugue, président de Coop de France, regrette que certains sujets soient montés en épingle alors qu’ils sont selon lui éloignés du réalisme économique : « Il est question de relocalisation de la production, mais gardons en tête que l’arrêt de l’exportation signerait la disparition d’une bonne partie de l’agriculture française. C’est le cas notamment en viticulture. »

Des constats communs et des ouvertures

« Nous avons toujours des points de désaccords, mais nous faisons aussi des constats communs », reconnaît Mathilde Théry. Ainsi, les questions de bien-être animal, la rémunération des services environnementaux ou encore l’opposition au CETA, accord de libre-échange avec le Canada, rassemblent les parties prenantes. Outre les constats communs, la représentante de FNH relève aussi qu’il y a des ouvertures de la part de certains acteurs. « À la fin de la présentation de Fleury Michon, le président a donné son e-mail, appelant les participants à partager des idées. C’est plutôt encourageant », reconnaît-elle. Pour autant, les comptes rendus des réunions restent assez vagues. Les participants s’en tiennent souvent à énumérer les constats, qui ont déjà été faits depuis longtemps. Ainsi pour l’atelier 5, concernant la meilleure rémunération des produits agricoles, les causes de l’insatisfaction de différents acteurs proviennent de la « dissymétrie des forces entre les maillons, de l’organisation économique plus ou moins structurée dans les filières, des contraintes fortes du droit de la concurrence sur l’amont, de la distorsion des conditions sociales, fiscales, environnementales entre pays, etc. ». Des constats que même Stéphane Travert, affirme connaître dans son discours au Space, le 12 septembre : « Je ne suis pas là pour faire des constats pendant des mois […], parce que la situation, je n’ai de cesse de le répéter depuis mon arrivée au ministère, on la connaît. »

Des réunions non inscrites au programme officiel

Les témoignages recueillis indiquent aussi l’importance des rendez-vous non-inscrits au programme des EGA. Paul Auffray explique que ce n’est pas un secret : « Il y a des discussions à l’extérieur des ateliers, des réunions de travail non officielles. Bien sûr. » Les propositions arrivent aux oreilles des pouvoirs aussi par d’autres voies que celles des ateliers en cours. Paul Auffray raconte : « Au Space, un député de la majorité m’a demandé une liste de trois quatre propositions prioritaires. Il m’a dit qu’il essaiera de les faire remonter à l’Élysée. » Mathilde Théry aussi est convaincue que les réunions hors cadre des ateliers sont fondamentales. « Nous avons demandé un rendez-vous avec la FNSEA, les Jeunes agriculteurs, la Confédération paysanne… nous avons un accord de principe, mais pas de date », développe-t-elle. Olivier Allain, l’un des deux coordonnateurs des États généraux, reçoit en parallèle les organisations professionnelles, prêtant l’oreille aux demandes de chacun, selon plusieurs acteurs des filières agricoles. Ainsi Coop de France a présenté à Oliver Allain et aux différents services du ministère ses propositions, regroupées dans un document conséquents et bien étaillé.

À la fin, il faudra trancher. « Je n’ai pas le sentiment que les choses sont écrites d’avance », considère Michel Prugue, président de Coop de France. Au Space, Stéphane Travert a voulu réaffirmer que « l’État saura prendre sa part du travail, notamment en légiférant ou en réglementant si c’est nécessaire », tout en renvoyant à chacun sa part de responsabilité.