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Abattoir d’Autun

Les éleveurs ont répondu présents !

Le 14 juin dernier, un peu plus de 150 personnes sont venues manifester leur attachement à l’abattoir d’Autun. Les éleveurs de l’Autunois-Morvan ont ainsi répondu massivement à l’appel de Bernard Joly, président de la Sica gestionnaire de l’abattoir. Un signe fort qui traduit un réel attachement à cet outil de proximité.
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La mobilisation dépassait largement le seul arrondissement d’Autun. Dans la salle, il y avait des éleveurs des départements limitrophes de la Nièvre et de Côte-d'Or, à l’instar de deux jeunes éleveuses de l’Auxois voisin qui n’ont pas manqué de défendre la petite structure autunoise, indispensable pour leur activité de vente directe. Mobilisation aussi des organisations agricoles avec le soutien appuyé de Christian Decerle, président de la chambre d’agriculture, et de Bernard Lacour, secrétaire général de la FDSEA, tous deux présents aux côtés de Bernard Joly. À noter également la présence du vice-président du conseil général, Christian Gillot, du vice-président du Parc naturel régional du Morvan, Jean-Baptiste Pierre, et du président de la chambre d’agriculture de la Nièvre, Éric Bertrand.
Le sauvetage de l’abattoir d’Autun ne sera pas une mince affaire. C’est en tout cas ce qu’ont fait comprendre tour à tour les responsables de la Sica, le représentant de la Communauté de communes d'Autun (CCA) propriétaire des murs et les experts de la Chambre d’agriculture, lesquels planchent tous ensemble sur le dossier.
Durant une bonne heure, les intervenants ont expliqué sans langue de bois la situation précise de l’abattoir à ce jour. Pour pouvoir être sauvée, la structure a besoin « d’un programme extrêmement lourd », prévenait Bernard Joly. « La collectivité propriétaire des lieux veut bien porter le projet, mais à condition que l’ensemble de la filière soit à ses côtés avec un véritable projet pour l’abattoir ».

3 millions d’€ d’investissement


L’abattoir d’Autun est aujourd’hui au pied du mur. Depuis 2010, l’administration met la pression sur la structure pour qu’elle accomplisse des travaux de modernisation. L’hiver dernier, il s’en est manqué de peu que le classement sanitaire de l’outil soit abaissé d’un cran. Cette rétrogradation aurait signifié une fermeture imminente. Heureusement, la mobilisation de la chambre d’agriculture, de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs a permis d’éviter ce déclassement. Sica et CCA ont immédiatement réinvesti pour repousser le risque d’une nouvelle sanction de l’administration. Mais une réfection quasi-totale de l’existant est inévitable. Selon les différentes expertises commanditées par la communauté de communes, il faudrait compter entre 3 et 3,5 millions d’€ d’investissement. Deux options s'offrent aujourd'hui : soit un « réaménagement complet » avec fermeture temporaire, soit la construction d’une nouvelle tuerie attenante, sans fermeture de l’outil.

Il faut agir vite


Et l’urgence ne se limite pas qu’à la chaîne d’abattage, ni à la gestion des déchets, elle aussi dans le collimateur des services vétérinaires. L’abattoir doit également se mettre en conformité sur le plan juridique. Suite à une injonction de la Cour des comptes, la "délégation de service publique" qui désigne les relations entre la CCA propriétaire et la Sica exploitante doit, elle aussi, faire l’objet d’une « mise aux normes ». Autrement dit, un nouveau cadre juridique doit être proposé d’ici le 1er janvier 2013, indiquait le représentant de la CCA.
Il faut agir vite. Pour la CCA, « il faut établir un projet en relation avec la chambre d’agriculture et la Sica qui soit une réalité économique pour le territoire ».

Situation favorable


Si l’activité première de l’abattoir peine à se rétablir depuis plusieurs années (lire encadré), plusieurs éléments du contexte actuel semblent militer en faveur d’un tel outil. D’abord, il ne faut pas sous-estimer le rayonnement géographique de la structure. Comme le confiait Bernard Joly, le projet s’inscrit dans un rayon d’au moins 70 km à la ronde, ce qui désigne la zone centrale de la Bourgogne, autrement dit bien plus que le nord Saône-et-Loire. Autre atout : l’abattoir d’Autun est implanté au cœur d’une zone de production de viande à fort potentiel. Un "minerai" qui, dans un contexte de marché de la viande tendu, intéresse de plus en plus les industriels... Et face à des coûts de transport devenus exorbitants, pourquoi ne pas s’appuyer sur les structures existantes sur place ? C’est le raisonnement que fait l’industriel breton SVA Jean Rozé. Stratégie qu’il applique d’ailleurs de la même façon à Besançon (25).

On recrée des abattoirs de proximité


L’autre tendance observée, c’est un besoin croissant de ce type d’outil dans le cadre de circuits courts. Comme le faisait remarquer Bernard Joly, « il y a quelques années, on nous prédisait une concentration vers des unités de 30 à 50.000 tonnes mono espèces avec disparition de tout le reste ! Aujourd’hui, s’il est vrai que les industriels font 80 % du volume, là où il n’y a plus qu’eux, on s’aperçoit qu’il manque quelque chose… ». De fait, il existe de nombreux exemples en France où l’on décide de recréer des abattoirs de proximité pour répondre à la demande de vente directe ou petits bouchers… Dernièrement, les responsables de la Sica, de la CCA et de la chambre ont visité trois petites unités de proximité qui « tournent bien ». Pour chacun de ces exemples, ils ont noté une forte implication des collectivités, des consommateurs et de la filière.

Stratégies de filières


Pour que le projet ait une chance de réussir, il faut qu’il repose sur une viabilité économique. En clair, et c’est ce qui est ressorti du débat de jeudi soir, il faut connaître les coûts et les engagements de chacun. Pour la partie coûts, Sica, CCA et chambre d’agriculture y travaillent d’arrache-pied. Sur la question des tonnages engagés, tout reste encore à éclaircir. Il faudra sans doute une implication plus forte des usagers de l’abattoir. Sur le principe, la cause semble acquise du côté des éleveurs, à condition d’engraisser un peu plus que cela ne se fait actuellement. Mais les choses semblent plus mitigées du côté de la filière. Chacun défend sa stratégie, laquelle ne passe pas forcément par l’abattoir d’Autun. Une donnée d’importance : plusieurs représentants de la grande distribution étaient présents dans la salle. Ces derniers ont reconnu être intéressés par un approvisionnement local. Certains ont d'ailleurs déjà des engagements à la semaine avec les abattoirs locaux et la tendance devrait se développer.

Une association est née


Débat oblige, on n’a pas manqué de faire part de ses réserves, de pointer les incertitudes… Sans vraiment oser remettre en cause les schémas existants qui poussent pourtant à la concentration industrielle de l’abattage et à sa délocalisation.
L’audace est venue de Bernard Lacour et de Christian Decerle qui ont tous deux exhorté les participants à prendre les choses en main. Pour Bernard Lacour, c’est une question de volonté du territoire. « À chaque fois qu’un abattoir de proximité ferme, c’est l’industriel qui en profite », rappelait le secrétaire général de la FDSEA. L’abattoir d’Autun, c’est aussi plus d’une vingtaine d’emplois directs et indirects dont la disparition porterait préjudice au tissu économique local. « Laisser fermer l’abattoir d’Autun, ce serait accepter que seuls quelques grands groupes abattent le bétail. Cela va à l’encontre même du discours ambiant », poursuivait Christian Decerle. Les deux responsables ont immédiatement encouragé la création d’une association, destinée à afficher la détermination des éleveurs. Peu avant minuit, l’Association de défense de l’abattoir d’Autun était créée !


Abattoir d’Autun



Activité fragile


L’abattoir public d’Autun date de 1968. Son chiffre d’affaire oscille entre 1,1 et 1,2 million d’€. Cette année, son résultat était de seulement 10.000 €.
La situation économique de l’abattoir s’est particulièrement dégradée fin 2008 avec la perte de son principal chevillard. Cette affaire a fait chuter l’activité de l’outil de 400 tonnes et laissé une ardoise de 200.000 € d’impayés. Cette situation a contraint la Sica à licencier quatre personnes pour revenir à l’équilibre.
Conçu pour abattre 5.000 tonnes de viande, le volume traité par l’abattoir est passé de 3.500 tonnes au sortir de seconde crise de l’ESB à tout juste 2.000 actuellement. 77 % du tonnage sont faits de bovins, suivis des porcs (11 %) et des ovins (6 %). Parmi les usagers de l’abattoir, cinq grossistes réalisent à eux seuls environ 1.250 à 1.500 tonnes. Une vingtaine de bouchers traditionnels font abattre pour près de 240 tonnes de viande. La vente directe et les GIE représentent 125 tonnes réalisées pour le compte de 25 sociétaires. 200 tonnes abattues notamment dans le cadre "rituel" complètent ce tableau. À noter que parmi les usagers de l’abattoir figurent 561 éleveurs locaux.
L’abattoir d’Autun a l’avantage de disposer d’un atelier de découpe et conditionnement récent. 572 clients plus 307 agriculteurs (vente directe et GIE) en sont usagers.
Parmi les évènements récents, il faut signaler le partenariat signé avec le groupe SVA Jean Rozé qui, en permettant d’abattre 200 tonnes supplémentaires, a en quelque sorte sauvé l’abattoir. Un partenariat qui semble s’installer dans la durée puisqu’en plus d’un premier approvisionnement par l’intermédiaire de l’entreprise Beaucarnot, SVA a également sollicité le groupe coopératif Feder (Gecsel - Socaviac) pour un approvisionnement supplémentaire de 30 bovins semaine.


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