Les filières agricoles s’interrogent avant le lancement des Etats Généraux de l'Alimentation
Les États généraux de l’alimentation, voulus par Emmanuel Macron, seront officiellement lancés le 20 juillet à Paris, au centre de conférence du ministère de l’Économie et des Finances à Bercy. Les invitations ont été reçues par les professionnels. Les États généraux sont aussi à l’ordre du jour du Conseil des ministres du 19 juillet, avec la présentation de l’agenda. Pour autant, l’organisation reste pour le moins « floue » et les filières agricoles s’interrogent tant sur l’organisation et sur la finalité. En attendant le lancement, ces États généraux concentrent beaucoup d’espoirs dans les filières, mais également une grande crainte que cela se termine par « much ado about nothing » comme aurait dit W. Shakespeare c’est-à-dire « beaucoup de bruit pour rien ».

« On ne peut pas accepter dans notre pays que l’on puisse produire, faire, travailler et ne pas en vivre dignement », avait déclaré le 9 juin, Emmanuel Macron devant un parterre d’étudiants, futurs agriculteurs, au lycée agricole de Limoges-Les Vaseix (Haute-Vienne), en pleine région d’élevage. Les États généraux de l’alimentation doivent consacrer un large débat sur cette question, dans le premier chantier portant sur la création et la répartition de la valeur dans les filières agricoles. « Pour vivre dignement de son métier », il faut selon Emmanuel Macron « rouvrir nombre de relations commerciales, rouvrir parfois des évidences du droit européen, rouvrir certaines dispositions législatives qui depuis plusieurs années ont conduit des filières à beaucoup souffrir ». Pour autant, à quelques jours de l’ouverture de ces États généraux, difficile de voir ce qu’il va en sortir, d’autant plus que l’organisation est encore « floue » comme le décrivent bon nombre de professionnels des filières agricoles.
Un soutien de l’État très attendu
« S’il y a uniquement un débat, cela sera sympathique. On sera même capable d’être d’accord ! », ironise André Bouchut, représentant de la Confédération paysanne à Interfel. Un avis partagé par d’autres syndicalistes de tout bord. Alexandre Merle, président d’Interveau, observe tout ce remue-ménage avec circonspection. La filière veau, très intégrée, ne rentrera pas dans les débats. Il note qu’« il n’y a pas de place pour les filières autour de la table ». La FNSEA portera donc l’ensemble des messages de la profession. Rien n’empêchera pour autant les syndicats de filières de prendre la parole. « Rien ne nous interdira de nous exprimer. Jamais ! », s’enflamme André Bonnard, secrétaire général de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Alexandre Merle imagine, par la suite, « une déclinaison par interprofession » des « grands principes » dégagés lors des tables rondes. Jérémy Decerle, président de Jeunes agriculteurs, pense « qu’il faut se servir de ce rendez-vous pour poser des jalons et restructurer les filières ». Il dit « attendre beaucoup des animateurs et de l’État », évoquant l’habituel « jeu de dupe » dans certaines filières.
On compte aussi sur les États généraux pour préparer la future Pac. Dominique Langlois, président d’Interbev, résume bien la situation : « Parler de compétitivité des filières, c’est inévitablement parler de la prochaine Pac ».
Des évolutions législatives possibles
Jean-Baptiste Moreau, député de la Creuse (En marche), éleveur, président de l’abattoir de Montmorillon et de la Coopérative Celmar, a été mobilisé par Emmanuel Macron pour participer à ces États généraux. Il affiche une vision beaucoup plus interventionniste et parle non pas d’ateliers, d’échanges ou de débats mais bien de « négociations au niveau national et régional ». Il confirmait, le 12 juillet, que l’organisation était encore en cours. « Il y a une obligation de résultats » derrière les États généraux de l’alimentation, considère-t-il. Une différence fondamentale, selon lui, avec la série de tables rondes qu’avait pu organiser Stéphane Le Foll en 2015 dans les filières laitière et bovine. D’après lui, le gouvernement peut tout à fait reprendre la main à la fin des États généraux, quitte à passer par la voie législative, si les « négociations n’ont pas abouti ».
« Si les États généraux pouvaient créer un meilleur état d’esprit… », soupirait Jehan Moreau, directeur de la Fédération nationale des industries laitières (Fnil), fin juin concernant la filière laitière. « Est-ce que cela passera par une nouvelle réglementation ? Je n’en sais rien ! », s’interrogeait-il. Dans la filière laitière, l’enjeu législatif est majeur. La loi Sapin 2, visant entre autres à renforcer le pouvoir des producteurs dans les négociations de prix, n’est pas encore appliquée dans sa totalité. « J’ai tendance à penser qu’il faut légiférer. Mais sans que l’emballement législatif conduise à du normatif », relevait André Bonnard le 12 juillet. Stéphane Travert a assuré le 7 juillet, durant son déplacement dans la Manche, que « les premières orientations réglementaires, et le cas échéant législatives, seront connues dès la fin du mois de septembre. […] Elles viseront notamment à renforcer le rôle des organisations de producteurs (OP) dans la perspective des négociations commerciales qui débuteront à l’automne entre producteurs, transformateurs et distributeurs. »
Question autour de l’interdiction de vente à perte
Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, et Véronique Le Floc’h, secrétaire générale de la Coordination rurale, espèrent bien aussi que la législation bougera afin d’assurer enfin un revenu aux producteurs. Et cela d’autant plus que, comme le pointe Véronique le Floc’h, il faudra « consacrer des journées entières à ces États généraux ». Laurent Pinatel insiste, lui, sur la question de l’interdiction des ventes à perte. « Les agriculteurs sont la seule catégorie sociale qu’on laisse produire à perte », souligne-t-il, alors même que cela est interdit par les règles du commerce. Une thématique reprise par Jehan Moreau, directeur de la Fnil, qui s’interroge sur « les outils à mettre en place » pour arrêter cette situation qui pose un problème « récurrent dans certaines filières, comme les fruits et légumes ». Pour la FNPL, le sujet n’est pas à l’ordre du jour, surtout concernant des denrées périssables.
Dans la filière porcine, la révision de la loi de modernisation de l’économie (LME) est aussi une priorité. « Un petit industriel de la charcuterie me disait récemment qu’il n’arrive pas à répercuter la hausse des matières premières depuis un an », rapporte Paul Auffray, président de la Fédération nationale porcine (FNP).
Rédéfinir les missions de l’élevage
En fait, chaque filière à des revendications qui lui sont propres. Dominique Langlois parle de l’installation des jeunes en élevage bovin viande, de la compétitivité des outils d’abattage, de l’export, de segmentation et également de réponses aux enjeux sociétaux. « Notre convention annuelle portait sur ce dernier thème. Celui-ci s’intègre parfaitement dans le deuxième chantier de ces États généraux », souligne-t-il (Voir rubrique Économie Animal). André Bonnard estime que les attentes sociétales et la création de valeur sont « un seul et unique thème », à défendre durant les tables rondes. Pour le syndicat, la question du prix reste cruciale, bien plus que la Pac. Ce sera « la posture de la FNPL », explique-t-il.
Dans les filières volaille et porcine, c’est la compétitivité des entreprises et les distorsions de concurrence qui ressortent. Les interprofessions volaille de chair pourraient demander la ré-autorisation des protéines animales transformées (PAT) en alimentation animale, dont la levée pourrait redonner de la valeur aux déchets d’abattoir de volaille. Autre sujet fort porté par la filière porcine, notamment par l’interprofession : la baisse de consommation qui touche les produits porcins depuis quelques années, au profit notamment de la viande de poulet. Lors de sa dernière assemblée générale, l’interprofession porcine a d’ores et déjà relancé le débat de la segmentation, vue comme un moyen de relancer la consommation. Plus largement, la FNP veut aborder « la place de l’élevage dans la société ». « On va dire que nous faisons de la démagogie, mais nous voulons redéfinir les missions territoriales, économiques et sociales de l’élevage. On ne peut pas réduire la mission de l’élevage à produire toujours moins cher, et on ne peut pas non plus traiter le sujet des antibiotiques comme si la France était dans sa bulle », assène Paul Auffray.
Les attentes dans les grandes cultures
Du côté des céréales, l’AGPM (producteurs de maïs) a aussi établi sa feuille de route : dispositifs assurantiels « plus incitatifs » dans la Pac, épargne de précaution, « véritable politique de stockage de l’eau », maintien du plafond de 7 % de bioéthanol dans l’essence, accès à la protection phyto, aux innovations en matière de sélection variétale, etc. Du côté de la Fop (oléoprotéagineux), « on veut porter les efforts sur l’innovation et la recherche, notamment dans l’amélioration de la protéine végétale », indique la Fop. Les filières grandes cultures veulent aussi rebondir sur l’interdiction des phyto sur les surfaces d’intérêt écologique (SIE) et le projet de baisse d’incorporation des biocarburants de première génération.
De son côté, la CGB (betteraviers) s’inquiète de la fin des quotas. La filière betterave et sucre entre dans « un système de prix non négocié, avec la possibilité, pour le complémenter, de convenir des clauses de répartition de la valeur, négociées groupe par groupe au sein de commissions de répartition de la valeur », explique-t-elle. Les betteraviers veulent s’assurer que « l’esprit des textes de ce nouveau mode de répartition de la valeur est respecté ».
Les filières agricoles s’interrogent avant le lancement des Etats Généraux de l'Alimentation

« On ne peut pas accepter dans notre pays que l’on puisse produire, faire, travailler et ne pas en vivre dignement », avait déclaré le 9 juin, Emmanuel Macron devant un parterre d’étudiants, futurs agriculteurs, au lycée agricole de Limoges-Les Vaseix (Haute-Vienne), en pleine région d’élevage. Les États généraux de l’alimentation doivent consacrer un large débat sur cette question, dans le premier chantier portant sur la création et la répartition de la valeur dans les filières agricoles. « Pour vivre dignement de son métier », il faut selon Emmanuel Macron « rouvrir nombre de relations commerciales, rouvrir parfois des évidences du droit européen, rouvrir certaines dispositions législatives qui depuis plusieurs années ont conduit des filières à beaucoup souffrir ». Pour autant, à quelques jours de l’ouverture de ces États généraux, difficile de voir ce qu’il va en sortir, d’autant plus que l’organisation est encore « floue » comme le décrivent bon nombre de professionnels des filières agricoles.
Un soutien de l’État très attendu
« S’il y a uniquement un débat, cela sera sympathique. On sera même capable d’être d’accord ! », ironise André Bouchut, représentant de la Confédération paysanne à Interfel. Un avis partagé par d’autres syndicalistes de tout bord. Alexandre Merle, président d’Interveau, observe tout ce remue-ménage avec circonspection. La filière veau, très intégrée, ne rentrera pas dans les débats. Il note qu’« il n’y a pas de place pour les filières autour de la table ». La FNSEA portera donc l’ensemble des messages de la profession. Rien n’empêchera pour autant les syndicats de filières de prendre la parole. « Rien ne nous interdira de nous exprimer. Jamais ! », s’enflamme André Bonnard, secrétaire général de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Alexandre Merle imagine, par la suite, « une déclinaison par interprofession » des « grands principes » dégagés lors des tables rondes. Jérémy Decerle, président de Jeunes agriculteurs, pense « qu’il faut se servir de ce rendez-vous pour poser des jalons et restructurer les filières ». Il dit « attendre beaucoup des animateurs et de l’État », évoquant l’habituel « jeu de dupe » dans certaines filières.
On compte aussi sur les États généraux pour préparer la future Pac. Dominique Langlois, président d’Interbev, résume bien la situation : « Parler de compétitivité des filières, c’est inévitablement parler de la prochaine Pac ».
Des évolutions législatives possibles
Jean-Baptiste Moreau, député de la Creuse (En marche), éleveur, président de l’abattoir de Montmorillon et de la Coopérative Celmar, a été mobilisé par Emmanuel Macron pour participer à ces États généraux. Il affiche une vision beaucoup plus interventionniste et parle non pas d’ateliers, d’échanges ou de débats mais bien de « négociations au niveau national et régional ». Il confirmait, le 12 juillet, que l’organisation était encore en cours. « Il y a une obligation de résultats » derrière les États généraux de l’alimentation, considère-t-il. Une différence fondamentale, selon lui, avec la série de tables rondes qu’avait pu organiser Stéphane Le Foll en 2015 dans les filières laitière et bovine. D’après lui, le gouvernement peut tout à fait reprendre la main à la fin des États généraux, quitte à passer par la voie législative, si les « négociations n’ont pas abouti ».
« Si les États généraux pouvaient créer un meilleur état d’esprit… », soupirait Jehan Moreau, directeur de la Fédération nationale des industries laitières (Fnil), fin juin concernant la filière laitière. « Est-ce que cela passera par une nouvelle réglementation ? Je n’en sais rien ! », s’interrogeait-il. Dans la filière laitière, l’enjeu législatif est majeur. La loi Sapin 2, visant entre autres à renforcer le pouvoir des producteurs dans les négociations de prix, n’est pas encore appliquée dans sa totalité. « J’ai tendance à penser qu’il faut légiférer. Mais sans que l’emballement législatif conduise à du normatif », relevait André Bonnard le 12 juillet. Stéphane Travert a assuré le 7 juillet, durant son déplacement dans la Manche, que « les premières orientations réglementaires, et le cas échéant législatives, seront connues dès la fin du mois de septembre. […] Elles viseront notamment à renforcer le rôle des organisations de producteurs (OP) dans la perspective des négociations commerciales qui débuteront à l’automne entre producteurs, transformateurs et distributeurs. »
Question autour de l’interdiction de vente à perte
Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, et Véronique Le Floc’h, secrétaire générale de la Coordination rurale, espèrent bien aussi que la législation bougera afin d’assurer enfin un revenu aux producteurs. Et cela d’autant plus que, comme le pointe Véronique le Floc’h, il faudra « consacrer des journées entières à ces États généraux ». Laurent Pinatel insiste, lui, sur la question de l’interdiction des ventes à perte. « Les agriculteurs sont la seule catégorie sociale qu’on laisse produire à perte », souligne-t-il, alors même que cela est interdit par les règles du commerce. Une thématique reprise par Jehan Moreau, directeur de la Fnil, qui s’interroge sur « les outils à mettre en place » pour arrêter cette situation qui pose un problème « récurrent dans certaines filières, comme les fruits et légumes ». Pour la FNPL, le sujet n’est pas à l’ordre du jour, surtout concernant des denrées périssables.
Dans la filière porcine, la révision de la loi de modernisation de l’économie (LME) est aussi une priorité. « Un petit industriel de la charcuterie me disait récemment qu’il n’arrive pas à répercuter la hausse des matières premières depuis un an », rapporte Paul Auffray, président de la Fédération nationale porcine (FNP).
Rédéfinir les missions de l’élevage
En fait, chaque filière à des revendications qui lui sont propres. Dominique Langlois parle de l’installation des jeunes en élevage bovin viande, de la compétitivité des outils d’abattage, de l’export, de segmentation et également de réponses aux enjeux sociétaux. « Notre convention annuelle portait sur ce dernier thème. Celui-ci s’intègre parfaitement dans le deuxième chantier de ces États généraux », souligne-t-il (Voir rubrique Économie Animal). André Bonnard estime que les attentes sociétales et la création de valeur sont « un seul et unique thème », à défendre durant les tables rondes. Pour le syndicat, la question du prix reste cruciale, bien plus que la Pac. Ce sera « la posture de la FNPL », explique-t-il.
Dans les filières volaille et porcine, c’est la compétitivité des entreprises et les distorsions de concurrence qui ressortent. Les interprofessions volaille de chair pourraient demander la ré-autorisation des protéines animales transformées (PAT) en alimentation animale, dont la levée pourrait redonner de la valeur aux déchets d’abattoir de volaille. Autre sujet fort porté par la filière porcine, notamment par l’interprofession : la baisse de consommation qui touche les produits porcins depuis quelques années, au profit notamment de la viande de poulet. Lors de sa dernière assemblée générale, l’interprofession porcine a d’ores et déjà relancé le débat de la segmentation, vue comme un moyen de relancer la consommation. Plus largement, la FNP veut aborder « la place de l’élevage dans la société ». « On va dire que nous faisons de la démagogie, mais nous voulons redéfinir les missions territoriales, économiques et sociales de l’élevage. On ne peut pas réduire la mission de l’élevage à produire toujours moins cher, et on ne peut pas non plus traiter le sujet des antibiotiques comme si la France était dans sa bulle », assène Paul Auffray.
Les attentes dans les grandes cultures
Du côté des céréales, l’AGPM (producteurs de maïs) a aussi établi sa feuille de route : dispositifs assurantiels « plus incitatifs » dans la Pac, épargne de précaution, « véritable politique de stockage de l’eau », maintien du plafond de 7 % de bioéthanol dans l’essence, accès à la protection phyto, aux innovations en matière de sélection variétale, etc. Du côté de la Fop (oléoprotéagineux), « on veut porter les efforts sur l’innovation et la recherche, notamment dans l’amélioration de la protéine végétale », indique la Fop. Les filières grandes cultures veulent aussi rebondir sur l’interdiction des phyto sur les surfaces d’intérêt écologique (SIE) et le projet de baisse d’incorporation des biocarburants de première génération.
De son côté, la CGB (betteraviers) s’inquiète de la fin des quotas. La filière betterave et sucre entre dans « un système de prix non négocié, avec la possibilité, pour le complémenter, de convenir des clauses de répartition de la valeur, négociées groupe par groupe au sein de commissions de répartition de la valeur », explique-t-elle. Les betteraviers veulent s’assurer que « l’esprit des textes de ce nouveau mode de répartition de la valeur est respecté ».
Les filières agricoles s’interrogent avant le lancement des Etats Généraux de l'Alimentation

« On ne peut pas accepter dans notre pays que l’on puisse produire, faire, travailler et ne pas en vivre dignement », avait déclaré le 9 juin, Emmanuel Macron devant un parterre d’étudiants, futurs agriculteurs, au lycée agricole de Limoges-Les Vaseix (Haute-Vienne), en pleine région d’élevage. Les États généraux de l’alimentation doivent consacrer un large débat sur cette question, dans le premier chantier portant sur la création et la répartition de la valeur dans les filières agricoles. « Pour vivre dignement de son métier », il faut selon Emmanuel Macron « rouvrir nombre de relations commerciales, rouvrir parfois des évidences du droit européen, rouvrir certaines dispositions législatives qui depuis plusieurs années ont conduit des filières à beaucoup souffrir ». Pour autant, à quelques jours de l’ouverture de ces États généraux, difficile de voir ce qu’il va en sortir, d’autant plus que l’organisation est encore « floue » comme le décrivent bon nombre de professionnels des filières agricoles.
Un soutien de l’État très attendu
« S’il y a uniquement un débat, cela sera sympathique. On sera même capable d’être d’accord ! », ironise André Bouchut, représentant de la Confédération paysanne à Interfel. Un avis partagé par d’autres syndicalistes de tout bord. Alexandre Merle, président d’Interveau, observe tout ce remue-ménage avec circonspection. La filière veau, très intégrée, ne rentrera pas dans les débats. Il note qu’« il n’y a pas de place pour les filières autour de la table ». La FNSEA portera donc l’ensemble des messages de la profession. Rien n’empêchera pour autant les syndicats de filières de prendre la parole. « Rien ne nous interdira de nous exprimer. Jamais ! », s’enflamme André Bonnard, secrétaire général de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Alexandre Merle imagine, par la suite, « une déclinaison par interprofession » des « grands principes » dégagés lors des tables rondes. Jérémy Decerle, président de Jeunes agriculteurs, pense « qu’il faut se servir de ce rendez-vous pour poser des jalons et restructurer les filières ». Il dit « attendre beaucoup des animateurs et de l’État », évoquant l’habituel « jeu de dupe » dans certaines filières.
On compte aussi sur les États généraux pour préparer la future Pac. Dominique Langlois, président d’Interbev, résume bien la situation : « Parler de compétitivité des filières, c’est inévitablement parler de la prochaine Pac ».
Des évolutions législatives possibles
Jean-Baptiste Moreau, député de la Creuse (En marche), éleveur, président de l’abattoir de Montmorillon et de la Coopérative Celmar, a été mobilisé par Emmanuel Macron pour participer à ces États généraux. Il affiche une vision beaucoup plus interventionniste et parle non pas d’ateliers, d’échanges ou de débats mais bien de « négociations au niveau national et régional ». Il confirmait, le 12 juillet, que l’organisation était encore en cours. « Il y a une obligation de résultats » derrière les États généraux de l’alimentation, considère-t-il. Une différence fondamentale, selon lui, avec la série de tables rondes qu’avait pu organiser Stéphane Le Foll en 2015 dans les filières laitière et bovine. D’après lui, le gouvernement peut tout à fait reprendre la main à la fin des États généraux, quitte à passer par la voie législative, si les « négociations n’ont pas abouti ».
« Si les États généraux pouvaient créer un meilleur état d’esprit… », soupirait Jehan Moreau, directeur de la Fédération nationale des industries laitières (Fnil), fin juin concernant la filière laitière. « Est-ce que cela passera par une nouvelle réglementation ? Je n’en sais rien ! », s’interrogeait-il. Dans la filière laitière, l’enjeu législatif est majeur. La loi Sapin 2, visant entre autres à renforcer le pouvoir des producteurs dans les négociations de prix, n’est pas encore appliquée dans sa totalité. « J’ai tendance à penser qu’il faut légiférer. Mais sans que l’emballement législatif conduise à du normatif », relevait André Bonnard le 12 juillet. Stéphane Travert a assuré le 7 juillet, durant son déplacement dans la Manche, que « les premières orientations réglementaires, et le cas échéant législatives, seront connues dès la fin du mois de septembre. […] Elles viseront notamment à renforcer le rôle des organisations de producteurs (OP) dans la perspective des négociations commerciales qui débuteront à l’automne entre producteurs, transformateurs et distributeurs. »
Question autour de l’interdiction de vente à perte
Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, et Véronique Le Floc’h, secrétaire générale de la Coordination rurale, espèrent bien aussi que la législation bougera afin d’assurer enfin un revenu aux producteurs. Et cela d’autant plus que, comme le pointe Véronique le Floc’h, il faudra « consacrer des journées entières à ces États généraux ». Laurent Pinatel insiste, lui, sur la question de l’interdiction des ventes à perte. « Les agriculteurs sont la seule catégorie sociale qu’on laisse produire à perte », souligne-t-il, alors même que cela est interdit par les règles du commerce. Une thématique reprise par Jehan Moreau, directeur de la Fnil, qui s’interroge sur « les outils à mettre en place » pour arrêter cette situation qui pose un problème « récurrent dans certaines filières, comme les fruits et légumes ». Pour la FNPL, le sujet n’est pas à l’ordre du jour, surtout concernant des denrées périssables.
Dans la filière porcine, la révision de la loi de modernisation de l’économie (LME) est aussi une priorité. « Un petit industriel de la charcuterie me disait récemment qu’il n’arrive pas à répercuter la hausse des matières premières depuis un an », rapporte Paul Auffray, président de la Fédération nationale porcine (FNP).
Rédéfinir les missions de l’élevage
En fait, chaque filière à des revendications qui lui sont propres. Dominique Langlois parle de l’installation des jeunes en élevage bovin viande, de la compétitivité des outils d’abattage, de l’export, de segmentation et également de réponses aux enjeux sociétaux. « Notre convention annuelle portait sur ce dernier thème. Celui-ci s’intègre parfaitement dans le deuxième chantier de ces États généraux », souligne-t-il (Voir rubrique Économie Animal). André Bonnard estime que les attentes sociétales et la création de valeur sont « un seul et unique thème », à défendre durant les tables rondes. Pour le syndicat, la question du prix reste cruciale, bien plus que la Pac. Ce sera « la posture de la FNPL », explique-t-il.
Dans les filières volaille et porcine, c’est la compétitivité des entreprises et les distorsions de concurrence qui ressortent. Les interprofessions volaille de chair pourraient demander la ré-autorisation des protéines animales transformées (PAT) en alimentation animale, dont la levée pourrait redonner de la valeur aux déchets d’abattoir de volaille. Autre sujet fort porté par la filière porcine, notamment par l’interprofession : la baisse de consommation qui touche les produits porcins depuis quelques années, au profit notamment de la viande de poulet. Lors de sa dernière assemblée générale, l’interprofession porcine a d’ores et déjà relancé le débat de la segmentation, vue comme un moyen de relancer la consommation. Plus largement, la FNP veut aborder « la place de l’élevage dans la société ». « On va dire que nous faisons de la démagogie, mais nous voulons redéfinir les missions territoriales, économiques et sociales de l’élevage. On ne peut pas réduire la mission de l’élevage à produire toujours moins cher, et on ne peut pas non plus traiter le sujet des antibiotiques comme si la France était dans sa bulle », assène Paul Auffray.
Les attentes dans les grandes cultures
Du côté des céréales, l’AGPM (producteurs de maïs) a aussi établi sa feuille de route : dispositifs assurantiels « plus incitatifs » dans la Pac, épargne de précaution, « véritable politique de stockage de l’eau », maintien du plafond de 7 % de bioéthanol dans l’essence, accès à la protection phyto, aux innovations en matière de sélection variétale, etc. Du côté de la Fop (oléoprotéagineux), « on veut porter les efforts sur l’innovation et la recherche, notamment dans l’amélioration de la protéine végétale », indique la Fop. Les filières grandes cultures veulent aussi rebondir sur l’interdiction des phyto sur les surfaces d’intérêt écologique (SIE) et le projet de baisse d’incorporation des biocarburants de première génération.
De son côté, la CGB (betteraviers) s’inquiète de la fin des quotas. La filière betterave et sucre entre dans « un système de prix non négocié, avec la possibilité, pour le complémenter, de convenir des clauses de répartition de la valeur, négociées groupe par groupe au sein de commissions de répartition de la valeur », explique-t-elle. Les betteraviers veulent s’assurer que « l’esprit des textes de ce nouveau mode de répartition de la valeur est respecté ».