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Jean-Michel Gevrey à Dracy-Saint-Loup

Les gains en autonomie portent leurs fruits

Suite à une accumulation de pépins sanitaires et une dégradation de la santé économique de son exploitation, Jean-Michel Gevrey a remis à plat tout son système d’exploitation, aidé en cela par plusieurs formations dispensées par la chambre d’agriculture. Dès lors, l’éleveur de l’Autunois a réintroduit de l’autonomie alimentaire dans son élevage avec des résultats à la clé.
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L’exploitation de Jean-Michel-Gevrey couvre 140 hectares à Dracy-Saint-Loup dans l’Autunois. Elle compte un troupeau charolais de 80 vêlages. Les mâles sont vendus en broutards de 420 à 430 kg. Le cheptel inscrit produit également quelques reproducteurs, dont certains sont sélectionnés pour les stations d’évaluation charolaises. Toutes les femelles sont vendues engraissées. Pour la main-d’œuvre, Jean-Michel Gevrey emploie un salarié partagé au sein d’un groupement d’employeurs à cinq. Il fait également partie d’une Cuma pour les travaux mécanisés.
Depuis deux ans, l’éleveur a complètement revu la conduite de son exploitation, aidé en cela par des formations dispensées par la chambre d’agriculture sur les coûts de production, l’alimentation, la culture de céréales. Une remise en question consécutive à de gros soucis technico-économiques liés à une accumulation d’incidents sanitaires et à une dégradation de la santé économique de l’entreprise. Un véritable audit par des conseillers de la chambre d’agriculture s’est imposé. Tous les postes de charges ont été passés au crible et un plan d’évolution a été établi.

Trop d’aliments et de frais vétérinaires


De cette étude poussée est ressorti que la structure pouvait redevenir économiquement rentable moyennant certains aménagements. Deux principaux écueils ont été pointés du doigt : une dépense trop élevée en aliments et des frais vétérinaires disproportionnés (lire encadré).
Pour l’alimentation, faute de céréales produites en quantité suffisante sur l’exploitation, Jean-Michel distribuait un aliment complet. Pour des raisons de commodité, les broutards et les génisses à l’engrais recevaient un seul et même aliment à base de lin à raison de 7 kg par jour pour les génisses à l’herbe et 5 kg environ pour les broutards. Un régime que revenait cher, reconnaît aujourd’hui l’éleveur.

Retour des céréales autoproduites


Pour réduire les achats d’aliments, Jean-Michel a porté sa surface de céréales de 10 à 22 hectares grâce à une opportunité de reprise de terrain et un gain de terres labourables dans le cadre de la Pac. Les céréales produites sur l’exploitation sont entrées au menu des broutards et des femelles à l’engrais. Les premiers reçoivent désormais moitié moins d’aliment (2,5 kg) et 3 kg de céréales. Quant aux femelles, elles n’ont plus que 3 kg de tourteaux ajoutés à 4 kilos de céréales. L’éleveur a aussi voulu cesser de donner du lin à ses animaux. Pour ce faire, il a continué de distribuer un seul et même mélange de tourteaux aux mâles et aux femelles à l’engrais, mais sans lin. Pour la première année d’essai, les génisses ont toutefois manqué de 30 à 40 kg à l’abattoir, signale Jean-Michel qui en a déduit que la complémentation avait été trop réduite. Ce qui montre « qu’il ne faut tout de même pas trop tirer sur la corde ! », constate-t-il.

Triticale-pois, trèfle et seconde coupe


Au chapitre des cultures, l’éleveur a également testé avec succès le mélange triticale-pois. Distribuées aux génisses d’un an en hiver à la place d’un mélange tourteau-céréales, ces graines ont généré une économie de 400 grammes d’aliment par bête et par jour, calcule-t-il. « Elles ne sont pas grassouillettes lorsque je les relâche, mais elles font du squelette dans l’hiver et c’est l’essentiel », commente Jean-Michel.
Toujours dans l’optique de « faire de la protéine pour nourrir les vaches à peu de frais », l’éleveur avait envisagé de cultiver du méteil. Les techniciens lui ont recommandé de produire plutôt du trèfle mélangé à du ray-grass plus facile à exploiter en termes de récolte.
En 2014, il a effectué une seconde coupe derrière 25 hectares de foin sur lesquels il n’avait pas remis de vaches. Cet ensilage d’automne, récolté en septembre, lui avait fourni un fourrage doté de la « valeur d’un tourteau en protéine et d’une céréale en UF, ce qui m’avait permis de nourrir pas cher ! », observe-t-il.

Pâturage tournant


Pour aller plus loin dans la maîtrise de son système herbager, Jean-Michel Gevrey a intégré le groupe Herbe du GIEE de l’Autunois. Depuis un an et demi, il tente le pâturage tournant. « Les formations que j’ai suivies ont mis en évidence que je gaspillais de l’herbe. L’inventaire moyen des surfaces pâturées et fauchées montrait que je dépassais largement les surfaces disponibles recommandées par vache au printemps ». Un constat qui n’a pas surpris l’éleveur qui était parfois amené « à re-clôturer des bouts de pré » et qui « aimait bien voir ses bêtes dans l’herbe ! », reconnaît-il. Alors que le meilleur pâturage repose sur une herbe « pas trop haute », complète Jean-Michel.
Un premier essai a été mené en 2015 avec des génisses à l’engrais et des broutards. Malgré la sécheresse qui a frappé de bonne heure, l’éleveur dit avoir tout de même vu une différence. Des surfaces d’herbe en plus ont pu être fauchées. Certains veaux conduits en pâturage tournant ne consommaient pratiquement plus d’aliment complet. « Ils ont réalisé les mêmes croissances que d’habitude, mais avec environ un tiers d’aliment en moins », a constaté Jean-Michel. Des débuts encourageants qui s’ajoutent au fait de voir les vaches « aller directement dans la petite herbe lors des changements de parcelle » ; de s’apercevoir qu’elles en mangent globalement moins et qu’en plus, le pâturage tournant tend à les « sociabiliser davantage », révèle l’éleveur.

Des postes de dépense divisés par deux


Grâce à ces efforts, Jean-Michel Gevrey estime avoir divisé le poste Alimentation de son exploitation de moitié en comparaison d’une année sèche de référence. Les frais vétérinaires ont diminué dans les mêmes proportions, mais des problèmes de reproduction persistent encore (lire encadré).
Dans la remise en question de son système, l’éleveur a cessé de participer à des concours d’animaux, « trop coûteux au regard des retombées commerciales », analyse-t-il. Cela ne l’empêchera pas de poursuivre dans la voie de l’amélioration génétique avec l’objectif de généraliser l’insémination à l’ensemble de son cheptel et de re-concentrer ses vêlages.
Une autre résolution concerne les cultures pour lesquelles Jean-Michel explique avoir « revu les engrais ». L’idée est de « travailler avec du fumier et de la chaux, de sorte à faire remonter le pH, puis de réaliser des analyses de terre pour ajuster les apports de phosphore et de potassium. L’économie en engrais de fond d’automne paierait la chaux », prévoit l’éleveur qui avoue « réapprendre ce que faisaient nos grands-pères ! ».
Le dernier point sur lequel l’exploitation pouvait agir, c’était le poste Travaux réalisés par des tiers. Jean-Michel faisait beaucoup appel à l’entreprise et cela finissait par coûter cher. Désormais, l’éleveur travaille en entraide avec un jeune voisin. Une possibilité d’échange appréciée par Jean-Michel car, au-delà du coup de main, elle permet aux intéressés de se soutenir dans les coups durs.

Pertes sanitaires
Un cocktail de causes multiples…


Dans son élevage, Jean-Michel était confronté à des pertes importantes dans les veaux, de nombreuses vaches vides (jusqu’à 15 %), des avortements, des veaux faibles… Beaucoup souffraient de cryptosporidiose, mais aussi de diarrhées. Les génisses nécessitaient de nombreuses césariennes et épisiotomies au premier vêlage. D’où des frais importants en soins vétérinaires.
Les investigations ont montré que ces problèmes avaient des causes multiples et qu’il fallait agir à plusieurs niveaux.

Préparation au vêlage


Pour les complications à la mise bas des génisses, les conseillers de la chambre d’agriculture ont conclu à un problème de préparation au vêlage. Ce qui fut réglé par un régime d’un mois aux céréales et au chlorure de magnésium avec du fourrage grossier à défaut d’herbe, rapporte l’éleveur.

La leptospirose...


Des analyses ont par ailleurs révélé la présence de leptospirose, une maladie véhiculée notamment par les ragondins et qui compromet la reproduction des bovins. La vaccination contre cette maladie s’est immédiatement concrétisée dès la première année par la vente de vaches pleines, signale l’éleveur. Mais après trois ans de vaccination, le nombre de vaches vides s’est de nouveau envolé avec des avortements après échographies. Pour tenter d’enrayer cette rechute, la vaccination sera désormais avancée aux laitonnes plutôt qu’aux 18 mois, sans certitude que ces pertes soient imputables à la seule leptospirose, précise cependant Jean-Michel.

Désinfection et vaccinations


Pour prévenir la cryptosporidiose, l’éleveur fait désormais désinfecter sa stabulation tous les ans par le GDS. Par ailleurs, les vaches à la reproduction reçoivent maintenant cinq vaccins en quatre mois : rotavirus et colibacille pour prévenir les diarrhées un mois avant vêlage ; entérotoxémie et leptospirose à la rentrée des animaux ; enfin BVD un mois avant la reproduction, détaille Jean-Michel Gevrey.






Prendre du recul


Audit, formation... Des mots qui quelque fois font peur ou repoussent. Ou plutôt que l'on repousse bien souvent à plus tard, par manque de tempos, d'envie... Pourtant, tous ceux qui ont pris le temps de prendre un peu de recul, on accepté un regard extérieur, critique - dans le sens de critiquer pour construire, pas pour blâmer ou pour juger ! - ne l'ont pas regretté.

Ainsi, en va-t-il des formations ou les audits mises en place par les conseillers de la chambre d'Agriculture qui permettent à chacun de se poser les bonnes questions pour son exploitation, et cela en fonction de l'histoire mais aussi des attentes des chefs d'exploitation. L'occasion de savoir où on en est, où l'on va. Et d'y aller avec assurance.


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