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Transfert du 1er vers le 2nd pilier

Les impacts concrets de la décision de transfert du 1er vers le 2nd pilier de la Pac

La profession s’est élevée d’un seul bloc contre la décision prise par Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture, de procéder dès 2018 à un transfert entre le 1er pilier et le 2nd pilier de la Pac. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Quels seront les effets probables ? Eléments de réponse…

Les impacts concrets de la décision de transfert du 1er vers le 2nd pilier de la Pac

Le 27 juillet, le ministre de l’agriculture a acté un nouveau transfert de 4,2 % entre le 1er et le 2nd pilier (lire à ce sujet nos éditions du 28 juillet et du 4 août). Un transfert qui représente un prélèvement annuel d’environ 300 millions d’€ sur l’ensemble des aides directes des années budgétaires 2019 et 2020 (campagnes 2018 et 2019). En moyenne, ce transfert représentera une baisse de 835 € sur les aides directes du 1er pilier par exploitation et par an.

L’absence de transparence du ministère sur ce dossier rend impossible la distinction des besoins réellement causés par une croissance de la diffusion des programmes, de la sous-budgétisation des maquettes lors de la mise en place de la réforme 2015-2020. Cela reste une "boite noire" alors qu’à ce jour aucune donnée sur la répartition des aides déjà versées au titre de la campagne 2015 n’a encore été communiquée par le ministère…

Le cadre réglementaire européen

Le règlement européen permettait, au plus tard le 1er août 2017, de notifier certaines révisions des conditions nationales d’application de la Pac, telles que la part de l’enveloppe du 1er pilier consacré au paiement redistributif pour la campagne suivante.

En particulier pour 2017, une clause de révision prévue dans le règlement communautaire autorisait l’augmentation du transfert budgétaire du 1er vers le 2nd pilier jusqu’à 15 % des budgets consacrés au 1er pilier.

La France avait notifié lors de la mise en place de la réforme 2015-2020 un transfert de 3 % en 2015, et 3,3% les années suivantes. Ce transfert correspondait à la migration de la gestion des risques sanitaires, de l’assurance récolte, et des aides à l’agriculture biologique du 1er vers 2nd pilier.

La décision de Stépahne Travert a conduit la France à notifier à la Commission européenne un transfert de 7,5 % (3,3 + 4,2) entre les 1er et 2nd piliers.

853 M€ de besoin annuel… pour l’ICHN

L’ICHN a été revalorisée en 2014, et la PHAE y a été intégrée à compter de 2015. Le budget prévisionnel est ainsi passé de 550 millions d’€ (M€) en 2014 à 928 M€ en 2015, puis à 1.024 M€ en 2016 et à 1.056 M€ en 2017. Au-delà de la campagne 2017, aucun budget n’avait été annoncé par le cabinet de Stéphane Le Foll. Il apparaît aujourd’hui un besoin de financement de 853 M€ supplémentaires pour boucler la seule programmation 2014-2020, et cela sans jamais prendre en compte les évolutions liés au nouveau zonage !

Selon le ministère, le besoin de 853 M€ se décomposerait de la façon suivante :

·       Sur-programmation

La sur-programmation est une disposition relativement courante qui consiste à prévoir des engagements financiers supérieurs aux possibilités budgétaires réelles. Le taux de chute des besoins en fin de programmation sur certaines enveloppes permet habituellement de financer les besoins pour les autres programmes.

D’après le ministère (et sans aucune possibilité de le vérifier), la sur-programmation pour l’ICHN serait de 450 M€. Ce choix est d’autant plus incompréhensible que ce programme est peu enclin à un taux de chute important, et que le cadre national compte peu de programmes susceptibles de pourvoir financer un tel besoin en fin de programmation.

·       Besoins du cofinancement Feader

Le règlement européen a évolué entre la programmation 2007-2013 et 2014-2020. La part du cofinancement Feader maximum autorisé est passé de 50 % à 75 %. La France a donc profité de cette opportunité pour réduire la part de cofinancement national consacrée à l’ICHN à seulement 25 % de l’enveloppe totale et ainsi limiter les dépenses nationales. Or, ce règlement européen n’interdit en aucun cas à un Etat membre de participer au-delà du minimum requis de 25 %. Il existait donc dans le financement de l’ICHN des marges de manœuvres règlementaires pour que la France honore ses engagements via un financement sur les budgets nationaux…

·       Intégration des laitiers

Il était initialement prévu d’intégrer les laitiers des zones de piémont et des ZDS (Zones défavorisées simples) progressivement dans l’ICHN, en augmentant le coefficient stabilisateur de 25 % par an (taux plein en 2018). Or, la commission européenne s’est opposée à cette mesure et a imposé une intégration totale, effective dès 2016. L’intégration des laitiers représente un budget annuel de 45 M€.

D’autres besoins potentiels…

·       Bio et MAEC

Les aides à l’agriculture biologique, les MAEC et le PCAE sont des mesures qui relèvent des programmations régionales et dont les autorités de gestion sont les Conseils régionaux. La gestion de ces mesures est très différente selon les régions. Par exemple, l’aide à la conversion est plafonnée à 15.000 € dans certaines régions, alors que d’autres n’ont pas fait ce choix. Ces différences de traitements induisent des besoins budgétaires très différents. Le plafonnement des mesures, les retards de paiement sur le 2nd pilier et la conjoncture économique peuvent avoir un impact sur la détermination des exploitants à s’orienter ou non vers l’agriculture biologique. Selon les modalités de financement et la dynamique de développement, le ministère estime les besoins entre 80 et 586 M€ pour la fin de la programmation.

·       Assurance récolte

Le coût de prise en charge de l’assurance récolte augmente en raison de la hausse des primes d’assurance (5 % par an) et la diffusion croissante de cette mesure. Par ailleurs, l’abaissement du seuil d’intervention de 30 à 20 % - comme le permettrait le règlement omnibus - entrainerait aussi une hausse significative des besoins budgétaires pour ce programme. Le ministère estime les besoins de financement supplémentaire entre 86 et 230 M€.

·       Lutte contre la prédation

En raison de l’augmentation de l’aire de colonisation du loup, le ministère prévoit une augmentation des besoins financiers pour ce dispositif. Il estime le besoin supplémentaire à 35 M€ d’ici la fin de la programmation.

Les impacts concrets...

Ce transfert est certes une opération à somme nulle pour la ferme France. Les sommes prélevées sur les aides couplées et découplées seront en effet reversées aux agriculteurs avec d’autres modalités. En revanche, à l’échelle micro-économique, toutes les exploitations subissent ce prélèvement, alors que toutes ne bénéficieront pas du 2nd pilier.

En moyenne nationale, les aides du 1er pilier (DPB, paiement redistributif, paiement vert, aides couplées paiement JA) représentent un montant de 19.900 € par exploitations. Le transfert aura donc un impact moyen à la baisse de 835 € sur les versements à venir des campagnes 2018 et 2019.

L’impact réel apprécié individuellement pour chaque exploitation sera néanmoins plus difficile à mesurer. D’autres facteurs tels que la convergence des DPB interviendront aussi dans le calcul des aides versées.

 

 

Les impacts concrets de la décision de transfert du 1er vers le 2nd pilier de la Pac

Les impacts concrets de la décision de transfert du 1er vers le 2nd pilier de la Pac

Le 27 juillet, le ministre de l’agriculture a acté un nouveau transfert de 4,2 % entre le 1er et le 2nd pilier (lire à ce sujet nos éditions du 28 juillet et du 4 août). Un transfert qui représente un prélèvement annuel d’environ 300 millions d’€ sur l’ensemble des aides directes des années budgétaires 2019 et 2020 (campagnes 2018 et 2019). En moyenne, ce transfert représentera une baisse de 835 € sur les aides directes du 1er pilier par exploitation et par an.

L’absence de transparence du ministère sur ce dossier rend impossible la distinction des besoins réellement causés par une croissance de la diffusion des programmes, de la sous-budgétisation des maquettes lors de la mise en place de la réforme 2015-2020. Cela reste une "boite noire" alors qu’à ce jour aucune donnée sur la répartition des aides déjà versées au titre de la campagne 2015 n’a encore été communiquée par le ministère…

Le cadre réglementaire européen

Le règlement européen permettait, au plus tard le 1er août 2017, de notifier certaines révisions des conditions nationales d’application de la Pac, telles que la part de l’enveloppe du 1er pilier consacré au paiement redistributif pour la campagne suivante.

En particulier pour 2017, une clause de révision prévue dans le règlement communautaire autorisait l’augmentation du transfert budgétaire du 1er vers le 2nd pilier jusqu’à 15 % des budgets consacrés au 1er pilier.

La France avait notifié lors de la mise en place de la réforme 2015-2020 un transfert de 3 % en 2015, et 3,3% les années suivantes. Ce transfert correspondait à la migration de la gestion des risques sanitaires, de l’assurance récolte, et des aides à l’agriculture biologique du 1er vers 2nd pilier.

La décision de Stépahne Travert a conduit la France à notifier à la Commission européenne un transfert de 7,5 % (3,3 + 4,2) entre les 1er et 2nd piliers.

853 M€ de besoin annuel… pour l’ICHN

L’ICHN a été revalorisée en 2014, et la PHAE y a été intégrée à compter de 2015. Le budget prévisionnel est ainsi passé de 550 millions d’€ (M€) en 2014 à 928 M€ en 2015, puis à 1.024 M€ en 2016 et à 1.056 M€ en 2017. Au-delà de la campagne 2017, aucun budget n’avait été annoncé par le cabinet de Stéphane Le Foll. Il apparaît aujourd’hui un besoin de financement de 853 M€ supplémentaires pour boucler la seule programmation 2014-2020, et cela sans jamais prendre en compte les évolutions liés au nouveau zonage !

Selon le ministère, le besoin de 853 M€ se décomposerait de la façon suivante :

·       Sur-programmation

La sur-programmation est une disposition relativement courante qui consiste à prévoir des engagements financiers supérieurs aux possibilités budgétaires réelles. Le taux de chute des besoins en fin de programmation sur certaines enveloppes permet habituellement de financer les besoins pour les autres programmes.

D’après le ministère (et sans aucune possibilité de le vérifier), la sur-programmation pour l’ICHN serait de 450 M€. Ce choix est d’autant plus incompréhensible que ce programme est peu enclin à un taux de chute important, et que le cadre national compte peu de programmes susceptibles de pourvoir financer un tel besoin en fin de programmation.

·       Besoins du cofinancement Feader

Le règlement européen a évolué entre la programmation 2007-2013 et 2014-2020. La part du cofinancement Feader maximum autorisé est passé de 50 % à 75 %. La France a donc profité de cette opportunité pour réduire la part de cofinancement national consacrée à l’ICHN à seulement 25 % de l’enveloppe totale et ainsi limiter les dépenses nationales. Or, ce règlement européen n’interdit en aucun cas à un Etat membre de participer au-delà du minimum requis de 25 %. Il existait donc dans le financement de l’ICHN des marges de manœuvres règlementaires pour que la France honore ses engagements via un financement sur les budgets nationaux…

·       Intégration des laitiers

Il était initialement prévu d’intégrer les laitiers des zones de piémont et des ZDS (Zones défavorisées simples) progressivement dans l’ICHN, en augmentant le coefficient stabilisateur de 25 % par an (taux plein en 2018). Or, la commission européenne s’est opposée à cette mesure et a imposé une intégration totale, effective dès 2016. L’intégration des laitiers représente un budget annuel de 45 M€.

D’autres besoins potentiels…

·       Bio et MAEC

Les aides à l’agriculture biologique, les MAEC et le PCAE sont des mesures qui relèvent des programmations régionales et dont les autorités de gestion sont les Conseils régionaux. La gestion de ces mesures est très différente selon les régions. Par exemple, l’aide à la conversion est plafonnée à 15.000 € dans certaines régions, alors que d’autres n’ont pas fait ce choix. Ces différences de traitements induisent des besoins budgétaires très différents. Le plafonnement des mesures, les retards de paiement sur le 2nd pilier et la conjoncture économique peuvent avoir un impact sur la détermination des exploitants à s’orienter ou non vers l’agriculture biologique. Selon les modalités de financement et la dynamique de développement, le ministère estime les besoins entre 80 et 586 M€ pour la fin de la programmation.

·       Assurance récolte

Le coût de prise en charge de l’assurance récolte augmente en raison de la hausse des primes d’assurance (5 % par an) et la diffusion croissante de cette mesure. Par ailleurs, l’abaissement du seuil d’intervention de 30 à 20 % - comme le permettrait le règlement omnibus - entrainerait aussi une hausse significative des besoins budgétaires pour ce programme. Le ministère estime les besoins de financement supplémentaire entre 86 et 230 M€.

·       Lutte contre la prédation

En raison de l’augmentation de l’aire de colonisation du loup, le ministère prévoit une augmentation des besoins financiers pour ce dispositif. Il estime le besoin supplémentaire à 35 M€ d’ici la fin de la programmation.

Les impacts concrets...

Ce transfert est certes une opération à somme nulle pour la ferme France. Les sommes prélevées sur les aides couplées et découplées seront en effet reversées aux agriculteurs avec d’autres modalités. En revanche, à l’échelle micro-économique, toutes les exploitations subissent ce prélèvement, alors que toutes ne bénéficieront pas du 2nd pilier.

En moyenne nationale, les aides du 1er pilier (DPB, paiement redistributif, paiement vert, aides couplées paiement JA) représentent un montant de 19.900 € par exploitations. Le transfert aura donc un impact moyen à la baisse de 835 € sur les versements à venir des campagnes 2018 et 2019.

L’impact réel apprécié individuellement pour chaque exploitation sera néanmoins plus difficile à mesurer. D’autres facteurs tels que la convergence des DPB interviendront aussi dans le calcul des aides versées.