Les Jeunes Agriculteurs lancent un ultimatum, la présidente de Région tente d’apaiser la colère
Le conflit entre les agriculteurs de Bourgogne-Franche-Comté et la Région autour de la gestion des aides européennes du Feader a connu un nouvel épisode brûlant ce mercredi au Salon de l’agriculture à Paris. Face à des éleveurs remontés, Marie-Guite Dufay, présidente du Conseil régional, a tenté de défendre son bilan, affirmant vouloir « reconstruire la confiance », tandis que les Jeunes Agriculteurs ont lancé un ultimatum exigeant des actes concrets d’ici à la fin du Salon.

C’est sur un terrain loin d’être conquis que Marie-Guite Dufay s’est aventurée ce mercredi sur son stand du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. La raison de cette crainte, le douloureux souvenir de la volée de bois vert qu'elle avait reçu de la part du président de la chambre régionale d'Agriculture, Christian Decerle très remonté sur la gestion des fonds Feader alors juste récupéré par la Région. C'est donc peu dire que deux ans après, sans réelle solution apportée concrètement sur le terrain et sur la gestion structurelle des dossiers, la prise de parole de Marie-Guite Dufay était à nouveau très attendue par la profession agricole. Dès son arrivée dans le hall des éleveurs, le ton a été donné : les syndicats agricoles, en colère toujours, l’attendaient de pied ferme. Deux communiqués de presse avaient même été envoyés par JA BFC en amont.
Dans son discours, l’élue n'a pu que reconnaître les difficultés de gestion de la part de ses services, mais a défendu sa gestion régionale des dossiers Feader, assurant que les engagements pris seraient tenus et que les plus de 1.000 dossiers en attente seraient traités « progressivement ». Une déclaration qui a immédiatement provoqué des réactions dans l’assistance. « Ça fait 2 ans ! » a lancé un Jeune Agriculteur, rapidement suivi par un autre doutant de la réalité de ses dires : « La confiance, elle se mérite ! »
Un retard massif confirmé par des chiffres accablants
Depuis la fin de l’année 2023, la présidente de Région est sous le feu des critiques concernant la lenteur du traitement des dossiers Feader, censés financer la construction de bâtiments agricoles et l’installation des jeunes agriculteurs.
Les données extraites de l’étude technique réalisée par la chambre régionale d’Agriculture, et présentées aux élus régionaux, confirment les inquiétudes exprimées par la profession. L’analyse dresse un état des lieux chiffré particulièrement préoccupant. Sur l'ancienne programmation (2014-2022), tout d'abord, avec un retard critique sur les dossiers PCAE à ce stade. La transition de gestion des aides du Feader de l’État à la Région au 1er janvier 2023 s’est accompagnée d’un énorme retard dans le traitement des dossiers. Sur les 2.309 dossiers PCAE (bâtiments d’élevage, effluents, énergie) qui devaient être instruits par la Région à partir de janvier 2023, seuls 761 ont été traités, soit à peine 33 % en deux ans. Autant de projets mort-nés. Innacceptable à l'heure de la décapitalisation et du renouvellement des générations dans toutes les filières, où les agriculteurs et viticulteurs peinent à trouver des repreneurs, surtout solvable compte tenu des montants.
Au 31 décembre 2024, 1.070 dossiers restaient à traiter, alors que la date limite d’instruction est fixée au 30 juin 2025. À ce rythme, la Région aurait mis plus de six ans pour solder tous les dossiers. Face à cette situation, sous la pression des syndicats FDSEA et JA, l’État a dû reprendre 1.282 dossiers, via les services des DDT, pour accélérer le traitement. Les syndicats dénoncent au passage une inégalité de traitement entre les dossiers pris en charge par la Région et ceux traités par les DDT, avec des différences dans les exigences administratives et des blocages parfois absurdes, côté Région encore une fois.
Ensuite sur la nouvelle programmation (2023-2027), des millions d’euros de subventions sont en suspens. La gestion de la nouvelle programmation, démarrée en janvier 2023, connaît des blocages alarmants. Plus de 1.076 porteurs de projets, dont 99 jeunes agriculteurs sélectionnés dès décembre 2023, n’ont toujours pas reçu leurs subventions. 42,15 millions d’euros de Feader sont actuellement immobilisés, faute de conventions signées et de décisions claires. 601 agriculteurs ayant déposé leurs demandes en juin 2023 sont toujours dans l’attente d’un retour.
Reste toujours ce problème majeur dénoncé par les syndicats concernant le manque de visibilité sur les futurs appels à projets, ce qui empêche les exploitants d’anticiper leurs investissements. Les règles administratives changeantes et les critères d’éligibilité flous ont dissuadé près d’un projet sur deux.
Un climat de défiance
Les témoignages d’éleveurs présents au Salon sont sans appel. Thibaut Renaud, éleveur à Chalmoux et vice-président des JA BFC, accuse la Région de faire « l’autruche » et de multiplier « des annonces non fondées ». Même constat pour Jean-Luc Desbrosses, président de la Safer Bourgogne Franche-Comté :
« Elle n’a que timidement assumé la responsabilité de la Région dans tout ça. Mais pendant ce temps-là, des éleveurs ont beaucoup perdu. Certains ont dû revendre des bovins, d’autres ont reporté ou annulé leurs projets faute de financement », cite nos confrères du JSL présents à Paris. Si la présidente de Région a admis la nécessité de « reconstruire le lien de confiance » et proposé une démarche conjointe avec la profession pour défendre les intérêts régionaux à Bruxelles, les agriculteurs restent sceptiques. « Encore une fois, beaucoup de paroles, mais aucune preuve sur le terrain », résume un éleveur.
Dans un communiqué de presse, Thomas Lemée, président des JA BFC, résumait bien la situation avant même le salon : « Nous avons assez attendu. Il est temps que la Région prenne ses responsabilités et agisse. Nous voulons des résultats dans les exploitations, pas des promesses ! », martèle-t-il. Si aucun progrès tangible n’est observé, des actions de mobilisation pourraient être déclenchées. La tension revient à son comble à nouveau en plein Salon de l'Agriculture à Paris, qui aurait dû pourtant être un lieu de fête pour les agriculteurs, et même pour la Région