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Assemblée générale de la FDSEA

« Les produits, les idées, on les a ! »

Lors de la dernière assemblée générale de la FDSEA le 5 avril dernier à Saint-Sernin-du-Bois, il a beaucoup été question de la Pac et des enjeux pour la Bourgogne. Durant les tables rondes, les intervenants ont tenté d’imaginer une « stratégie » bourguignonne commune pour que la région puisse tirer son épingle du jeu dans cette nouvelle politique agricole.
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Cette réforme de la Pac est « une vraie révolution », avertissait le représentant de la FNSEA, Henri Brichard. Ces aides qui représentent 50 % du revenu agricole français vont se trouver « réparties de manière totalement différente ». Des propos corroborés par le député européen Michel Dantin, pour qui « nous aurons une Pac, mais amputée d’environ 12 %, soit 40 milliards d'€ d’aides de perdues, ce qui est colossal ! ». Et à la perte en euros, il faut ajouter une règle du jeu nouvelle avec comme maîtres mots « verdissement, convergence, recouplage… ». Comme dans tout processus de rééquilibrage budgétaire, il y aura certes quelques gagnants, mais surtout beaucoup de perdants. Convaincue malgré tout « qu’il n’y a pas de fatalité et que derrière toute crise il y a des décisions à prendre », la FNSEA se bat pour que ces ajustements soient « supportables, atteignables, efficaces… », livrait Henri Brichard.

Des inquiétudes


Sur le terrain, et plus particulièrement en Saône-et-Loire, les agriculteurs pointent un certain nombre de problématiques concrètes qu’ils aimeraient voir mieux intégrées à la nouvelle Pac. Dans l’arrondissement d’Autun, Joël Maltaverne demandait à ce que « l’on desserre le carcan administratif » qui va à l’encontre des projets de « production ou de transformation locale, des circuits courts ou encore d’une recherche d’autonomie fourragère ». Dans l’arrondissement de Chalon-sur-Saône, c’est la surprime des 50 hectares que les céréaliers redoutent. Ce dispositif reviendrait à pénaliser les exploitations des zones intermédiaires qui, faute de potentiel et de soutiens suffisants, n’avaient que l’agrandissement pour s’adapter à la précédente Pac, rappelait Lionel Borey. Dans l’arrondissement de Charolles, on craint que, faute de soutiens suffisants (PHAE, ICHN, PMTVA), les éleveurs allaitants ne soient pas en mesure de saisir leur chance dans le nouveau contexte mondial de pénurie de viande bovine, livrait Christian Bajard. Les éleveurs aimeraient également que des moyens soient mis en place pour forcer la grande distribution à jouer le jeu de la contractualisation, ajoutait Jean-François Lacroix. Sur l’arrondissement de Mâcon, ce sont les viticulteurs qui, par la voix de Danielle Jaillet, ont exprimé leurs inquiétudes sur le devenir de l’OCM vitivinicole en cas de mise en place de paiements directs. Dans l’arrondissement de Louhans, c’est l’avenir de la production laitière en zone intermédiaire qui préoccupe la profession, laquelle craint la céréalisation de ses espaces, expliquait Denis Richard.

Tous égaux devant la… Pac !


Beaucoup d’interrogations que partageaient tous les intervenants réunis à Saint-Sernin-du-Bois.
Venu de l’Yonne, Arnaud Rondeau faisait part de ses difficultés de céréalier de « zone intermédiaire » dotée d'un potentiel limité ; la concurrence très forte de régions voisines (Bassin parisien, Champagne…) ; le risque de voir s’émietter encore un peu plus l’économie et la vie des territoires. L’agriculteur nord bourguignon pointait également « la répétition d’aléas climatiques », dont souffrent toutes les productions de la région. Une donnée qui appelle à une véritable « gestion du risque » qui englobe aussi la question de la volatilité des cours.
Toutes ces craintes et revendications, les agriculteurs bourguignons semblent les partager. Du nord de l'Yonne au sud de la Saône-et-Loire, on souffre un peu des mêmes maux et l’on risque de se retrouver finalement assez égal face à un mauvais coup de la machine européenne ! D’où la nécessité pour les agriculteurs bourguignons de se retrouver dans une « stratégie commune » avec en premier lieu « une défense commune ».

Ce territoire est une chance


L’entité Bourgogne semble ne pas manquer d’atouts en dépit de ses handicaps naturels. En effet, pour le passionné de Saône-et-Loire qu’est Jean-Pierre Sylla, la Bourgogne est « une terre bien née ». Carrefour multiple, tant sur le plan climatique qu’hydrologique, géologique sans oublier les voies de communication. On le dit souvent : la Saône-et-Loire est une petite France en miniature avec sa diversité de paysages et d’agricultures. De tout temps, le département a bénéficié d’une réputation « d’excellence » agricole. Bétail et vins notamment étaient primés dans les concours nationaux et abondamment exportés vers les grands centres urbains situés aux portes de la région. Aujourd’hui, le territoire départemental brille par une "économie plurielle" (35 % élevage, 28 % viticulture…). « Une règle d’or qui a permis de repousser la spécialisation et qui représente le meilleur amortisseur face aux crises », estimait Jean-Pierre Sylla. L’intervenant pointait également la notion de terroir : « la Saône-et-Loire est tout de même le neuvième département français en nombre d’AOC ! Une qualité que le consommateur acceptera toujours de payer un peu plus cher », estimait l’invité. Plus tard, le président du conseil général, Rémi Chaintron, soulignera que certes la Saône-et-Loire est le septième département français en nombre d'AOC, mais il est le premier d'entre eux en matière de diversité des appellations, lesquelles concernent toutes les filières locales : viande, volaille, vin, fromages, beurre et crème...

Cessons d’être modeste !


« Votre modèle est le bon, mais vous souffrez de trop de modestie ! », lançait Jean-Pierre Sylla. « Vous avez une véritable vitrine, un domaine d’excellence. Vous représentez 65 % de la surface du département ! En emploi, l’agriculture pèse aussi lourd que le BTP ! La lisibilité des filières, c’est le territoire. Le mot d’ordre, c’est la qualité ! », concluait Jean-Pierre Sylla.
Derrière ce discours enthousiaste, quelques bémols ont tout de même été émis. Luc Jeannin rappelait pour sa part que si le département était encore assez diversifié, la Pac de 92 et l’alourdissement des normes avaient tout de même poussé les agriculteurs à la spécialisation contre leur gré. L’éleveur de Saint-Eugène regrettait également que le progrès technique accompli par les exploitations soit aujourd’hui à l’origine d’une condamnation injuste de la part société.
« L’identité Bourgogne, cela fait plus de dix ans qu’on essaie d’en faire profiter la viande charolaise avec une demande en IGP. Or on n’y arrive pas ! », tempérait Emmanuel Bernard, responsable allaitant dans la Nièvre. « Les produits, la qualité, les savoir-faire, les idées on les a ! Mais nous souffrons d’un "cancer" administratif qui nous empêche de faire les choses. Qu’on nous donne les moyens et nous ferons ! », concluait Emmanuel Bernard.


Arnaud Rondeau, céréalier dans l’Yonne


« Nous pouvons faire des choses ensemble »


« J’espère que cette Pac pourra permettre de faire coexister nos productions différentes et qu’aucune ne vienne phagocyter l’autre. 50 % de ma production de céréales va à l’élevage. J’ai besoin d’éleveurs à proximité pour écouler ma récolte. Sans clients à proximité, je n’ai pas d’avenir. Nous avons vécu l’expérience de la paille. Nous savons que nous pouvons faire des choses ensemble ! », synthétisait Arnaud Rondeau, céréalier dans l’Yonne.



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