Les propositions des députés de la Coméco
À la suite des ex-députés Babault et Izard, quatre députés (LR, LFI, Modem et Liot) ont livré leurs propositions pour la prochaine loi Egalim 4, assez proches de celles émanant de leurs collègues. Vraie nouveauté : ils proposent de réguler les sur-marges pour les produits de qualité et durables, comme les fruits et légumes bio. En revanche, ils rechignent à étendre la « sanctuarisation » de la matière première agricole aux grossistes.

L’évaluation de la loi Egalim 2 n’est pas simple : la « volatilité exceptionnelle des prix entre 2022 et 2024 » et le « manque persistant de transparence sur les marges » de plusieurs des acteurs ont rendu « difficile l’évaluation isolée des effets de l’entrée en vigueur de la loi », expliquent quatre députés (LR, LFI, Modem et Liot) de la commission des Affaires économiques, dans leur rapport d’évaluation présenté le 11 février à leurs collègues.
Egalim 2 visait notamment à mettre en place une « sanctuarisation » de la matière première agricole (MPA) lors des négociations entre industriels et supermarchés. L’idée était que si le coût de production du lait augmente, l’industriel le paie plus cher, et le supermarché achète le produit final plus cher. La pratique est plus complexe.
À la suite des ex-députés Babault et Izard, ils devaient surtout faire des propositions au gouvernement, qui a prévu de légiférer sur la question dans les prochains mois. Une première proposition de loi dédie à la prorogation du relèvement de dix points du seuil de revente à perte (SRP + 10) doit être examinée au préalable dans les prochaines semaines, avant l’échéance du dispositif en avril. Mais le gouvernement est en attente de proposition pour un texte plus large.
Fruits et légumes bio : encadrer les marges trop élevées
Vraie nouveauté du rapport des quatre députés : ils veulent « réprimer » un taux de marge « abusivement haut », par rapport au taux de marge moyen d’un distributeur, et qui pourrait notamment être constaté sur « certains produits durables et de qualité ». Les outils de « réprimande » ne sont pas précisés. De longue date, l’association de consommateurs UFC-Que choisir dénonce des « sur-marges » réalisées par la grande distribution sur les fruits et légumes bio.
Plus attendu, les députés proposent une réforme du prix « abusivement bas », en le redéfinissant ainsi : « Prix d’un contrat dont les critères et les modalités de révision ou de détermination du prix ont pour effet d’empêcher la prise en compte, à un niveau suffisant pour atteindre le coût de revient, des indicateurs de coûts de production indiqués dans le socle de négociation ». Introduit dans la loi Egalim, notamment à la demande de la Fédération nationale bovine (FNB), le dispositif a été peu utilisé depuis. Début 2024, un tribunal a condamné, pour la première fois – en première instance seulement à présent – des opérateurs pour non-respect du « prix abusivement bas » auprès d’un agriculteur, en l’occurrence un viticulteur bordelais.
Pas de sanctuarisation de la MPA chez les grossistes
Contrairement aux demandes du syndicalisme majoritaire, ils rejettent l’idée d’étendre aux grossistes le champ d’application de la transparence sur le coût de la matière première agricole (MPA), ainsi que le principe de « sanctuarisation » qui y est associé, instauré par la loi Egalim 2. Les arguments des députés : « La structure du marché des grossistes n’est pas comparable à celle des distributeurs, avec plus de six mille entreprises de commerce de gros dans le secteur alimentaire » ; et « la différenciation entre grossistes vis-à-vis de la clientèle ne se fait pas en premier lieu sur le prix, mais sur l’offre ».
En revanche, et sans surprise, ils proposent d’étendre à la matière première industrielle le principe de sanctuarisation des coûts de l’amont dans la négociation commerciale, ainsi que le principe de clause de révision du prix. Mesure également attendue, l’extension de l’encadrement aux centrales d’achat européennes : ils proposent de « tenir solidairement responsable des manquements commis par une centrale d’achat européenne l’enseigne de distribution installée en France, qui commercialise les produits et qui adhère à cette centrale ».
Négociations commerciales : un calendrier resserré
Autre mesure attendue, et proche de celles des ex-députés Babault et Izard : le raccourcissement de la durée des négociations commerciales, pour éviter « les comportements dilatoires ». Les quatre députés proposent ainsi d’avancer la date butoir d’envoi des conditions générales de ventes, au 15 décembre, et la signature de la convention unique au plus tard deux mois après l’envoi des CGV, jusqu’au 5 février (1er mars actuellement). Dans certaines filières rompues à la contractualisation, comme le lait, ils proposent que les CGV ne soient envoyées qu’après que l’industriel a conclu ses contrats avec les agriculteurs. C’est le principe de « négociation en marche avant », promu de longue date par la FNSEA, depuis la présidence de Xavier Beulin.
Ils proposent aussi de simplifier l’obligation de proposition de contrat du producteur, « pour s’en tenir à l’objet et au prix ». Ils rejettent l’idée d’une date butoir différenciée selon la taille du fournisseur, jugée trop compliquée à mettre en œuvre, au vu du précédent de 2024. Concernant la transparence sur la matière première, ils proposent de « simplifier » l’option 2, « pour qu’elle ne concerne que la part agrégée des trois principales matières premières agricoles du produit », avec pour objectif in fine de « supprimer l’option 3 » (tiers indépendants).
Egalim 4 : Genevard veut « protéger en partie aussi la matière première industrielle »
La ministre de l’Agriculture Annie Genevard veut « ajuster » la loi Egalim, censée garantir une meilleure rémunération des agriculteurs, en encadrant davantage les négociations entre les fabricants agroalimentaires et la grande distribution, a-t-elle déclaré. Pour la ministre, la loi doit évoluer pour « corriger certains dysfonctionnements relationnels » avec la grande distribution : « certains exercent une pression déraisonnable sur les prix et, par les centrales d’achat européennes, cherchent à échapper aux lois Egalim », dit-elle. « Légiférer sert à ajuster le dispositif en fonction de la réalité », explique la ministre. La loi Egalim 2 a été promulguée fin 2021. Elle visait notamment à protéger les exploitants agricoles en « sanctuarisant la matière première agricole ». La pratique est plus complexe et l’efficacité de la loi questionnée, mais l’idée de la ministre serait « maintenant de protéger en partie aussi la matière première industrielle », à savoir les évolutions de prix subies par les fabricants sur l’énergie, le transport ou les emballages. Une idée récemment proposée par quatre députés de la commission des affaires économiques et donc ici reprise. Les négociations commerciales se tiennent actuellement et doivent se conclure d’ici au 1er mars. Leur tenue « inspirera les contours du projet de loi », qui pourrait être présenté d’ici l’été, ajoute Mme Genevard. Et il y a déjà urgence… Le représentant des coopératives agricoles a appelé le 16 février le secteur de la distribution à « plus de coopération et de responsabilité », notamment en évitant une « guerre des prix ». « Plutôt que de persister dans une logique de guerre des prix, les distributeurs devraient considérer qu’une chaîne alimentaire a la résistance de son maillon le plus faible », soit les agriculteurs, a lancé Dominique Chargé, président de La Coopération agricole. Les fabricants agroalimentaires et la grande distribution sont engagés actuellement dans des négociations commerciales tendues, qui doivent se conclure d’ici au 1er mars. « Aujourd’hui, nous faisons face à une situation de négociation inédite avec les distributeurs », a souligné Dominique Chargé. « Nos entreprises subissent une pression considérable pour baisser les prix, tout en ayant dû fixer leurs tarifs à l’automne sans aucune visibilité sur le cadre fiscal de 2025 », a lancé M. Chargé. « Vouloir faire baisser les prix à tout prix est une absurdité alimentée par des publicités comparatives qui dévalorisent notre alimentation et en font une simple variable d’ajustement du pouvoir d’achat. Résultat : des fermes disparaissent, des usines ferment et des territoires s’appauvrissent », a conclut Dominique Chargé.