Le cœur des enjeux d’installation et de transmission
La Loi d’Orientation Agricole (LOA), adoptée en début d’année 2025, est présentée comme un tournant pour le renouvellement des générations en agriculture. Julien Rouger, vice-président des Jeunes Agriculteurs (JA), en a livré une analyse fine et critique lors de son intervention à Charolles le 21 mai. Si le syndicaliste salue l’adoption du texte, il alerte aussi sur les nombreux arbitrages encore en discussion.

Premier constat : la loi ne répond pas entièrement aux attentes du syndicat. « Malgré de véritables avancées, nous avons connu un recul sur certains leviers cruciaux comme le diagnostic modulaire, l’installation-transmission ou encore l’adaptation au changement climatique », a déclaré Julien Rouger. Les chiffres sont sans appel : 20.000 départs en retraite annuels pour seulement 14.000 installations, soit un déficit structurel de 6.000 actifs, qui pourrait grimper à 9.000 dès 2027 au niveau national.
France Services Agriculture : promesse ou mirage ?
Parmi les mesures emblématiques de la LOA, la création du dispositif "France Services Agriculture" (FSA), prévu pour 2027 avec une phase d’expérimentation en 2026, constitue un outil de structuration de l’accueil et de l’accompagnement. S'inspirant des dispositifs portés par les JA, ce guichet unique vise à accueillir les porteurs de projet d’installation ou de transmission. Il s’appuiera sur des structures agréées au niveau régional. Mais plusieurs zones d’ombre subsistent : quid du financement ? Comment garantir une gouvernance locale neutre ?
Diagnostic modulaire : entre ambition climatique et vigilance réglementaire
Le diagnostic modulaire, censé accompagner les projets agricoles via une analyse à 360° (climat, économie, social, etc.), a été élargi à six modules. Si le module climatique est rendu obligatoire, le diagnostic reste facultatif et non conditionnant pour les aides. Un ajout controversé : le module "phytos". JA réclame un financement garanti pour le rendre accessible et pertinent.
Installation et transmission : des avancées concrètes
La loi introduit plusieurs outils salués par les JA : l’aide "passage de relais" pour les agriculteurs en difficulté, le développement de l’essai d’association (inspiré du Gaec à l’essai comme en Savoie), et l’abondement du Compte personnel de formation (CPF) par Vivea. Autant de dispositifs destinés à fluidifier les transmissions et réduire les sorties de métier non accompagnées.
Souveraineté alimentaire : un cadre juridique renforcé, mais sans vision climatique
Autre volet abordé, la définition de la souveraineté alimentaire est enfin intégrée au Code rural, avec la reconnaissance de l’agriculture comme d’Intérêt majeur pour la nation. Mais l’adaptation au changement climatique n’y est pas mentionnée, ce que déplore vivement le syndicat. « Il y a un décalage profond entre la volonté de souveraineté, l’urgence climatique et les textes votés », regrette Julien Rouger.
Un texte structurant, mais encore à bâtir
La loi, adoptée, n’est qu’une "coquille" à remplir : décrets, arrêtés, cahiers des charges régionaux sont en cours de négociation. Les JA restent en alerte, notamment sur les outils de gouvernance locale, la transparence des structures agréées, le pilotage de France service agriculture, ou encore les garanties de formation pour les accompagnateurs.