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Egalité Femmes-Hommes

Machisme ordinaire et au féminin !

Quels sont encore les préjugés sur la place des femmes dans les milieux du vin ? Telle était la question de la seconde table ronde organisée le 21 décembre par le Lycée de Davayé dans le cadre du Tour de France de l’Egalité dédié à la filière viti-vinicole.

Par Publié par Cédric Michelin
Machisme ordinaire et au féminin !

Prestigieuse sommelière, roumaine bilingue anglais-français, Julia Scavo « ne produit pas mais parle du vin produit » avec éloquence, rigueur et une grande culture historique. Débutant par l'aboutissement pour elle de l'égalité dans son travail, la sommelière « n’hésite pas à traiter les Dames au restaurant comme des consommateurs ». En clair, à demander qui a choisit, veut gouter le vin et veut être resservit. Ce qui a rarement été le cas lorsqu’elle était elle même cliente dans d’autres restaurants. Certains clients se sont même déjà montrés particulièrement mal poli et culpabilisateur en voyant une sommelière tenir ce rôle important : « Un homme bien éduqué m’a reproché que "c’était à cause de femmes comme vous, que nos enfants ne sont plus éduqués" », blessant la mère qu’elle est. Sans oublier, les méchancetés ordinaires telles que : les femmes doivent rester faire la plonge, nettoyer les toilettes… Reconnue internationalement, pour avoir notamment gagner nombre de concours (Master of Port), Julia Scavo prodigue également des formations. « Quand j’arrive, les Hommes ressentent généralement presqu’une déception de voir une formatrice mais à la fin, ils sont souvent ravis ». La compétition interne à cette profession, Julia l'a déplore, elle qui a déjà vu « des collègues déchirés des commentaires de clients satisfaits » la concernant. Michèle Vianes l'expliquait par le fait que « certains hommes ne supportent pas qu’une femme leur soit supérieure. Cela peut ensuite aller jusqu’à l’agression, y compris sexuelle. Ils renvoient continuellement les femmes à une supposée condition, qu’ils pensent naturellement inférieure à eux. Malheureusement, on ne va pas les guérir de cette maladie », renvoyait-elle en guise de juste retour de bâton.

Féminine ou pas

Mais, la plupart des Hommes ne seraient-ils pas davantage dans la compétition que les Femmes, quitte à être de mauvais joueurs ? Et d’autres sont-ils dans la peur de l’échec. « Je ne suis pas frêle mais je n’arrive pas à planter un piquet », reconnaît et assume Sophie Cinier, qui n’en n’est pas moins une excellente viticultrice. « Je me fait aider. Alors Messieurs, il n’y a pas de mal à dire que vous n’y arrivez pas. Il ne faut pas avoir honte. Cela marche dans les deux sens ». Les hommes "gringalets" peuvent aussi subir ces vexations d’ailleurs.

La peur des moqueries et du qu’en dira-t-on ? Cette idée du regard injuste et du jugement extérieur facile se retrouvaient dans le témoignage de Virginie Taupenot : « en salon avec mon mari, les clients lui posent d’abord des questions à lui et pas à moi juste à côté. Ils sont surpris quand je leurs répond », s’amuse-t-elle maintenant. Des détails qui n’en sont pas dans l’imaginaire collectif. Marine Ferrand revendique d’être « féminine ». « J’aime être bien habillée mais cela ne m’empêche pas de me casser le dos à la vigne. J’ai la chance d’avoir une sœur qui me fait ensuite mes ongles de main. Certains en les voyant se permettent de dire que ce n’est pas possible que je travaille les vignes. Comme si on n’avait pas le droit d’être viticultrice et féminine ? », s’insurge la jeune femme.

Blessées par des proches

Venant récemment de finir ses études à Davayé, Lise Lacroix ne voulait « pas énumérer tout ce que les femmes peuvent entendre en travaillant avec des hommes ». Le « machisme ordinaire en 2017 » existe encore bel et bien et il peut également venir « de femmes. Ce qui n’est vraiment pas acceptable », dénonçait-elle. Lors de son premier stage dans un Domaine du Sud de la France, la jeune femme fait les frais d’un « grand classique : la femme jalouse qui veut vous persuader de ne plus faire ce métier ». Nadine Gublin rebondissait sur une histoire encore plus personnelle. « Je ne suis pas devenue œnologue par hasard. Je suis issue d’une famille de céréaliers. Enfant, j’aimais les tracteurs. J’avais pour objectif de reprendre l’exploitation. Et bien, la seule personne qui n’a pas voulu en entendre parler, c’est ma mère. Pourtant, elle-même travaillaient en couple et le faisait au quotidien ». Cette déchirure sera sa source de motivation – « par défi » - pour faire une école d’ingénieur agronome et choisir le métier d’oenologue. Mais l’histoire ne se finit pas bien, bien que doublement diplômée, sa mère continuait de lui dire qu’elle n’était « pas capable » de faire ce métier. La carrière de Nadine Gublin lui donne tord sur ses capacités à exceller au contraire, même si cela n’efface visiblement pas cette triste blessure.

Du mythe aux blagues débiles

Après ses études de commerce, Virginie Taupenot est, elle, revenue au domaine Familiale à Morey-Saint-Denis. « Je suis revenue à 25 ans avant mon frère et ce fut mieux comme ça », analyse-t-elle avec recul, car ni son père, ni son grand-père n’avaient eu le temps de le prévoir. Ce qui ne la pas préserver des « réflexions et blagues débiles » de la part de confrères.

Lise Lacroix est bien dans sa peau et cela se ressent. Elle ne semblait pas vraiment affectée de s’être fait « draguée » lors de ses stages d’études, certainement car fait avec respect et surtout pas le fait des chefs d’exploitations. Non ce qui l’a le plus choquée, c’est elle-même qui s’est sentie « hésiter à se mettre en short pour piger alors que mes collègues étaient simplement en caleçon », comme façonnée par une pudeur excessive ou pour se protéger d’excès de vices masculins. Ainsi, elle s'auto-censurait et validait implicitement les stéréoptypes infondés. Un travail sur soi est donc nécessaire lorsqu'on parle de préjugés.

Respect mutuel

Pour la rassurer (ou pas) sur les batailles passées néanmoins gagnées, Julia Scavo évoquait l’affabulation de la « malédiction du chai », associant les menstruations à un « sang impur » pouvant soi-disant faire râter les vinifications. Heureusement, les femmes ne sont plus interdites d’aller dans les chais juste après vendanges. Des fausses croyances publiques aux blagues « débiles » privées, positivons, disons que l’humanité progresse… Ce qui faisait réagir Lise Lacroix qui réclamait que les Hommes « témoins » de ces stéréotypes et faux préjugées, n’hésitent pas à les dénoncer aussi (mouvement He for She).

Le mot de la fin revenait à Virginie Taupenot qui réaffirmait que l’égalité commence par l’éducation : « J’ai une fille et un garçon. J’essaye de les éduquer pour qu’ils se respectent, et cela, pas que pour les tâches ménagères. La place des hommes a beaucoup évolué dans le quotidien familial et de couple. A travailler ensemble, Femmes et Hommes y gagneront mutuellement. Main dans la main pour avancer ensemble ».