Forum œnologique de Davayé
Maîtriser les contaminations chimiques
Mardi 7 février, le Forum œnologique de Davayé s’intéressait à la
"Maîtrise des contaminations chimiques dans les caves", pour mieux en
souligner tous les enjeux qualitatifs pour les vins. Une onzième édition
qui a connu un succès retentissant puisque les deux étages de la salle
Jules Chauvet du lycée viticole affichaient complet.
"Maîtrise des contaminations chimiques dans les caves", pour mieux en
souligner tous les enjeux qualitatifs pour les vins. Une onzième édition
qui a connu un succès retentissant puisque les deux étages de la salle
Jules Chauvet du lycée viticole affichaient complet.
Les élèves et professeurs du BTS viti-œno de Davayé, ou ceux passant leur DNO à l’UIVV de Dijon ainsi que de nombreux professionnels - œnologues, maitres de chais, viticulteurs… -, tous avaient répondu présents pour ce onzième Forum œnologique de Davayé.
Les interventions débutaient en rappelant que « le bâtiment est une composante très faible de la contamination des vins ». Néanmoins, Caroline Roussel, de la société Ingeco, poursuivait et expliquait que « la réglementation environnementale et énergétique a accéléré la dégradation de l’air intérieur des bâtiments » car « il n’y a plus de renouvellement de l’air par toutes les petites failles » des murs. Dès lors, lors de la conception d’un chai, sa société suggère aux entreprises « un certain nombre de produits testés dans les caves viticoles ayant un bon compromis entre ventilation et économie d’énergie », pour rester dans la démarche actuelle du développement durable. Mais, elle mettait en garde les viticulteurs de « rester vigilants » sur la réalisation des travaux. Elle les encourageait même à « récupérer les certificats » des matériaux utilisés, pour avoir des preuves de « l’innocuité organoleptique des produits » installés dans le chai. Enfin, elle rajoutait qu’une analyse de l’air intérieur à réception du chantier peut se faire pour vérifier l’absence de pollution dans le nouveau bâtiment.
Innocuité mais pas sans effet…
Après ce départ en trombe, l’organisateur du Forum, Eric Pilatte, œnologue, mettait en avant qu’au « vu des évolutions réglementaires actuelles, il y aura de plus en plus d’informations sur la toxicologie (des matériaux, ndlr) mais les effets organoleptiques ne sont pas encore la grande préoccupation des cabinets d’architectes ».
Pour étayer ces dires, Michel Dumoulin, du laboratoire Exact à Mâcon, s’intéressait ensuite à "l’impact des revêtements de cuve dans la qualité des vins". Les viticulteurs font, semble-t-il, « de plus en plus » appel au service du laboratoire sur des problématiques de « mauvais goûts liés à un mauvais revêtement » des cuves. Le vin acide et corrosif est en effet un puissant solvant avec l’éthanol (12 %), ce qui provoque des phénomènes de « migrations » de composés chimiques « au cours du temps ». « Il faut donc des surfaces permettant d’éviter l’introduction de molécules interdites dans les vins » et les risques sanitaires liés. La résistance physique - des matériaux utilisés - est donc recherchée, notamment dans les angles des cuves. Même bien proportionnée avec un durcisseur, « une résine époxylique peut mettre une trentaine de jours pour être complètement sèche, en fonction de la température ». Il faut ensuite laver la surface pour éviter tous problèmes de déviations sensorielles des vins. Aujourd’hui, cela passe par « l’inertie chimique » des matériaux en cave.
A qui la faute ?
Car la réglementation est de plus en plus « draconienne » et soulève du même coup des questions de responsabilités si il y a un problème sanitaire : « quelle est la responsabilité de l’applicateur et celle du producteur ? », en cas de litige.
Une interrogation que se posait également Cédric Jaegle, de la tonnellerie Dargaud et Jaegle à Romanèche-Thorins. En tant que président de la Commission technique des tonneliers de France, des recherches sont en cours mais il invitait d’ores-et-déjà à « séparer physiquement (dans différents endroits) les fûts neufs de ceux d’occasion et même, à travers l’aération commune, style climatisation, car les contaminations - anisols et phénols - peuvent passer par là », déclarait-il.
Directeur technique de la société Belfor (94), Philippe Bigot revenait, une fois encore, sur les sinistres susceptibles d’entraîner des enquêtes des assureurs, à la suite d’incendies, de dégâts des eaux… Loin d’être évidentes à diagnostiquer, « les contaminations d’un incendie sont souvent plus importantes à l’opposé du sinistre » faisant qu’une bouteille stockée dans un entrepôt à proximité peut également être contaminée. Mais quid du responsable ? Daniel Péraldi, œnologue et expert près la Cour d’Appel d’Aix-en-provence, parle là « de désordres », un terme juridique qui veut dire « suspicion » sur quelque chose qui ne « s’est pas encore matérialisé ».
Un outil d'expertise bientôt reconnu par l'OIV
Pour se faire indemniser, « il faut faire appel à son imagination pour pouvoir se projeter au-delà du problème, au niveau des pollutions secondaires ou au-delà du sinistre immédiat. Car cela peut coûter cher à l’arrivée de négliger cela (préjudice commercial, d’image, sanitaire…) ». En plus des mesures conservatoires - constat d’huissier « qu’il faut guider sinon il se borne au visuel », le producteur doit, si possible, anticiper ce type de problème d’assurance sinistre. « Il faut demander l’attestation d’assurance des compagnies qui viennent travailler chez vous, car même si elles disparaissent (faillites…), il faut pouvoir justifier que ces sinistres sont assurés dans les contrats des intervenants, qui, désormais, sont partis prenantes de votre travail (embouteillage…). Car c’est le principe de contradiction qui est appliqué tout au long de la procédure », détaillait-il. C’est donc la priorité à la défense. Les enjeux financiers sont parfois tels que les experts n’arrivent pas à se mettre d’accord à l’amiable et l’affaire va au judiciaire. « C’est pour cela qu’il faut avoir une vision immédiate de l’enveloppe financière pour savoir s’il faut aller directement au judiciaire ou à l’amiable », conseillait-il. Le coût des procédures pouvant dépasser celui du sinistre. « Il ne faut pas que la sauce coûte plus cher que le poisson », plaisantait-il. Travaillant, comme Eric Pilatte, à la Chambre des experts et créée par cette dernière, une méthode d’investigation statistiques sur un échantillon devrait bientôt être validée par l’OIV pour faciliter l’expertise des sinistres œnologiques ou viticoles.
Les interventions débutaient en rappelant que « le bâtiment est une composante très faible de la contamination des vins ». Néanmoins, Caroline Roussel, de la société Ingeco, poursuivait et expliquait que « la réglementation environnementale et énergétique a accéléré la dégradation de l’air intérieur des bâtiments » car « il n’y a plus de renouvellement de l’air par toutes les petites failles » des murs. Dès lors, lors de la conception d’un chai, sa société suggère aux entreprises « un certain nombre de produits testés dans les caves viticoles ayant un bon compromis entre ventilation et économie d’énergie », pour rester dans la démarche actuelle du développement durable. Mais, elle mettait en garde les viticulteurs de « rester vigilants » sur la réalisation des travaux. Elle les encourageait même à « récupérer les certificats » des matériaux utilisés, pour avoir des preuves de « l’innocuité organoleptique des produits » installés dans le chai. Enfin, elle rajoutait qu’une analyse de l’air intérieur à réception du chantier peut se faire pour vérifier l’absence de pollution dans le nouveau bâtiment.
Innocuité mais pas sans effet…
Après ce départ en trombe, l’organisateur du Forum, Eric Pilatte, œnologue, mettait en avant qu’au « vu des évolutions réglementaires actuelles, il y aura de plus en plus d’informations sur la toxicologie (des matériaux, ndlr) mais les effets organoleptiques ne sont pas encore la grande préoccupation des cabinets d’architectes ».
Pour étayer ces dires, Michel Dumoulin, du laboratoire Exact à Mâcon, s’intéressait ensuite à "l’impact des revêtements de cuve dans la qualité des vins". Les viticulteurs font, semble-t-il, « de plus en plus » appel au service du laboratoire sur des problématiques de « mauvais goûts liés à un mauvais revêtement » des cuves. Le vin acide et corrosif est en effet un puissant solvant avec l’éthanol (12 %), ce qui provoque des phénomènes de « migrations » de composés chimiques « au cours du temps ». « Il faut donc des surfaces permettant d’éviter l’introduction de molécules interdites dans les vins » et les risques sanitaires liés. La résistance physique - des matériaux utilisés - est donc recherchée, notamment dans les angles des cuves. Même bien proportionnée avec un durcisseur, « une résine époxylique peut mettre une trentaine de jours pour être complètement sèche, en fonction de la température ». Il faut ensuite laver la surface pour éviter tous problèmes de déviations sensorielles des vins. Aujourd’hui, cela passe par « l’inertie chimique » des matériaux en cave.
A qui la faute ?
Car la réglementation est de plus en plus « draconienne » et soulève du même coup des questions de responsabilités si il y a un problème sanitaire : « quelle est la responsabilité de l’applicateur et celle du producteur ? », en cas de litige.
Une interrogation que se posait également Cédric Jaegle, de la tonnellerie Dargaud et Jaegle à Romanèche-Thorins. En tant que président de la Commission technique des tonneliers de France, des recherches sont en cours mais il invitait d’ores-et-déjà à « séparer physiquement (dans différents endroits) les fûts neufs de ceux d’occasion et même, à travers l’aération commune, style climatisation, car les contaminations - anisols et phénols - peuvent passer par là », déclarait-il.
Directeur technique de la société Belfor (94), Philippe Bigot revenait, une fois encore, sur les sinistres susceptibles d’entraîner des enquêtes des assureurs, à la suite d’incendies, de dégâts des eaux… Loin d’être évidentes à diagnostiquer, « les contaminations d’un incendie sont souvent plus importantes à l’opposé du sinistre » faisant qu’une bouteille stockée dans un entrepôt à proximité peut également être contaminée. Mais quid du responsable ? Daniel Péraldi, œnologue et expert près la Cour d’Appel d’Aix-en-provence, parle là « de désordres », un terme juridique qui veut dire « suspicion » sur quelque chose qui ne « s’est pas encore matérialisé ».
Un outil d'expertise bientôt reconnu par l'OIV
Pour se faire indemniser, « il faut faire appel à son imagination pour pouvoir se projeter au-delà du problème, au niveau des pollutions secondaires ou au-delà du sinistre immédiat. Car cela peut coûter cher à l’arrivée de négliger cela (préjudice commercial, d’image, sanitaire…) ». En plus des mesures conservatoires - constat d’huissier « qu’il faut guider sinon il se borne au visuel », le producteur doit, si possible, anticiper ce type de problème d’assurance sinistre. « Il faut demander l’attestation d’assurance des compagnies qui viennent travailler chez vous, car même si elles disparaissent (faillites…), il faut pouvoir justifier que ces sinistres sont assurés dans les contrats des intervenants, qui, désormais, sont partis prenantes de votre travail (embouteillage…). Car c’est le principe de contradiction qui est appliqué tout au long de la procédure », détaillait-il. C’est donc la priorité à la défense. Les enjeux financiers sont parfois tels que les experts n’arrivent pas à se mettre d’accord à l’amiable et l’affaire va au judiciaire. « C’est pour cela qu’il faut avoir une vision immédiate de l’enveloppe financière pour savoir s’il faut aller directement au judiciaire ou à l’amiable », conseillait-il. Le coût des procédures pouvant dépasser celui du sinistre. « Il ne faut pas que la sauce coûte plus cher que le poisson », plaisantait-il. Travaillant, comme Eric Pilatte, à la Chambre des experts et créée par cette dernière, une méthode d’investigation statistiques sur un échantillon devrait bientôt être validée par l’OIV pour faciliter l’expertise des sinistres œnologiques ou viticoles.