Marchés agricoles : en l’absence de perturbations majeures, réfléchir à l’avenir
Après des mois de crise, les marchés agricoles européens sont peu ou prou revenus à une situation équilibrée. Le commissaire européen Phil Hogan en a profité pour souligner que les mesures d’urgence ne pouvaient pas être continuellement maintenues et qu’il fallait laisser les secteurs réagir aux signaux du marché. Phil Hogan a par contre confirmé que des propositions pour lutter contre les pratiques déloyales abusives dans la chaine d’approvisionnement alimentaire étaient en préparation.

Si la situation des marchés agricoles n’est plus, depuis quelques mois déjà, le principal sujet des discussions mensuelles des ministres de l’agriculture de l’UE, le sujet reste suivi de prêt. Le commissaire européen Phil Hogan a dressé un état des lieux des différents secteurs devant les ministres des Vingt-huit le 12 juin à Luxembourg. « De toute évidence, il n’y a pas de place pour la complaisance, car nous savons que l’équilibre du marché est fragile en soi et qu’il peut être facilement affecté. Certains domaines nécessitent une attention particulière, notamment l’impact des stocks d’intervention publique de poudre de lait écrémé sur le marché laitier ou les phénomènes météorologiques extrêmes qui nuisent aux cultures, aux fruits et légumes récemment. Je tiens à vous assurer que la Commission continue de surveiller les marchés plus attentivement que jamais », a averti en préalable le commissaire européen. Mais globalement, il s’est montré plutôt optimiste pour les prochains mois (1).
Orientation vers le marché
Les prix actuels se situent généralement dans des fourchettes moyennes, voire au dessus, et aucun signal n’indique que cette situation devrait se dégrader à court terme, estime Bruxelles. « Les instruments de filets de sécurité se sont révélés efficaces, notamment en ce qui concerne les perturbations rapides et brusques du marché (telles que l’embargo russe) », s’est félicité Phil Hogan. Mais, a-t-il prévenu, « l’efficacité de ces instruments peut se dégrader si leur utilisation dure trop longtemps. La reprise réelle ne peut se matérialiser que lorsque le secteur se comporte de manière orientée vers le marché et s’engage véritablement à ajuster l’offre à la demande ». Il a donc appelé à une réflexion de fond sur l’utilité et le fonctionnement des instruments d’intervention sur le marché dans le cadre des discussions sur la future Pac. « J’espère que vous conviendrez avec moi que l’achat d’une production excédentaire avec de l’argent public devrait être considéré comme un dernier recours et être utilisé aussi peu que possible », a conclu le commissaire européen.
Chaque ministre a ensuite fait la liste des secteurs, qui, selon lui, devait faire l’objet de la plus grande attention : lait et en particulier le poids que font peser sur le marché les stocks de poudre, pour de nombreuses délégations, en particulier les États baltes et l’Irlande ; riz pour l’Italie et l’Espagne ; porc, notamment dans le contexte de l’épidémie de peste porcine africaine (2), pour la Pologne et les États baltes ; fruits et légumes, affectés par les aléas climatiques, pour la France, l’Italie et la Pologne.
L’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas ont pour leur part insisté sur la nécessité de ne pas systématiquement mettre en place des mesures d’urgence et de laisser faire le marché, soulignant qu’il était nécessaire de poursuivre les réformes structurelles dans ces moments où les « choses vont bien ».
Les pratiques commerciales abusives à l’agenda
Enfin la Roumanie a demandé à la Commission quand elle envisageait de présenter des mesures pour lutter contre les pratiques commerciales abusives. Phil Hogan a répondu que des propositions étaient en préparation – Bruxelles mène actuellement une étude d’impact – et qu’elles seraient présentées dans « la deuxième partie de l’année ». Le commissaire européen à l’agriculture, avec son collègue en charge de la concurrence, Margrethe Vestager, doit d’ailleurs avoir le 20 juin un échange de vues avec les membres de la commission de l’agriculture du Parlement européen sur le renforcement de la position des producteurs au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Au programme : la lutte contre les pratiques commerciales abusives et les règles de la concurrence pour les organisations de producteurs. Les ministres de l’agriculture slovaque, tchèque et slovène auront présenté la veille aux eurodéputés un document reprenant leur position sur ce dossier.
Si le Parlement européen a appelé Bruxelles à mettre en place un cadre européen pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales au niveau de l'UE, le Conseil s’est lui montré beaucoup plus prudent dans ses conclusions adoptées fin 2016 sous présidence slovaque.