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Soja en limons sableux

Même pas peur !

A 40 ans, Jean-Marc Gudefin est franc. Il dit ouvertement ses réussites
et ses échecs techniques. Installé à La Chapelle-Thècle en 1998, à la suite
de son père, l’exploitation s’est petit à petit transformée en fonction
de ses propres objectifs et des opportunités locales. C’est ainsi qu’il
fait du soja depuis 1999. Au départ pour une question de gestion de son
calendrier puisqu’il collecte et stock des céréales pour la minoterie
Gay et pour cela, au 10 octobre, il doit avoir fini de récolter. Le soja
lui permet ainsi de libérer tôt ses terres.
Par Publié par Cédric Michelin
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« J’ai un peu tout essayé : monograine, labour profond, différentes précocités de soja… Au final, je pense que le problème vient de la précocité de nos semences. Sur des terres non drainés, même semé au 15 mai, cela peut poser problème », analyse Jean-Marie Gudefin. Et effectivement, en rentrant dans sa parcelle « de limons squelettiques », on comprend vite pourquoi il « n’a pas pu mettre les pieds dedans » en 2013 et a hâte de faire drainer ce « sable blanc ». Le semis monograine ne lui convenait pas car « je ne peux pas monter en densité, au delà de 600.000 graines/ha ». Tout est inoculé. Il cherche surtout « une gestion différente pour la première gousse en faisant jouer la concurrence dans le rang ».
« Le soja est une culture que j’ai toujours bien aimé ; malgré sa technicité et je lui trouve pleins d’atouts ! », enchaine-t-il. D’abord, car c’est un excellent précédent blé qui permet de limiter les apports d’azote. Par ailleurs, de par son ordre d’arrivée dans la rotation et si son désherbage est bien maîtrisé, il lui arrive de ne pas désherber le blé suivant « une année sur trois ». « Enfin, je trouve que ses rendements, tout comme son prix de vente, sont bien plus stables que ceux d’un maïs ». Même s’il ne cherche pas à tout prix « les gros » rendements, son objectif est fixé à 35 q/ha tout de même.

Le soja, une culture technique



Bien qu’elle requière peu d’interventions, le soja n’en est pas moins une culture très technique. L’implantation et la gestion des mauvaises herbes sont deux étapes à ne pas sous-estimer. Pour le semis, il attend autour du 8/10 mai pour trouver des conditions d’implantation optimales. « Je passe un coup de déchaumeur à dents (5/8 cm de profond) puis je sème avec mon semoir doté d’une fraise qui travaille le sol sur environ 3 cm ». Il envisage de s’équiper l’an prochain d’un Unidrill pour semer.
Comme son activité de séchage à façon le contraint à devoir effectuer tous ses semis et récoltes avant le 10 octobre, il réutilise d’anciennes variétés (00 limite 000 type Amphor) qu’il sème parfois en mélange.
En terme de salissement, ce sont globalement les graminées qui lui posent le plus de difficultés même s’il y a aussi quelques chénopodes, des renouées, liserons et plus récemment, du chiendent rampant. « J’ai expérimenté différentes stratégies de désherbage. Aujourd’hui, celle qui me donne satisfaction comprend un passage en pré-levée (produit type Mercantor Gold à pleine dose), rattrapé si besoin, par un ou deux passages en post-levée à 1/2 ou 1/3 de dose (produit type Basagran SG) », détaille-t-il.
Lorsque les conditions climatiques ne sont pas favorables à l’application de pré-levée, il passe en post-levée, à faible dose, avec un Basagran SG additionné, si besoin, d’un peu de Cléthodyme (produit type Centurion 240 EC). Comme beaucoup, lorsqu’il est apparu sur le marché, il a essayé le Pulsar 40 mais l’a « laissé tomber. Chez moi, cela tassait trop la végétation et m’a certainement conduit à des pertes de rendement ».
« Le but n’est pas d’avoir une parcelle toute propre mais de contrôler et freiner les mauvaises herbes. Le soja étouffera les dernières », constate-t-il.
Il réfléchi à l’utilisation de la herse étrille. Mais pour l’instant, les conditions climatiques et le fait que la priorité d’utilisation de ce matériel soit naturellement donnée au collègue en bio ne lui ont pas permis de concrétiser. Il a revendu en revanche son décompacteur, « l’effet de mode des années 2000 » lui étant passé.
Ainsi conduit, et même sans problème d’adventices, le rendement du soja reste très lié aux caractéristiques de la parcelle, à l’année et à la variété. « J’ai toujours réussi à le semer. En revanche, il m’est arrivé de ne pas le récolter ou d’en récolter très peu ! Malgré tout, cette culture garde toute sa place sur mon exploitation ».

Réduire fortement les intrants



Une rotation bien réfléchie et adaptée aux contraintes locales, un travail du sol limité avec des outils utilisant peu de puissance de traction, ce sont autant d’intrants en moins. Moins d’azote avec l’introduction d’une première légumineuse, le soja, puis plus récemment de féverole en interculture, moins d’herbicides, sur les blés notamment, moins de carburant (en 2015, moins de 25l de gasoil /ha pour le déchaumage et le semis du soja). Voilà, ce qui le motive. De la chambre d’Agriculture départementale, Antoine Villard pense qu’il est d'ailleurs possible de descendre à 80 unités d’azote sur maïs, même si les essais en Saône-et-Loire, n’ont testé qu’une réduction de dose à 120 U/ha.
Par ailleurs, pour l’ensemble des cultures, il n’utilise plus aucun insecticide et continue de travailler sur la qualité de pulvérisation. « Depuis quelques années, c’est tout mon système d’exploitation que j’ai rebâti. Ce sont notamment toutes ces économies mises bout à bout, qui m’ont permis de le rendre rentable et d’avoir une qualité de vie qui corresponde à mes attentes ».

Tout semer en direct dès le printemps 2016



Son prochain objectif est le semis direct de l’ensemble des cultures. Cette année, les maïs ont encore été semés après un passage de herse rotative. Avec la Cuma de Baudrières, à laquelle il adhère, « nous nous sommes équipés d’un nouveau semoir de semis direct qui devrait me permettre de pouvoir implanter cultures de printemps et couvert de féverole dès la prochaine campagne ». Avec une culture du soja peut consommatrice d’intrant et qui se rapproche des critères de l’agriculture bio, Jean-Marie Gudefin « n’exclu pas de passer tout ou partie de mon exploitation en bio. Mais j’ai encore mes effluents d’élevage ». Un dernier défi qui ne lui fait pas peur…



Témoignage



« Je travaille sans labour depuis le début, car je n’avais ni suffisamment de temps à y consacrer (forte charge de travail avec l’activité d’élevage), ni la capacité financière d’investir dans du matériel coûteux pour remplacer celui utilisé par mon père devenu obsolète.
Lorsque j’ai réfléchi au renouvellement du matériel, j’ai cherché un semoir assez polyvalent pour fonctionner dans mes différents types de sols.
Suite à une démonstration de matériel dans une exploitation proche, j’ai investi dans un Horsch SE3 d’occasion. Avec cet outil, je sème mes cultures d’automne ainsi que le soja.
Parti d’un système essentiellement basé sur le maïs (monoculture en terres inondables) et le blé, j’ai progressivement modifié mon assolement pour arriver aujourd’hui à une rotation qui me convient bien, à savoir maïs/soja/blé (féverole en interculture)
».





Les résultats


· Rendement moyen soja : 32 q/ha
· Rendement moyen maïs : 85 à 90 q secs/ha
· Rendement moyen blé : 70 q/ha





L’exploitation


· SAU : 51.7 ha dont 47 ha de cultures réparties entre 1/3 maïs, 1/3 soja, 1/3 de cultures d’automne (blé tendre, 1 ou 2 ha d’orge d’hiver, 1 ou 2 ha de féverole)
· Sols : terres inondables (vallées secondaires argileuses) et terres non inondables (limons plus ou moins argileux, craignant la battance et sables limoneux squelettiques). Pas de drainage
· Atelier volailles : démarrage de volailles, vente en directe d’animaux de 3 ou 4 semaines
· Activité de séchage et stockage de céréales (2 500 T) pour une minoterie locale


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