Accès au contenu

« Même sans arrêté, des ZNT pourraient être progressivement instaurées »

En plein débat sur les zones de non-traitement (ZNT), Thierry Mercier, directeur de l’évaluation des produits réglementés de l’Anses, nous rappelle l’origine du concept des zones de non-traitement introduit par l’arrêté récemment mis en consultation par le gouvernement. Il s’applique déjà depuis 2016 à toutes les autorisations de mise en marché examinées par l’agence. Et la plupart des autorisations accordées depuis pour des produits de grandes cultures examinées sont déjà assorties de distances de sécurité.

Par Publié par Cédric Michelin
« Même sans arrêté, des ZNT pourraient être progressivement instaurées »

Comment l’Anses prend-elle en compte la protection des riverains dans le processus d’évaluation des produits phytosanitaires ?

Thierry Mercier : L’examen des risques pour les riverains est une nécessité pour l’Anses, dans le cadre de la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique. Cette évaluation se fait d’abord en estimant (sans distance de sécurité, ndlr) le niveau d’exposition des populations, en fonction, notamment, du matériel d’épandage, du produit et de la quantité utilisée. Pour estimer cette exposition, nous nous basons sur des données récoltées sur le terrain. Ces données sont ensuite comparées à une valeur toxicologique de référence fixée à l’issue de l’évaluation européenne coordonnée par l’Efsa. Si les données relatives à l’exposition dépassent la valeur toxicologique de référence, alors le produit n’est pas autorisé, dès lors qu’il présente le moindre risque pour la santé humaine, animale ou l’environnement.

Nous prenons en compte, par ailleurs, l’impact de certaines mesures de gestion, comme les dispositifs anti-dérives ou l’établissement de zones de sécurité de 3, 5 et 10 mètres sur l’exposition des riverains. Si, grâce à ces mesures de gestion, le taux d’exposition des riverains descend sous la valeur toxicologique de référence, nous pouvons autoriser le produit, à condition de mettre en place lesdits dispositifs. Quant aux autres dispositifs permettant de restreindre l’exposition des riverains, comme les haies ou les murs, nous manquons pour l’instant de données pour pouvoir émettre un avis.

Depuis quand la protection des riverains est-elle prise en compte dans les autorisations de mise sur le marché ?

T.M. : La méthodologie imposée par l’Efsa a été considérablement améliorée ces dernières années, avec un nouveau document-type applicable depuis le 1er janvier 2016. Avant l’instauration de cette nouvelle méthode, nous prenions en compte la présence des pesticides dans l’air, sur la base de mesures de terrain, mais cela ne conduisait pas à recommander de mesure sur les distances. Toutefois cette méthodologie prend du temps à mettre en œuvre : les premières décisions ont été prises fin 2018/début 2019.

La nouvelle méthodologie impose le contrôle de l’exposition des riverains sur des distances de 3, 5 et 10 mètres. Pour définir ces distances, l’Efsa s’est basée sur des données expérimentales, mais a également pris en compte la réalité des pratiques agricoles. Une nouvelle méthodologie, encore plus aboutie, doit remplacer celle-ci dès 2021. Nous continuons donc de progresser, même si l’Anses s’est fortement investie sur le sujet depuis quelques années.

Des autorisations de mise sur le marché intégrant des distances de sécurité ou des mesures anti dérives ont-elles déjà été adoptées depuis l’instauration cette nouvelle méthodologie ?

T.M. : Oui. Une quinzaine de produits ont fait l’objet de telles mesures dans les décisions d’autorisations de mise sur le marché. Ainsi, une zone de sécurité de 3 mètres a été intégrée aux AMM de la majorité des produits de grandes cultures examinés. Un produit a même échoué à recevoir une homologation parce qu’il ne remplissait pas les critères de protection des riverains. Donc, même sans arrêté, des ZNT pourraient être progressivement instaurées pour de nombreux produits, via les autorisations de mise sur le marché.