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Commerce et marketing

Mondialisation et uniformisation ?

Mondialisation et uniformisation sont deux notions qui se confondent parfois malheureusement mais qui, de toute évidence, entretiennent des liens ambiguës provoquant de vives passions autour du commerce et du goût à l’échelle mondiale. De l’Université de Bourgogne, Marie-Claude Pichery est revenue sur ces idéaux lors des 4e Rencontres du Clos-Vougeot.
Par Publié par Cédric Michelin
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Si la Bourgogne viticole est équilibrée entre export et commerce intérieur, il n’empêche que sa segmentation et ses orientations sont diverses, voire parfois situées aux antipodes. La genèse de ces clivages est certainement à rechercher lorsque « les producteurs du nouveau monde ont profondément perturbé les pays historiques et conduit à la contestation du leadership européen ». C’est le constat que dressait Marie-Claude Pichery, le 30 septembre, lorsqu’elle présentait "L’expansion du commerce mondial des vins : uniformisation et valorisation des différences". Car depuis quarante ans, la part des exportations dans la production totale est passée de 15 % à 32 %. En somme, un tiers des bouteilles produites sont vendues en dehors de leur zone de production. Idem pour la part "en expansion" des exportations dans la consommation. Surtout, l’exportation des vins français dans le monde s’est effondrée pour ne représenter "que" 15 % des volumes exportés mondialement aujourd’hui, contre 30 % historiquement. « Cette grande régression sur un marché en extension a induit une grande inquiétude professionnelle », analysait l’universitaire, car cela s’accompagnait « d’un accroissement de la concurrence par les prix », surtout vraie pour les vins d’entrée de gamme. La sélection naturelle du marché s'opérant douloureusement ensuite...

Le monde des vins standards



D’autant qu’à cette époque, l’uniformisation des vins gagnait aussi des parts de marchés, laissant craindre « une standardisation, avec des vins au même goût ». « Faux », tonne la spécialiste en direction des opposants à la mondialisation. Elle estime que mondialisation ne signifie pas obligatoirement uniformisation : « il y a suffisamment de variétés de vins pour ne pas prendre ou rester dans cette direction ». Une bonne nouvelle pour nos terroirs de Saône-et-Loire et de Bourgogne qui ne seraient se limiter à un seul type de vin.
Reconnaissant tout de même une certaine progression de l’uniformisation, la chercheuse rappelait l’historique des faits. Avec les « mêmes six grands cépages » cultivés de part le monde, avec la diffusion des techniques œnologiques et aussi avec l’expatriation (foncier limité et prix) de viticulteurs occidentaux formés « de la même manière », Marie-Claude Pichery balayait largement, n’incriminant personne. Elle insistait par contre pour que désormais en France et en Bourgogne, les viticulteurs « valorisent les différences entre vins ».

Comment se différencier ?



Pour se faire, les moyens ne manquent pas et passent par « les terroirs, IG, la "patte" du vigneron, les cépages, les process de production, les marques, les demandes des néophytes ou connaisseurs… ». Segmentation capitale faisant appel à des « identifiants », du type géographique, climatique, marque ombrelle (groupe LVMH, Ricard…), domaines, vins, viticulteurs, œnologues, personnalités connues (Depardieu...), familles (Rotschild…). Elle n’écartait pas non plus la segmentation réglementaire ou celle dite « anglo-saxonne » par les prix (basic, popular premium, premium...). « Les vins au-delà du premium ne représentent que 8 % » du marché mondial, tempérait-elle cependant. Les lieux de consommation (GMS, restaurants étoilés, cavistes…) et les occasions de consommations (hors domicile, grandes occasions, amis…) finissent de définir le positionnement d’un vin et son réseau de distribution. Enfin, la « reconnaissance » du vin - qui peut vite être « balayée » - passe aussi par les concours, les prescripteurs et les « bons communicants ». Malgré tout, personne n'est détenteur du bon goût !

La mondialisation du goût ?



Tous ces éléments contribuent à valoriser et différencier les vins. « Cela revient au final à développer une stratégie de niche », conseille-t-elle, « pour des vins marqués par une typicité ». Elle prenait alors l’exemple des climats de Bourgogne, comparable « au marché de l’art. Sortant de l’ordinaire, cette opportunité n’est pas offerte à tous les viticulteurs » mais, « à un petit nombre ». Reste alors que pour se distinguer, « la qualité est une obligation aujourd’hui ». « Vous avez bien raison de vous battre pour ce patrimoine et identifier des parcelles particulières, porteuses d’intérêt gustatif, historique, financier ou pour leur beauté », s'engageait-elle.
Souvent mis en cause dans l’uniformisation mondialisée des goûts, « les vins dits industriels à gros volumes ont aussi leur place pour une partie des consommateurs à faible revenu et connaissances des vins (réguliers, légers, fruités...), ne voulant pas consacrer de gros budgets » à leur cave. Dès lors, la vraie question semblait être la place de ce modèle des "wineries". Développer ou freiner à « 10, 20, 50 % », s’interrogeait-elle. Elle n'apportait pas de réponse. Pour elle, la préoccupation de tous les professionnels doit être de savoir comment « faire évoluer ces consommateurs basiques vers des vins plus élaborés ». Et en la matière, les vins de Bourgogne du Sud ont toute une gamme d’arguments à mettre en avant, ensemble pour accompagner et éduquer les consommateurs, chaque jour plus nombreux dans le monde. Un travail de patience et de persistance.