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Vins de Bourgogne

Montée en gamme durable ?

Mardi à Beaune, l’Interprofession des vins de Bourgogne (BIVB) tentait
de faire le point sur le millésime 2013 en pleines vendanges. Pas de
conclusions qualitatives mais plutôt quantitatives : 2013 s’achemine
vers une nouvelle petite récolte en volumes. Le marché vrac ralentit
faute de stock mais les prix continuent de grimper. En aval, les marchés
français et export sont toujours demandeurs. Une montée en gamme est
attendue mais sera-t-elle durable ?
Par Publié par Cédric Michelin
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900-950 € pour une pièce de 228 litres de Bourgogne rouge ; 650 €/pièce pour l’appellation régionale blanche ; bien qu’ayant anticipés, les courtiers cherchent désespérément des raisins pour satisfaire le marché des crémants… Comme en 2012, le marché vrac est tendu.
Alors que les vendanges ont débuté, les premières estimations de récolte 2013 ne sont pas pour inverser cette tendance. « Les vendanges débutent mais ce sera difficile d’atteindre les 1,4 millions d’hectolitres de vins en Bourgogne alors que notre moyenne est de 1,55. Cette campagne difficile (millerandage, coulures, grêle) laisse présager de faibles récoltes surtout pour les chardonnays ayant plus souffert de la mauvaise floraison que les pinots noirs », décrivait Michel Baldassini, président-délégué du BIVB, mardi à Beaune. Si les vignes grêlées en Côte de Beaune (1.350 ha) se sont « bien remises », seul les pinots de la Côte Chalonnaise –comme l’an dernier d’ailleurs– « s’en sont bien sortis » tout comme les vins de la Côte de Nuits, plus orientés Grands Crus. La récolte des crémants ne sera « pas à la hauteur des espérances » en volume. Chablis se dirige aussi « sur une petite récolte » ce qui ne réjouit pas pour autant les Mâconnais –du nord comme du sud– qui sont dans la même situation, tablant sur des rendements de 40 hl/ha.
Le négociant de Beaune, Pierre-Henri Gagey était bien obligé de le reconnaître, avec les 1,24 millions d’Hl en 2012, « la situation est compliquée puisque nous vendons plus que nous produisons. Ça ne pourra pas durer indéfiniment. On doit retrouver un équilibre. Ce ne sera pas le cas encore en 2013 ». Les sorties de propriétés sont en retrait de -7 % (744.462 hl, dont 48 % en millésime 2012) sur la campagne vrac, ce qui est remarquable « par rapport aux baisses de récolte de -20% », preuve que « le business est toujours bon à travers le monde ».

Des marchés partout en hausse



Car ces achats des Maisons traduisent la croissance des ventes. En France le marché traditionnel (restauration, cavistes) reste « stable » (20 millions de bouteilles vendue ; 8,5% de part de marché). Les ventes en Grande distribution poursuivent leur progression (+4 % vol. et +5 % val.) avec surtout « le prix au col le plus élevé à 6,5 €/bouteille ». Un positionnement sur des prix premium, même pour des entrées de gamme, qui est « une de nos force ». L’interprofession travaille d’ailleurs toujours à bien positionner les Côteaux Bourguignons, qui ne décollent pas faute de disponible, et qui se penchera sur la question des communales et premiers crus le 21 janvier prochain.
A l’export sur les sept premiers mois de l’année, l’augmentation est « surprenante » avec "seulement" + 1,6 % en chiffres d’affaires (+4,7 % en vol.). Michel Baldassini voyait là un signe qu’il se vend aussi « plus de régionales et de crémants », que de Grands Crus, faiblement produits en 2010 et vendus actuellement.
Dans le détail, l’Amérique du Nord –Etats-Unis et Canada– profite de la reprise de l’économie américaine (+13% en vol. et +7% en CA). L’Asie (voir page HH) voit la Chine et Hong-Kong continué à progresser au contraire du Japon (-14% vol et -11% en val.), qui avait certes atteint des records. Enfin, l’Europe « fonctionne bien » dans sa globalité (+7,5 % en vol. et +3 % en CA) avec en terme de dynamisme, la Belgique, la Suède (+20 % en vol.) et l’Allemagne. L’Angleterre ou les Pays-Bas sont « stables » tandis que la Suisse replonge.



"Pépin" structurel en vue



Derrière ces chiffres, la question des prix et hausses aux clients et acheteurs se pose. La montée en gamme des vins de Bourgogne est-elle durable ou bien lié à ces faibles récoltes successives ? « Ça nous inquiète car un jour il faudra corriger. L’an prochain, on ne sera pas en augmentation en volume, ce n’est pas possible. Un tas d’entreprise n’ont plus de vins à vendre. C’est donc compliqué mais certes préférable à trop de vins à vendre dans les caves. On ne voudrait pas que ce déséquilibre entraine une hausse des prix non maitrisés. Faisons très attention aux prix même si on ne peut pas les contrôler », alertait Pierre-Henri Gagey. Discours proche du côté de la viticulture avec Michel Baldassini qui rajoutait tout de même en guise d’invitation à la réflexion : « les surfaces dédiées pour les vins de base crémants sont une bonne chose et ont permis de réguler les marchés bourguignons. Là, on fera vers 57 hl/ha alors qu’on visait 87 hl/ha. A cela se rajoute les maladies du bois, notamment sur chardonnay, pour récolter des ceps en train de mourir. Le vignoble est de moins en moins productifs. C’est aussi lié à son vieillissement. Dans les années 1980, bon pour la qualité, on a planté des clones peu productifs. Idem pour les portes greffes. Désormais, le moindre "pépin" climatique, comme chaque année avec le dérèglement climatique, devient une inquiétude structurelle. Nous pouvons donc être inquiet sur le potentiel de production dans l’avenir ». Un sujet majeur qui sera débattu le 5 novembre lors de Vinosciences.




Des plantations rentables ?



Le potentiel de production pourrait venir de nouvelles plantations « toujours encadrées » –et « gérer de façon intelligente » pour ne pas déstabiliser les marchés à moyen terme– sur certains coteaux mais plus probablement dans les appellations régionales, en Mâconnais et en Côte Chalonnaise où se trouve le plus gros des contingents.
Quid de leurs rentabilités ? Pierre-Henri Gagey imaginait donc que si « cette hausse des prix est contrôlée, elle peut être l’occasion de retrouver une dynamique permettant aux deux familles d’envisager de nouvelles plantations ».
Pour l’heure, accélérer par la pyramide des âges, les domaines s’agrandissent et les Maisons de négoce sont aussi aux achats de vignes et Domaines pour sécuriser justement leurs approvisionnements et marchés… Les frontières entre les deux familles deviennent poreuses. La gestion du foncier reste primordiale pour tous.



Difficile d’éviter la hausse des taxes ?



Vin & Société a demandé au Président de la République et au Premier ministre d’abandonner des mesures envisagées contre la consommation de vin. 170.000 visiteurs uniques se sont déjà rendu sur le site Internet (cequivavraimentsaoulerlesfrançais.fr ). « Au nom de la morale, le vin est assimilé à une drogue et serait jugé dangereux pour la santé dès le premier verre », critique l’association qui a demandé la mise en place d’une instance interministérielle, refusé jusqu’à présent par le gouvernement. Les parlementaires ont été alertés et les négociations législatives débuteront le 8 octobre. Si Stéphane le Foll, le Ministre de l’Agriculture, a annoncé ne pas vouloir « d’augmentation des taxes (droits de circulation) sur les vins », Michel Baldassini remarquait la fin de sa phrase « …en 2014 ». Quid à l’avenir ? Le Ministre des Finances, Pierre Moscovici ne s’est pas prononcé laissant « craindre l’équité fiscale avec les bières et spiritueux » prochainement. Et il est à noter que l’ancienne directrice de Vin & Société, qui connaît les arguments de la filière vins, Séverine Besse-Le Saux est désormais chargée de la communication… au Ministère de la Santé de Marisol Touraine.




Des vins remplis d’énergies



Le BIVB semblait bien embêté pour déterminer la qualité du millésime 2013. « C’est un peu tôt pour dire. Le mois d’aout ensoleillé et cette dernière semaine ont nourri les raisins, il peut y avoir de très bons vins, remplis d’énergies », s’aventurait Pierre-Henri Gagey, pressé par les journalistes. Pourtant, côté viticulture, pas d’emballement. La profession se posait même un temps la question de demander une dérogation au 1,5° d’enrichissement. « Finalement, les sucres sont dans les clous compte tenu des faibles volumes ».

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