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Bovins viande

Mot d’ordre pour relancer la production

Depuis l’automne dernier, la chambre d’agriculture promeut une véritable relance de la production bovine en Saône-et-Loire. Tandis que la demande en viande bovine repart, le potentiel de production s’érode. Il y a longtemps que les éleveurs allaitants n’avaient pas bénéficié de telles perspectives. C’est un véritable mot d’ordre qui leur est délivré. Et les simulations démontrent que produire plus est désormais payant à tous les coups.
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Le 14 décembre dernier à Jalogny, la chambre d’agriculture organisait une réunion à destination des techniciens élevage du département. Ce rendez-vous était en fait le dernier d’une série qui a eu lieu durant cette fin d’automne. Ouvertes tour à tour aux techniciens de Feder, Charolais Horizon, chambre d’agriculture et autres organismes d’élevage (Coop’évolia, centres de gestion, Bovins croissance, Elvéa 71-58…), ces réunions avaient pour but de délivrer un véritable mot d’ordre en direction des éleveurs : il faut à tout prix développer la production bovine en Saône-et-Loire. Un appel à la relance bovine. Changement de discours radical après des années déprimantes où le système de primes et les marchés saturés encourageaient les éleveurs à désinvestir la technique et à produire moins. Mais aujourd’hui, l’heure est à la prise de conscience que la donne a changé. On a besoin de viande et « on gagne à nouveau de l’argent en travaillant ! », synthétisait Dominique Vaizand.

La donne a changé


C’est la grande leçon de l’année 2012 : on s’achemine vers une pénurie de viande bovine. Alors que les pays du Mercosur ne font plus peur, la demande mondiale augmente tandis que le potentiel de production tend à diminuer en France et en Europe. Si rien n’est fait, il faut s’attendre à une forte baisse d’effectif, estiment les analystes. D’ailleurs, selon ces derniers, le premier défi sera déjà de maintenir le potentiel de production !
Les dernières synthèses émises par les centres de gestion le confirment : la rentabilité bien supérieure des céréales risque de provoquer un abandon de l’élevage dans de très nombreuses régions.
Cette situation inédite mobilise le service élevage de la chambre d’agriculture. Objectif clairement affiché : redévelopper la production de viande bovine en Saône-et-Loire.

Erosion des naissances


Les données technico-économiques du réseau d’élevage charolais révèlent que depuis 2007 les naissances ont tendance à diminuer. La sécheresse de 2011 a amplifié la décapitalisation avec une accélération des ventes de mâles et un rajeunissement des sorties, décrit Thierry Lahémade de la Chambre d’agriculture.
En Saône-et-Loire, les jeunes bovins (finis) ne représentent qu’à peine 10% des ventes de mâles. Sur un potentiel d’environ 220.000 naissances, 110 à 120.000 mâles sont ainsi commercialisés maigres.
Signe d’une décapitalisation avérée, les volumes de jeunes femelles augmentent. Et l’on observe, là aussi, une accélération des sorties avec des animaux de plus en plus jeunes et maigres, type « petites laitonnes ». Cette catégorie a d’ailleurs souvent été sacrifiée dans l’urgence pour faire face à des problèmes de trésorerie. Même si elle est davantage pratiquée qu’en mâles, la finition des femelles demeure minoritaire y compris en Saône-et-Loire : les femelles maigres représentant 54% des sorties de femelles et ce sont surtout des vaches que l’on engraisse ici. Ces données mettent en évidence des marges de progression non négligeables pour augmenter la production de viande en Saône-et-Loire.

Les actes de production passés au crible


Ce sont ces marges de manœuvre qui pourraient permettre de rétablir la production dans un premier temps. S’adressant aux exploitations en place, la chambre d’agriculture et le réseau d’élevage proposent un certain nombre de repères techniques qui peuvent permettre d’optimiser les systèmes dans le sens de produire plus. Le réseau d’élevage charolais a évalué l’intérêt économique des différents types d’actes de production (alourdissement du maigre, engraissement, augmentation du nombre de vêlages) et les a comparés entre eux. Ces données sont désormais dans les mains des techniciens d’élevage qui peuvent, chiffres à l’appui, aiguiller les éleveurs dans leurs choix. Les fiches des différents actes de production sont consultables sur le site internet de la Chambre « www.sl.chambagri.fr ».

Plus de vêlage ou plus de viande


Sans trop entrer dans le détail, les travaux du réseau d’élevage font ressortir un certain nombre d’enseignements qui réhabilitent l’acte de production. Quelle que soit l’option choisie, produire plus aujourd’hui s’avère payant. Si pendant des années, l’agrandissement et la hausse du nombre de vêlages étaient la seule référence en termes d’augmentation de revenu, les données économiques montrent aujourd’hui qu’aller plus loin dans la finition des animaux est une autre possibilité. Et un allongement du cycle de production engendre moins de bouleversements en termes de bâtiments, de consommation de fourrage et de paille, voire de main d’œuvre, qu’un accroissement déraisonné du nombre de vêlages.

Alourdir les broutards


En broutards, les choses dépendent beaucoup des dates de vêlage. Avec des vêlages précoces, on vise plutôt un broutard d’été lourd avec une forte croissance sous la mère. Un des leviers peut alors être l’accentuation de la conduite des mâles sous la mère. Exemple : alourdir un broutard d’automne en le faisant passer 340 à 400 kg grâce une plus forte complémentation génère un gain d’EBE de l’ordre de 90 €, illustre Thierry Lahémade. Pour des vêlages classiques, de février à mars, c’est la repousse en bâtiments qu’il vaut mieux viser.
Quant aux veaux nés tard, pesant 320 - 350 kg en janvier février, il est possible de les conduire en taurillons maigres pour une vente en juin. « Dans nos systèmes herbagers, la production de taurillons maigre n’est pas ringarde, au contraire », insiste le technicien.

Incontournable finition des femelles


Outre l’allongement du cycle des broutards, c’est sans doute vers la finition des femelles que les éleveurs de Saône-et-Loire ont la plus grosse carte à jouer. « Le prix du kilo de carcasse des génisses finies est très stable, ce qui est très sécurisant. Or des génisses maigres, on en a à revendre ! », faisait remarquer Thierry Lahémade.
La finition des vaches est la plus accessible pour un producteur de maigre disposant de céréales à autoconsommer. Avec un écart de prix de vente de 200 à 300 € entre des animaux finis et des animaux maigres ; 100 à 170 € d’EBE supplémentaire par tête : « finir une vache, çà ne perd pas ! », résume le technicien. Et cette production est bien adaptée à la demande du marché.

En dépit des fluctuations, le JB paie


Quant aux jeunes bovins, l’idéal c’est d’être déjà producteur de broutards repoussés et de disposer d’un minimum de cultures. Contrairement à la génisse finie, l’écueil de cette production est la volatilité des prix, d’où l’intérêt évident de la contractualisation dans cette filière. Mais ce qui compte avant tout, signale Thierry Lahémade, c’est l’écart de prix final avec le broutard. En dépit des fluctuations conjoncturelles, les chiffres montrent que le JB n’a jamais fait perdre d’argent sur le long terme.


Vêlage à 2 ans


Une solution pour les bons cheptels


Le vêlage à deux ans est une autre solution pour augmenter la production en ferme. Expert en la matière, le responsable de la ferme de Jalogny Julien Renon en a redonné les grands principes, puisant dans les résultats des travaux menés à la ferme expérimentale durant la décennie passée. A Jalogny comme chez un certain nombre d’éleveurs pionniers de cette conduite, le vêlage à deux ans fonctionne bien : c’est prouvé. La technique s’adresse cependant à des éleveurs pointus, chez qui tous les aspects de la conduite du troupeau sont bien maitrisés. Les candidats au vêlage à deux ans doivent notamment disposer de bons cheptels avec un poids vif moyen de plus de 700 kg et une bonne croissance des génisses. Les femelles doivent atteindre au moins 430 kilos à 14 - 15 mois d’âge. Les rations doivent être bien calées pour éviter tout « graissage ». Sur les génisses de deux ans aptes à le faire, les vêlages se passent bien, sachant que leurs veaux sont plus légers. Si la mortalité des veaux est supérieure sur des mères de 2 ans, cette étape permet un tri plus précoce des génisses ce qui se retrouve les années d’après avec une mortalité au contraire plus faible lors des vêlages ultérieurs. Les génisses ayant vêlé à deux ans rattrapent leur déficit de poids de carcasse vers cinq ou six ans d’âge. Le vêlage à deux ans est une solution pour les systèmes chargés : Gaec, installation d’un fils avec manque de surfaces… Comparé aux autres actes de production (alourdissement du maigre, engraissement…), « le vêlage à deux ans serait le meilleur rapport qualité prix ! », conclut Julien Renon.


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