Mouvements anti-élevage : Agriculteurs, éleveurs, « vous avez le soutien d’une large part de la population »
Salle comble, mardi, au Vox, à Bourg-en-Bresse dans l'Ain, pour la conférence de Francis Wolff. L’occasion de réfléchir en profondeur à l’origine et les motivations des mouvements anti-élevage. Et de réaffirmer la noblesse du métier d’éleveur.

En un mot, revigorante, la conférence animée par Francis Wolff, sur le thème : du bien-être animal au mouvement anti-élevage. » Invité par la FDSEA et JA de l'Ain, le philosophe a livré son analyse pour expliquer pourquoi ces mouvements trouvaient un écho croissant dans la société et quelles en étaient les racines. En démontrant l’absurdité et les intentions cachées des mouvements « ultras », il a fourni aux quelques 200 participants, de quoi réfléchir sur le rôle de l’élevage. Morceaux choisis.
De l’Animal aux animaux
Selon Francis Wolff, la brusque préoccupation pour la cause animale serait née de la perte de contact de nos contemporains toujours plus « urbains » avec les animaux. On aboutit ainsi, « à une humanisation de l’animal et à la perte d’une distinction vieille de 10 000 ans entre l’animal domestique, qui, en échange de son utilité pour l’homme, trouvait l’opportunité d’être nourri et protégé des prédateurs et « l’animal sauvage », longtemps considéré comme un ennemi virtuel, potentiellement prédateur, ravageur, vecteur de maladies... ».
Au siècle dernier, s’est ajouté à cette dichotomie, un 3e genre d’animal : celui de compagnie, dont la seule utilité est d’exister pour satisfaire l’affect de ses propriétaires. « Pour la 1ère fois, on élève des animaux pour qu’ils ne fassent rien (...) C’est par le prisme de cette nouvelle faune que l’on croit comprendre toute la cause animale, comme si tous les animaux étaient comme le chat qui dort sur le canapé ».
Corolaire de cette vision : une nature perçue comme naturellement bonne et non violente, « alors qu’elle est régie par le règne du rapport prédateur/proie. »
Plus généralement, Francis Wolff estime qu’on ne peut définir l’Animal comme une entité. « L’Animal, ça n’existe pas. Il suffit de mesurer la différence entre un chien et un protozoaire pour comprendre qu’on ne peut pas avoir le même traitement avec ces espèces. »
Un contrat moral entre homme et animal
Francis Wolff explique qu’il doit exister une forme d’engagement moral vis à vis des animaux. Modulable selon les cas. « Avec les animaux de compagnie, on peut parler d’une dette d’affection réciproque... Avec les animaux domestiques, c’est un échange. Tu me donnes ton lait, ta laine.... En échange de quoi je t’offre sa protection. Avec les autres animaux, s’il ce contrat n’existe pas par nature, en revanche, l’homme a le devoir écologique de les considérer. »
Le dernier combat des « libérateurs »?
Francis Wolff établit un lien direct entre l’avènement des mouvements anti-spécistes et l’effondrement de grands mouvements d’émancipation des peuples à la fin des années 80. « On retrouve des gens qui autrefois, auraient milité pour la libération de tel ou tel peuple opprimé. Pour beaucoup, l’animal cumule toutes les formes d’exploitation : par les hommes, les femmes, les blancs, les noirs, les pauvres et les riches. »
« Des cœurs généreux ont reporté sur l’animal les combats de défense des victimes. Cette vraie générosité masque souvent une vraie dangerosité. Parce si on arrivait à la libération des animaux, ce serait la fin de beaucoup d’espèces et de notre civilisation. »
Des amalgames profitables aux extrémistes
« Pour le grand public, les animalistes sont des écolos. Alors qu’en fait, animalisme et écologie n’ont rien à voir », avertit M. Wolff. « L’écologie s’intéresse à l’équilibre des écosystèmes. L’animalisme se moque de l’écologie et des espèces. Ce qui l’intéresse, c’est la souffrance individuelle. Pour eux, la prédation, c’est le mal, parce qu’elle est associée à la souffrance et la mort. Pour l’écologie, la souffrance et la mort sont des choses naturelles, le vivant se nourrissant du vivant. »
Selon lui, les mouvements les plus radicaux, rassemblées sous la bannière abolitionniste, c’est-à-dire qui veulent interdire toute forme de relation avec les animaux (comme le véganisme par exemple), « ne s’occupent en aucun cas du bien-être animal. »
Faire reconnaître les bonnes pratiques des éleveurs
« La plupart des gens qui soutiennent les mouvements animalistes ne sont pas des abolitionnistes. Ils veulent juste la garantie que les animaux ont des conditions de vie convenables. Si les éleveurs démontrent qu’ils traitent bien leurs animaux, ils répondront à ce que veulent ces gens. Les associations abolitionnistes profitent de cette confusion. »
Encore faut-il s’entendre sur le sens du « bien-être » et de la « bientraitance ». Pour Francis Wolff, elle est conditionnée par le respect des cinq libertés suivantes : physiologique, environnementale, sanitaire, psychologique et comportementale.
Le conférencier suggère de travailler à la création d’un label garant de « bientraitance », différent du bio ou autre label.
« L’élevage doit travailler avec les ONG et les associations qui s’occupent de bien-être animal pour créer un label. Ce dernier assurerait au grand public les garanties qu’il attend et pourrait s’imposer dans le paysage, un peu comme le label Bio. »
Etienne Grosjean
Mouvements anti-élevage : Agriculteurs, éleveurs, « vous avez le soutien d’une large part de la population »

En un mot, revigorante, la conférence animée par Francis Wolff, sur le thème : du bien-être animal au mouvement anti-élevage. » Invité par la FDSEA et JA de l'Ain, le philosophe a livré son analyse pour expliquer pourquoi ces mouvements trouvaient un écho croissant dans la société et quelles en étaient les racines. En démontrant l’absurdité et les intentions cachées des mouvements « ultras », il a fourni aux quelques 200 participants, de quoi réfléchir sur le rôle de l’élevage. Morceaux choisis.
De l’Animal aux animaux
Selon Francis Wolff, la brusque préoccupation pour la cause animale serait née de la perte de contact de nos contemporains toujours plus « urbains » avec les animaux. On aboutit ainsi, « à une humanisation de l’animal et à la perte d’une distinction vieille de 10 000 ans entre l’animal domestique, qui, en échange de son utilité pour l’homme, trouvait l’opportunité d’être nourri et protégé des prédateurs et « l’animal sauvage », longtemps considéré comme un ennemi virtuel, potentiellement prédateur, ravageur, vecteur de maladies... ».
Au siècle dernier, s’est ajouté à cette dichotomie, un 3e genre d’animal : celui de compagnie, dont la seule utilité est d’exister pour satisfaire l’affect de ses propriétaires. « Pour la 1ère fois, on élève des animaux pour qu’ils ne fassent rien (...) C’est par le prisme de cette nouvelle faune que l’on croit comprendre toute la cause animale, comme si tous les animaux étaient comme le chat qui dort sur le canapé ».
Corolaire de cette vision : une nature perçue comme naturellement bonne et non violente, « alors qu’elle est régie par le règne du rapport prédateur/proie. »
Plus généralement, Francis Wolff estime qu’on ne peut définir l’Animal comme une entité. « L’Animal, ça n’existe pas. Il suffit de mesurer la différence entre un chien et un protozoaire pour comprendre qu’on ne peut pas avoir le même traitement avec ces espèces. »
Un contrat moral entre homme et animal
Francis Wolff explique qu’il doit exister une forme d’engagement moral vis à vis des animaux. Modulable selon les cas. « Avec les animaux de compagnie, on peut parler d’une dette d’affection réciproque... Avec les animaux domestiques, c’est un échange. Tu me donnes ton lait, ta laine.... En échange de quoi je t’offre sa protection. Avec les autres animaux, s’il ce contrat n’existe pas par nature, en revanche, l’homme a le devoir écologique de les considérer. »
Le dernier combat des « libérateurs »?
Francis Wolff établit un lien direct entre l’avènement des mouvements anti-spécistes et l’effondrement de grands mouvements d’émancipation des peuples à la fin des années 80. « On retrouve des gens qui autrefois, auraient milité pour la libération de tel ou tel peuple opprimé. Pour beaucoup, l’animal cumule toutes les formes d’exploitation : par les hommes, les femmes, les blancs, les noirs, les pauvres et les riches. »
« Des cœurs généreux ont reporté sur l’animal les combats de défense des victimes. Cette vraie générosité masque souvent une vraie dangerosité. Parce si on arrivait à la libération des animaux, ce serait la fin de beaucoup d’espèces et de notre civilisation. »
Des amalgames profitables aux extrémistes
« Pour le grand public, les animalistes sont des écolos. Alors qu’en fait, animalisme et écologie n’ont rien à voir », avertit M. Wolff. « L’écologie s’intéresse à l’équilibre des écosystèmes. L’animalisme se moque de l’écologie et des espèces. Ce qui l’intéresse, c’est la souffrance individuelle. Pour eux, la prédation, c’est le mal, parce qu’elle est associée à la souffrance et la mort. Pour l’écologie, la souffrance et la mort sont des choses naturelles, le vivant se nourrissant du vivant. »
Selon lui, les mouvements les plus radicaux, rassemblées sous la bannière abolitionniste, c’est-à-dire qui veulent interdire toute forme de relation avec les animaux (comme le véganisme par exemple), « ne s’occupent en aucun cas du bien-être animal. »
Faire reconnaître les bonnes pratiques des éleveurs
« La plupart des gens qui soutiennent les mouvements animalistes ne sont pas des abolitionnistes. Ils veulent juste la garantie que les animaux ont des conditions de vie convenables. Si les éleveurs démontrent qu’ils traitent bien leurs animaux, ils répondront à ce que veulent ces gens. Les associations abolitionnistes profitent de cette confusion. »
Encore faut-il s’entendre sur le sens du « bien-être » et de la « bientraitance ». Pour Francis Wolff, elle est conditionnée par le respect des cinq libertés suivantes : physiologique, environnementale, sanitaire, psychologique et comportementale.
Le conférencier suggère de travailler à la création d’un label garant de « bientraitance », différent du bio ou autre label.
« L’élevage doit travailler avec les ONG et les associations qui s’occupent de bien-être animal pour créer un label. Ce dernier assurerait au grand public les garanties qu’il attend et pourrait s’imposer dans le paysage, un peu comme le label Bio. »
Etienne Grosjean