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Prévention des maladies néo-natales

Ne pas négliger le colostrum

Qu’est-ce que le colostrum ? Le colostrum est le produit de la traite des 6 premiers jours après le vêlage. Il s’agit d’un mélange de sécrétions lactées et de constituants du sérum sanguin qui s’accumulent dans la mamelle durant la période de tarissement. De quoi est composé le colostrum ?
Par Publié par Cédric Michelin
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Le colostrum est beaucoup plus riche que le lait en énergie, protéines, vitamines et oligo-éléments comme le montre le tableau.

Un rôle essentiel dans la protection immunitaire



Le colostrum contient également des éléments « non nutritionnels » mais incontournables pour garantir une protection immunitaire au jeune veau qui est dépourvu de système immunitaire propre jusqu’à l’âge de 2 semaines. Ces éléments sont :
• Des anticorps (immunoglobulines), à des niveaux 2 à 8 fois supérieurs à ceux du sérum sanguin.
• Des facteurs anti-microbiens,
- le lyzozyme qui agit directement sur certaines bactéries,
- le complément (ensemble d'enzymes), qui agit en association avec le lyzozyme,
- la lactoferrine, qui fixe le fer et donc prive certaines bactéries (dont E.Coli) de ce nutriment essentiel.
- Le système lactoperoxydase, qui agit par oxydation sur les pathogènes.
• Des hormones et facteurs de croissance,
• Des cellules somatiques en nombre élevé (1 Million/ml), dont majoritairement des polynucléaires et des macrophages du système immunitaire.

Un rôle dans le développement des cellules



Des publications récentes montrent que le colostrum joue également un rôle majeur au niveau du tube digestif après la naissance : développement des villosités intestinales, différenciation morphologique intestinale, stimulation des sécrétions pancréatiques [Guilloteau et al, 1997 ; Kün e et al, 2000; Rauprich et al, 2000].
Enfin, le colostrum a aussi une action laxative et de stimulation de la motricité intestinale. Il facilite l'expulsion du méconium.

Comment raisonner l’apport de colostrum ?



L’apport de colostrum doit se raisonner :
- En quantité :
L’efficacité de l’absorption des anticorps via la barrière intestinale diminue très rapidement après la naissance (liée à l’évolution de la muqueuse intestinale), elle est réduite de moitié au bout de 12 heures et devient négligeable au-delà de 24 heures. Un colostrum distribué 6 heures après le vêlage a donc perdu les ¾ de son pouvoir immunitaire !
En pratique, pour assurer efficacement le transfert de l’immunité au travers de l’intestin, le veau doit boire 1,5l de colostrum dans les 2 heures suivant sa naissance et doit ensuite boire 3,5l dans les 22 heures suivantes (10% du poids du veau dans les 24h).
- En qualité
Plus le colostrum sera riche en anticorps (également appelés immunoglobulines), plus les anticorps traverseront la barrière intestinale du veau pour se retrouver dans le sang et offrir ainsi une immunité correcte au veau.
L’utilisation d’un pèse-colostrum permet d’estimer la richesse en immunoglobulines du colostrum par la mesure de la densité.
Le dosage des immunoglobulines dans le sérum du veau (prise de sang réalisée par le vétérinaire) permet d’estimer dans un même temps la prise colostrale et la qualité du transfert via l’intestin du veau.

Comment obtenir un colostrum en quantité et en qualité ?



Plusieurs facteurs influent sur la qualité du colostrum :
- La durée du tarissement : elle doit être au minimum d’un mois ;
- La qualité du colostrum des multipares est souvent supérieure à celle des primipares (concentration en immunoglobulines plus élevée, quantité produite plus importante, spectre d’anticorps produit souvent plus large) ;
- La tétée (veaux voleurs) réalisée avant vêlage : cette pratique réduit la concentration en immunoglobulines après vêlage ;
- Le niveau énergétique de la ration : une ration déficitaire en énergie dans le dernier mois de gestation est néfaste pour la qualité du colostrum produit ;
- La supplémentation en minéraux (phosphore, calcium, magnésium)et oligo-éléments (zinc, cuivre, sélénium, iode, cobalt) pendant la période de tarissement permet d’augmenter la concentration en anticorps du colostrum ;
- L’infestation par la grande douve (fasciolose) perturbe la composition du colostrum d’où l’intérêt d’assurer un déparasitage correct avant vêlage ;
- Les mammites (notamment chez les vaches laitières) perturbent également la composition du colostrum.
Il est donc primordial de préparer correctement la vache au vêlage en concentrant la ration dans le dernier mois de gestation (objectif : 9UF pour une charolaise), réalisant les traitements antiparasitaires nécessaires avant vêlage (notamment vis-à-vis de la grande douve) et restaurant le statut en oligo-élements des mères avant vêlage.

Une banque de colostrum congelé : à quoi ça sert ?



Pour palier à un accident de vêlage ou à une vache qui n’a pas suffisamment de lait (ou de qualité médiocre), il est important de se constituer une « banque de colostrum congelé ».
En pratique, en début de campagne de vêlage, du colostrum d’une vache productive peut être tiré (au cours des premières heures suivants le vêlage pour une meilleure concentration en anticorps) et conservé en bouteille plastique en le congelant à – 18°C. La décongélation du colostrum s’effectue exclusivement au bain marie sans dépasser 45°C (ne jamais décongeler du colostrum au micro-ondes).
Cette banque de colostrum doit être renouvelée chaque année afin que le colostrum reste adapté au changement de microbisme qu’il peut y avoir sur l’élevage.
L’apport de colostrum doit donc être considéré comme un outil majeur de prévention des maladies néo-natales pour permettre au jeune veau de passer la phase critique des premiers jours de vie à condition qu’il soit apporté en quantité et en qualité suffisante rapidement après la naissance.