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Charolais de Bourgogne

Ne surtout rien lâcher !

Cela fait plus de dix ans que les défenseurs du "Charolais de Bourgogne" se battent pour une reconnaissance en IGP. Le dernier avatar en date oblige l’association à se défendre d’un manque de notoriété et d’antériorité reproché par l’autorité des appellations ! Heureusement, le "Charolais de Bourgogne" connaît aussi des bonheurs. Ce fut le cas ce début d’année avec le vif succès de son steak haché auprès des scolaires.
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La démarche Charolais de Bourgogne est entamée depuis plus de dix ans. Charolais de Bourgogne est aujourd’hui une marque à part entière. 1.600 éleveurs producteurs y adhèrent et des représentants des organisations de producteurs et des principaux abatteurs transformateurs de la région siègent au conseil d’administration de l’association gestionnaire. La marque désigne une viande respectant un cahier des charges bien précis. Ce dernier garantit que la viande est « issue d’animaux de race charolaise, nés, élevés et finis en Bourgogne, dans des élevages contrôlés chaque année sur leurs bonnes pratiques », détaille Martine Marquet, animatrice de l’association.

500 tonnes, 1.600 éleveurs


D’année en année, la marque développe ses tonnages. En 2011, 345 tonnes de viande bovine ont été distribuées sous ce signe, soit cent tonnes de plus qu’en 2010. Un objectif de 500 tonnes est visé pour 2012. Cela équivaut à 6.000 animaux au rythme de plus d’une centaine de bêtes par semaine. Le nombre de distributeurs a doublé entre 2010 et 2011. Il est aujourd’hui de 58 dont les principales enseignes de grande distribution et des boucheries. Ces points de vente sont localisés pour moitié en Bourgogne et pour le reste en région parisienne, nord-est et sud-est.

En quête de l’IGP


L’objectif de la démarche Charolais de Bourgogne” est une reconnaissance en Indication géographique protégée (IGP). L’association y travaille sans relâche depuis 2001. En dix ans, trois versions du dossier ont été déposées auprès des instances officielles. En 2011, un travail avec la commission d’enquête de l’INAO avait été entamé, mais en janvier dernier, l’INAO décidait de suspendre cette commission et de clôturer l’instruction au motif « d’éléments insuffisants concernant "une superposition de zones, la notoriété et l’antériorité du nom" ». Une véritable douche froide qui motivait une pétition auprès des élus lors du dernier Salon de l’agriculture. Les mois qui ont suivi, les responsables de "Charolais de Bourgogne" se sont de nouveau attelés à leur copie. Une nouvelle demande est en cours de rédaction. Un avis de l’INAO est attendu pour septembre.

Surprenant


Ce nouvel avatar dans la demande de reconnaissance en IGP avait de quoi surprendre. Au bout de dix ans de démarches, les reproches faits par les instances de l’INAO paraissent surréalistes. Invoquer un manque de réputation et d’ancienneté pour parler d’un berceau de race aussi reconnu, une région à ce point façonnée par l’élevage allaitant charolais et ce depuis deux siècles... ! Quant à la « "superposition de zones" qui concerne la bordure ouest de la Saône-et-Loire et sud de la Nièvre, elle ne toucherait que quelques cantons ou communes limitrophes. L’IGP "Bœuf charolais du Bourbonnais" étant centré sur le département de l’Allier alors que le "Charolais de Bourgogne" épouse pour sa part la région Bourgogne.

Convaincre la France et l’Europe…


Aussi discutable soit la décision, les défenseurs du Charolais de Bourgogne n’ont d’autre choix que de se plier à un nouvel exercice d’argumentation. Une fois de plus, il va falloir tenter de convaincre l’administration française, mais aussi la commission européenne... Redire que la Bourgogne est une région traditionnelle d’élevage, avec des exploitations familiales à 70 % en herbe. Que les éleveurs y perpétuent un savoir-faire traditionnel en lien avec le territoire (race, bocage, paysages…). Que la viande charolaise de Bourgogne a un grain de viande, une couleur, une tendreté spécifiques… Répondant aux reproches faits par l’INAO, les défenseurs du Charolais de Bourgogne vont aussi développer la notion de « notoriété et de tradition du goût bourguignon ». Ils pointeront la réputation évidente auprès des consommateurs ; la longue histoire de la race dans son berceau d’origine ; le lien indiscutable entre la région et la charolaise… Ils ne manqueront pas non plus de remémorer la création, à la fin des années 80, d’un label "Charolais Morvan Bourgogne", témoignant déjà de l’imbrication indiscutable entre le charolais et la Bourgogne.

Succès du steak haché


Si la procédure de reconnaissance en IGP réserve son lot de déceptions, heureusement, l’association connaît aussi de bien belles réussites. Ce fut le cas avec l’opération "steack haché Charolais de Bourgogne". L’initiative a démarré courant 2011, année marquée par la sécheresse printanière et des cours de la viande d’abord très bas. Le conseil régional cherchait un moyen d’aider les éleveurs à consolider leur revenu. C’est alors qu’en partenariat avec l’association "Charolais de Bourgogne", a été imaginé de proposer des steaks hachés aux établissements scolaires. L’opération a été mise en place dans l’hiver. Outre l’association, le conseil régional et les conseils généraux, la démarche a pu compter sur les compétences des abatteurs régionaux (Bigard, Sicarev, Sicavyl, Clavières) et d’un distributeur (Bourgogne Produits frais). Fin janvier, les responsables de l’opération pensaient écouler ainsi 3 tonnes de viande charolaise. Ce sont finalement 24 tonnes qui ont ainsi été commercialisées dans les restaurants scolaires de la région. 

Restaurants scolaires satisfaits


La fabrication a été assurée par Bigard à Cuiseaux. 200.000 steaks hachés "Charolais de Bourgogne" y ont été élaborés dont 150.000 pièces ont été livrées à environ 200 lycées et collèges. Un volume qui équivaut approximativement à 200 animaux transformés. Au préalable, un gros travail de communication a été effectué auprès des établissements scolaires de la région. Conseil régional, conseil général de Saône-et-Loire et association n’ont pas ménagé leurs efforts auprès des responsables de restaurants scolaires. Ces derniers se sont finalement montrés très réceptifs à cette démarche locale. C’est le cas de Nicolas Besson, chef restaurateur dans un lycée de Cluny. « Nous cherchons des produits de bonne qualité. Ils sont certes plus chers, mais comme il y a moins de perte à la cuisson, on s’y retrouve », confiait le chef clunisois. Sur la question de la mise en concurrence par appel d’offres, souvent imposée dans ce type de restauration collective publique, Nicolas Besson répond que ce n’est pas forcément le moins cher qui était retenu. L’objectif de ce lycée étant aussi que les élèves « mangent bien ».

Pérenniser l’opération


« Cette opération est un succès. Nous avons montré que nous étions capables de travailler en partenariat. Il y a une demande. La question est aujourd’hui de savoir quelle suite donner à cette opération », synthétisait le président Dominique Vaizand. « Sans doute faudra-t-il aller au-delà de la restauration collective », semblait suggérer le vice-président du conseil régional Jacques Rebillard. D’autres produits hachés "Charolais de Bourgogne" semblent d’ores et déjà demandés par la clientèle. Pour le sénateur Jean-Paul Emorine, nul doute qu’il faut pérenniser l’opération en faisant valoir cet approvisionnement local, qui limite les impacts en termes de transport. Un effort d’organisation est également demandé de la part du transformateur, lequel aurait besoin que « chacun prenne davantage position sur les quantités ». Cette première est en tout cas très encourageante et prouve qu’avec un précieux coup de pouce des collectivités, il est possible d’ouvrir des débouchés de prime abord insoupçonnés.



Steak haché


Le tiers de la consommation de viande de bœuf


Dans l’abattage français, la part de la viande hachée représente 30 % des débouchés alors que la viande "carcasse et quartiers" n’en représente que 21 %. La restauration hors foyer, qui pèse près du quart du marché national, s’approvisionne à plus de 50 % en viande hachée ou élaborée. Près des trois quarts proviennent de réformes laitières et d'animaux d’importation. On assiste à un développement exponentiel du steak haché dans la consommation intérieure. Avec 430.000 tonnes équivalent carcasse, il représente presque le tiers de la consommation de bœuf en France. 330.000 tonnes de steak haché sont fabriquées chaque année. Les deux tiers sont commercialisés en surgelé. Il est à noter que près de la moitié des hachés surgelés consommés en France sont d’origine Union européenne. Ce "minerai" est importé puis transformé en France pour moitié par les fast-foods et en grande partie par des grossistes transformateurs, approvisionnant la restauration hors foyer et les rayons surgelés de la grande distribution.


Steak haché
Un produit stratégique pour la filière
Inventé dans les années soixante pour valoriser des avants, le steak est un « outil stratégique dans la gestion des carcasses » au niveau de l’abattage industriel. Il permet « techniquement d’équilibrer les débouchés » en absorbant si besoin des pièces d’arrière. Les abatteurs peuvent également « jouer » sur la complémentarité entre les races ou l’état des animaux pour ajuster la teneur de matière grasse du produit. En France, le steak haché est garanti 100 % muscle ce qui n’est pas le cas des autres provenances.

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