« Notre patrimoine est parti en une année »
Saône-et-Loire a été confrontée à des arrachages début 2013. Plus de 12
ha de vignes et des milliers de ceps. Fin 2013, la prospection ne
relevait “que” 0,60 ha condamné.
Un sentiment de rejet naît au départ. Les vignerons du secteur ne connaissent pas la maladie. Du coup, les collègues eux-mêmes « font des amalgames ». D'ailleurs, les réunions s’enchainent pour expliquer. Reste tout de même un sentiment de « se sentir seul dans notre désespoir ». La solidarité se met progressivement en place. « On ne pourra jamais assez remercier tous ceux qui nous ont aidés. Cela fait du bien moralement », en se relayant notamment pour arracher. « On n’avait pas le cœur. Ça nous rendait malade. J’en pleurais », reconnait encore tristement Catherine. Eric, lui, n’en dort toujours pas. Le travail sur l’exploitation s’en ressent. Les difficultés s’enchainent.
« On a essayé de sauver notre parcelle en remettant des greffes » mais en 2012, le comptage SRAL atteindra 33 %. Le couperet tombe. Au final, sur le reste du parcellaire, 2.500 pieds sont en plus à changer. Pour amortir les pertes de récoltes, la Safer propose alors 4 ha de vignes à Saint-Maurice-de-Satonnay, à 18 km du siège de l’exploitation. Plusieurs vignerons s’inscrivent. Le Domaine Giroud accepte ce fermage. Toujours « pour passer le cap », le domaine retrouve cinq autres hectares à travailler. Pour couvrir ces nouvelles charges de l’année, le couple contracte un prêt de 45.000 € pour ces neuf ha supplémentaires. « Ces décisions, prises en désespoir de cause, nous ont affaiblis », analyse après coup le couple. La climatologie n’a rien arrangé. La campagne 2012 est difficile. Les pertes de rendements font chuter d’un tiers la récolte (40 hl/ha) et les charges grimpent. 2013 est du même acabit. Ne réussissant pas à recruter un salarié, Eric se blesse au dos. « C’est une cascade de problèmes : pertes de clientèles, non revalorisation des bouteilles, retard des semis… tout s’enchaîne ».
Eric en garde encore « une révolte contre soi, j’ai une amertume du départ raté contre cette maladie sournoise. Quand on la voit, c’est déjà trop tard ». Il martèle le fait qu’il « ne faut pas baisser la garde », lui qui s’est pourtant engagé de longue date dans la lutte raisonnée. La prospection collective durant l’été 2013 démontre la prise de conscience du danger. La prospection 2014 s’annonce tout aussi importante…
Une exploitation a disparu en 2012
Une dizaine d’exploitations sont aujourd’hui fragilisées par ces arrachages. A Chardonnay, Nicolas Laugere, jeune coopérateur, avec son père, est le deuxième plus touché en Bourgogne. Son installation ne remonte qu’à 2006. Sur 28 ha, il a du arracher 1,60 ha. Au delà, 10.000 pieds en plus sont non recourus « par peur de faire un travail inutile ». A ce fléau, se rajoutent les 7.000 greffes annuelles recourues en raison de l’Esca, qui continue « d’exploser ». Lui aussi, perd 30 % et 22 % de ses récoltes 2012 et 2013. « C’est 10 % de l’exploitation qui disparaîssent. Nous avons deux permanents mais nous avons du embaucher pour faire face à ce travail supplémentaire ». Pour Nicolas, « c’est aussi la vie privée qui en pâtit, le moral aussi ». Les mêmes questions se reposent sans cesse : Pourquoi ? Comment ? Combien ? Une chose est sûre, Nicolas salue pour le soutien lors des prospections.
L’impact se fait ressentir au delà de la dizaine d’exploitations touchées. La cave de Lugny, principal metteur en marché au cœur du foyer, a vu « une exploitation entière disparaître en 2012 », confie Marc Sangoy, son président. Avec les pertes de récolte et ces fléaux, coopérateurs et coopératives « freinent les investissements mais il reste des incompressibles ».
La cave va proposer une aide à la trésorerie. Les prochaines indemnisations soulageront les trésoreries mais n’effaceront pas toutes les blessures.
Plan de lutte 2014 annoncé en avril
Jeudi dernier, la députée de Saône-et-Loire, Cécile Untermaier a répondu à la sollicitation du Domaine Giroud. L’élue est venue constater les dégâts liés aux maladies du bois et mieux comprendre les conséquences du « fléau » qu’est la flavescence dorée. L’occasion pour elle de rappeler la mise en œuvre d’un fonds de calamité « complémentaire » (85.000 €) - au soutien du BIVB (200.000 €) – attribuée depuis les arrachages. « Il y a encore beaucoup de difficultés et je suis là pour voir les dégâts en vue de préparer la réunion, en présence du préfet, qui se tiendra en avril ». C’est à cette période que sera certainement présenté le plan de lutte obligatoire contre la flavescence dorée en 2014.
La députée n’a cependant apporté aucune précision sur l’éventuelle mise en place pour cette maladie d’un Fonds de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE). L’an dernier, ce dernier – depuis lancé officiellement - l’avait pourtant conduit à rencontrer les services du ministère de l’Agriculture avec son collègue, Thomas Thévenoud et des vignerons. Jacques Marinier, maire de Plottes, se montrait positif en rappelant que par le passé, la Côte-d’Or avait réussi à « résorber » des foyers de flavescence, certes moins importants.
Paul Talmard, maire d'Uchizy, invitait la députée à ne pas oublier l’Esca : « on ne voit plus que des caches en plastique dans les vignes en ce moment ! ». Cécile Untermaier venait d’ailleurs de recevoir une réponse du ministère de l’Agriculture, suite à sa question écrite d’octobre 2013. Des projets de recherche sur les maladies du bois ont reçu des financements.