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Maladies du bois

On cherche mais on ne trouve pas !



Les essais menés n’ont pour l’heure pas permis de trouver de méthodes de
lutte curatives ou préventives satisfaisantes utilisant des produits
chimiques pour lutter contre l’Esca, parce que soit les produits testés
ne sont pas efficaces, soit leur mode d’application n’est pas réalisable
par le viticulteur.
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L’Esca et le BDA (black dead arm) sont le fruit d’un complexe de champignons déjà décrit à la fin du XXe siècle. Depuis une dizaine d’années, on observe dans le monde entier une augmentation des symptômes liés à ces champignons. Une absence de lutte efficace et probablement des facteurs environnementaux ne font qu’aggraver cette situation. Toutefois, certains vignobles jamais traités par l’arsénite de sodium, seul traitement ayant potentiellement une action contre le développement des maladies du bois, présentent aujourd’hui une recrudescence des symptômes liés à ces maladies. Il n’y a donc pas eu dans ce cas de pression de sélection expliquant l’absence de développement des symptômes malgré la présence des champignons. Pourquoi ces symptômes apparaissent aujourd’hui : changement de la conduite de la vigne, changement climatique, pathogènes non diagnostiqués ? L’impossibilité de reproduire des symptômes avec les champignons connus doit du point de vue phytopathologique ne pas faire écarter cette dernière hypothèse. Ainsi, malgré des connaissances sur les champignons associés à la maladie, les interactions hôte-pathogène et la symptomatologie, il manque encore beaucoup de notions sur les réelles causes du développement des symptômes. Sans la compréhension des différents stades de la maladie, il ne paraît pas envisageable pour l’instant de lutter d’une façon durable contre cette infection. Doit-on penser après la pyrale de la vigne en 1825, le début de la crise de l’oïdium en 1845, les premières descriptions du phylloxera en
1863 et la crise du mildiou en 1879 que les maladies dites du bois seront une future crise sanitaire majeure ?

Évaluation de produits chimiques et biologiques



À l’aube du XXe siècle, la lutte à l’égard de l’Esca a trouvé son originalité dans la découverte tout à fait fortuite de l’efficacité de l’arsénite de sodium. Ce produit était toxique vis-à-vis des champignons associés aux maladies du bois. Il était capable de tuer la plupart d’entre eux dans le xylème comme le montrent les travaux conduits sous l’égide de Philippe Larignon (IFV). Actuellement, ce produit est interdit dans tous les pays viticoles du fait de sa toxicité pour le viticulteur.
Suite à son retrait en novembre 2001, la recrudescence des problèmes de dépérissement (Esca, BDA) et l’apparition de ces problèmes sur des vignes de plus en plus jeunes ont contribué à la reprise des travaux pour trouver un substitut à l’arsénite de sodium. Les recherches menées par différents laboratoires dans le monde ont porté sur l’évaluation de l’efficacité de molécules chimiques et de produits biologiques aussi bien au laboratoire que dans le vignoble, et ce appliqués sous différentes formes (sécateur traitant, injection, protection des plaies par badigeonnage et par pulvérisation, pulvérisation sur toute la souche, peinture) et à différents stades de la culture de la vigne.
Dans le vignoble, l’évaluation de l’efficacité des matières actives et des produits biologiques appliqués –soit en curatif sur des vignes malades, soit en préventif dès l’implantation de la vigne– est basée sur l’observation des symptômes sur la partie herbacée. L’Atemicep (association de cyproconazole et de carbendazime) –d’abord agréée sur Eutypiose– fut retirée du marché du fait de sa phytotoxicité. En 1996 l’Escudo (association de flusilazole et de carbendazime) –homologué pour l’Esca puis retiré en 2007 pour toxicité– fut peu utilisé par les viticulteurs du fait de son fort coût de main-d’œuvre (application par badigeonnage).
Les recherches portent de plus en plus sur l’effet de micro-organismes utilisés en lutte biologique, notamment les Trichoderma. Ces champignons présentent une activité antagoniste et d’hyperparasitisme à l’égard d’un grand nombre de microrganismes, plus particulièrement ceux du sol et sont utilisés en lutte biologique à l’égard de diverses maladies sur différentes cultures. Leur apport dans le sol a été signalé comme bénéfique à la croissance des plantes. Ils peuvent jouer également un rôle dans l’élicitation (capacité à se défendre) des mécanismes de défense de la plante. Ils ont été signalés comme capables de protéger les plaies de taille à l’égard des champignons pathogènes provoquant des pourritures du bois, notamment chez le chêne et les arbres fruitiers. Chez la vigne, des chercheurs ont montré que l’application de Trichoderma sur les plaies de taille réduit fortement (85 %) la colonisation du bois par E. lata. D’autres équipes ont travaillé sur l’application d’une souche de T. harzianum sur les plaies de taille qui empêche le développement de P. chlamydospora. D’autres microrganismes ont été testés uniquement à l’égard de E. lata : Bacillus subtilis, Cladosporium herbarum, Fusarium lateritium en association ou non avec du bénomyl. Dans les conditions de la pratique, aucun essai n’a pu montrer l’efficacité de tels produits en protection des plaies de taille face à l’Esca ou au BDA.

Agir en pépinières



Des recherches sur les méthodes de lutte sont également menées au niveau de la production des plants en pépinières car les champignons pionniers de l’Esca et ceux associés au BDA se propagent par le matériel végétal. Les traitements –qu’ils soient biologiques, chimiques ou physiques– ont été testés à différentes étapes de l’élaboration des plants.
Parmi les traitements effectués sur le matériel de propagation, le traitement à l’eau chaude réduit l’incidence de P. chlamydospora lorsqu’il est effectué à une température de 50°C pendant 30 minutes. Fourié et Halleen montrent également que des bains de bénomyl, de captane ou de didecylméthylammonium chloride réduisent sa présence dans les tissus ligneux au niveau de la soudure et à la base du plant. L’utilisation d’autres substances actives comme l’eau de Javel, l’oxyquinoléine, des Trichoderma ne montre pas d’efficacité vis-à-vis des champignons associés aux maladies du bois. Des traitements sont également effectués sur les plants à la sortie de la pépinière. Le traitement à l’eau chaude effectué à une température de 50°C pendant 45 minutes montre une bonne efficacité vis-à-vis de P. Chlamydospora et de B. obtusa, mais il ne présente pas d’efficacité à l’égard de P. aleophilum et de N. parvum. La production de plants de bonne qualité sanitaire résultera de la conjugaison de diverses méthodes de lutte ou de l’utilisation de nouveaux procédés.
Une autre approche a été récemment abordée dont l’objectif est de produire des vignes plus résistantes par application de produits chimiques ou de produits biologiques en pépinières et/ou sur jeunes plantations.
Des chercheurs indiquent que les vignes présentant un meilleur système racinaire résisteraient mieux à des situations de stress et par conséquent seraient plus résistantes aux maladies liées aux stress.

Ce texte est extrait d’une communication de Philippe Larignon (IFV) à l’Académie des sciences.



Les pratiques culturales mises en cause



La recherche de méthodes culturales limitant l’incidence des maladies du bois a été peu développée. Certains systèmes de taille, notamment la taille guyot-poussard, semblent limiter l’Esca. Contrairement à l’eutypiose, la taille tardive ou la protection des plaies de taille par badigeons ne permet pas de limiter l’Esca ou le BDA. La restauration des souches par le recépage est efficace pour l’eutypiose mais aucune expérimentation n’a permis de montrer son efficacité vis-à-vis de l’esca et du BDA. Le rôle des sarments laissés au sol, qui peuvent héberger les sources d’inoculum des champignons associés aux maladies du bois, sur la propagation de ces maladies n’est pas connu. Le compostage des sarments permet cependant d’éradiquer les champignons associés aux maladies du bois.