Accès au contenu
Rencontre régionale ovine

Optimiser l'autonomie fourragère

La 8e édition des rencontres techniques régionales organisées par la
section ovine du Comité régional de l’élevage s’est tenue sur
l’exploitation de Fabrice Trottier, à Charbuy dans l’Yonne. L’accent a été  mis sur l’optimisation de l’autonomie fourragère.
Par Publié par Cédric Michelin
127425--1238_(89)_Rencontre_regionale_ovine_02.JPG
Installé en 2004 en double activité sur 75 ha de grandes cultures, c’est en 2006 que Fabrice Trottier saute le pas et se lance dans la production ovine, après avoir cessé son travail à l’extérieur. Avec pour projet de constituer une troupe de 320 brebis OIF en production d’agneaux de bergerie, de construire une bergerie et, dans un second temps, un hangar de stockage. Sept ans plus tard, l’exploitation s’étend sur 118 ha, dont près de 42 ha de prairie permanente, 4,6 ha de prairie temporaire autour de la bergerie, 6,3 ha de fourrage annuel et 65 ha de grandes cultures où l’on privilégie le non travail du sol et la technique bas volume. Avec des contraintes importantes, certaines parcelles étant éloignées des bâtiments ou situées en zone urbaine, sans possibilité de pâture.

A la recherche d’une autonomie fourragère et protéique


Le cheptel est conduit en race pure, composé de 340 brebis OIF Île de France et 108 agnelles. Toutes les luttes ont lieu au printemps, des béliers vasectomisés étant utilisés au printemps pour induire les chaleurs. Dès son installation, Fabrice a fait le choix de constituer un lot d’agnelages en août et septembre, pour vendre ses agneaux en fin d’années et profiter ainsi de la prime versée par sa coopérative, la Cialyn. Augmentant d’année en année (260 brebis luttées pour la campagne 2014), ce lot est constitué de femelles ayant agnelé à la même période l’année précédente (en novembre) et par les agnelles vides. Les agnelles de renouvellement étant conservées en priorité sur le lot, pour agneler en janvier à 16 mois.
Les besoins en fourrage sont élevés : en 2013, le troupeau a ainsi consommé plus de 185 tonnes de matière sèche de fourrages conservés, soit 422 kg par EMP. Le mode de récolte majoritaire étant l’enrubannage. Parallèlement, l’éleveur augmente au fil des années le niveau de complémentation en fin de gestation, constatant que nombre de brebis maigrissaient à l’approche de l’agnelage. En 2013, la consommation totale de concentré a atteint 263 kg par EMP, dont 143 kg de concentré pour les seules brebis et l’élevage des agnelles. La productivité de l’exploitation reste limitée, du fait de problèmes sanitaires récurrents (avortements, FCO, Schmallenberg) et d’un renouvellement élevé. Comparés à la moyenne des fermes du réseau "Céréales-Ovins" de l’Yonne et de Côte-d’Or (11,6 €/kgc), les résultats "Coûts de production" de l’exploitation sont légèrement supérieurs à 12,1 €/kg de carcasse. Des marges de progrès sont de ce fait recherchées, au travers d’une autonomie fourragère et protéique plus grande.

Des obligations d’intercultures


Dans cette optique, ont été implantées autour de l’exploitation des prairies multi-espèces, pour une production plus régulière au fil des saisons et une réduction d’engrais et de concentré azoté. Avec des fortunes diverses, suivant les semences utilisées, certaines ayant, comme le pâturin des prés une fâcheuse tendance à coloniser entièrement la prairie en quelques années. Autre variété à éviter, provoquant le même envahissement : le dactyle.
Installé en zone vulnérable, Fabrice Trottier a obligation d’implanter des couverts avant toute culture de printemps. L’occasion, après avoir semé des dérobées, de constituer à la fois des stocks et prolonger le pâturage en automne. Des essais d’implantation de moha trèfle d’Alexandrie et de sorgho fourrager ont ainsi été menés en intercultures, entre l’escourgeon et le tournesol. Mais sensibles au froid et en concurrence avec la repousse d’escourgeon, ces deux plantes n’ont que rarement dépassé un rendement d’une tonne de matière sèche/ha. Résultats satisfaisants en revanche sur les parcelles semées avec un mélange composé de pois fourrager, vesce, colza fourrager et trèfle d’Alexandrie.
Outre une visite explicative dans ces parcelles, les participants, au nombre desquels de nombreux jeunes de l’enseignement agricole, ont pu assister à différents ateliers, sur des thèmes divers comme : la conduite de la reproduction avec utilisation de mélovine et béliers vasectomisés, l’élevage des agnelles de renouvellement, les traitements parasitaires et leurs limites…


Des atouts réels



Producteur ovin en Côte-d’Or, Thierry Besançon préside la Commission régionale élevage ovin (Corel) au sein de la chambre régionale d’agriculture. Rencontre.
Quels sont les objectifs du Corel ovin ?
Thierry Besançon : avant tout, maintenir la filière ovine dans son territoire et la développer, pour qu’au final il y ait de la marge dans les ateliers bourguignons. Le cheptel régional compte environ 150.000 brebis contre 200.000 il y a encore quelques années. Le soutien à la filière apporté suite au bilan de la Pac 2010 a stabilisé l’hémorragie même si aujourd’hui, les petits troupeaux ont tendance à disparaître, au bénéfice des exploitations de taille moyenne. Mais pour que tout cela soit durable et faire en sorte que les producteurs restent sur leur territoire et qu’ils aient leur place sur les marchés européens et mondiaux, il nous faut avant tout une Pac forte.
Que représente une exploitation comme celle de Fabrice Trottier ?
Th. B. : en ovin comme ailleurs, on peut gagner sa vie. Il faut aimer cela et être fait pour, c’est vrai. L’exemple type avec Fabrice Trottier, qui nous accueille aujourd’hui et qui a su techniquement optimiser son exploitation avec les cultures dérobées, travaillant notamment à améliorer son autonomie fourragère, tout en réussissant à nourrir son troupeau pour moins cher. Autre point positif : le fait d’avoir investi dans un bâtiment économique et bien dimensionné, comme l’est cette bergerie "IntraBois". Il est important, tout en s’équipant correctement, de bien s’adapter à son territoire.
Quelles sont les difficultés rencontrées par la filière aujourd’hui ?
Th. B. : même si nous sommes sur des bases en terme de marché, plus fortes que l’an passé, la quantité produite baisse, au même rythme d’ailleurs que la consommation, ce qui a pour effet de tenir les marchés. Mais il faut veiller à ce que la viande ovine soit toujours bien en place dans les rayons des supermarchés, au risque pour le consommateur, de s’habituer à son absence et d’en consommer de moins en moins. D’où l’importance de bien valoriser les signes de qualité, avec des cahiers des charges certes, parfois contraignants, mais qui répondent à l’attente sociétale.
Et ses atouts ?
Th. B. : l’interprofession a lancé il y a quelques années le concept de découpe « Agneau presto », bien en phase avec les nouvelles habitudes culinaires. Cela aurait été un sacrilège avant, de découper ainsi un gigot. Aujourd’hui, il faut s’adapter. C’est un superbe concept et la grande distribution s’y intéresse désormais. Reste à former les bouchers pour leur apprendre cette nouvelle découpe. Une journée "Agneau Presto" aura d’ailleurs lieu dans le cadre de la prochaine foire gastronomique de Dijon, financée par l’Interprofession.



1238 (89)_Rencontre régionale ovine_01
Le président du Corel, section ovins de la Chambre régionale d’agriculture, Thierry Besançon et Fabrice Trottier, éleveur ovins à Charbuy, dans l’Yonne (de gauche à droite)

1238 (89)_Rencontre régionale ovine_02
Visite commentée des prairies implantées autour de la bergerie

1238 (89)_Rencontre régionale ovine_03
Parmi les visiteurs, de nombreux jeunes de MFR et d’établissements d’enseignement agricole

1238 (89)_Rencontre régionale ovine_04
Un troupeau composé de 340 brebis OIF Ile de France et 108 agnelles