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Réforme de l’agrément

Où en est-on ?

Lors de son assemblée générale, l’Union des producteurs de vins mâcon (UPVM), organisait un débat sur la mise en place de la réforme de l’agrément. À cette occasion, Gérard Boesch a d’abord replacé dans son contexte la réforme nationale avant d’aborder sa déclinaison en Alsace. Bruno Verret a ensuite fait un état des lieux des premiers enseignements et réflexions en cours en Bourgogne.
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Le 8 avril dernier à Bussières, à l’occasion de son assemblée générale, l’UPVM et son président Jean-Michel 
Aubinel ont voulu faire un état des lieux de la mise en place de la réforme de l’agrément des vins en Bourgogne. Pour ce faire, et comparer avec une région viticole voisine, ils ont invité Gérard Boesch, président de l’association des viticulteurs alsaciens, et surtout vice-président de l’INAO et de la Cnaoc, en charge de ces questions.
La réorganisation du contrôle a été obligatoire en France le 1er juillet 2008. Après deux années quasiment de fonctionnement, Gérard Boesch livrait un début d’analyse avec un œil à la fois national et alsacien. « Depuis les premiers agréments en 1974, et différentes versions, l’état des lieux de 2004 a révélé que le système ne satisfaisait pas les consommateurs, les médias, les prescripteurs, les administrations de tutelles et même les professionnels de la filière... De plus, en vins, malgré un système de contrôles lourds, certains passaient à travers les mailles du filet. En parallèle, d’autres systèmes (poulet de Bresse, comté par exemple...) ne laissaient même pas ce pouvoir de contrôle aux administrations ». Le constat est alors dur : trop de papiers et trop peu de réactivité. Autre effet, « cela donnait du “confort” à certains metteurs en marché qui achetaient du papier, leur permettant de vendre un certain volume, en passant parfois à côté des objectifs qualitatifs recherchés ».
Pour changer cette réalité, un système d’avis fut mis en œuvre avec des contrôles inopinés mais, « pas uniquement au stade de la production ». Ce système avait des avantages (possibilité de correction du vrac) et des inconvénients (longs contrôles avant d’embouteiller).

Une AOC est une promesse qualitative


Aujourd’hui, la réforme des contrôles de produits se veut moins contraignante que par le passé pour les opérateurs « qui n’ont pas de petits soucis » et surtout elle donne « un sens vis-à-vis du consommateur ». En effet, le consommateur achète une AOC –soit une marque collective– car c’est « une promesse qualitative ». Ces contrôles sont donc là pour rassurer « celui qui finance toute la filière: le consommateur final », rappelait-il. Pour arriver à ce résultat, « le contrôle qualité doit donc se faire après l’embouteillage sur le produit tel qu’il est mis en marché ».
Instaurant trois niveaux de contrôle (autocontrôle par l’exploitant, contrôle interne par l’ODG et contrôle externe par un organisme d’inspection ou organisme certificateur), pour lui, « un produit et un opérateur qui sont contrôlés et consacrés, par leurs pairs, sont un signe fort pour les consommateurs », parlant du contrôle interne. Cela donne aussi au syndicat de l’appellation « une vision et un état des lieux sur l’appellation quant à ses évolutions », permettant derrière des conseils aux viticulteurs.

Le contrôle interne indépendant ?


Enchaînant sur le contrôle interne, « le plus discuté », il se demandait si ce dernier est vraiment indépendant. Évidemment que non, « on ne demande pas à un boulanger de contrôler une voiture » et « un douanier ne pèse pas un camion vide ». Des orientations sont faites en amont. Derrière ces métaphores, l’objectif des professionnels effectuant le contrôle interne est « de cibler les contrôles et porter les moyens sur les risques », rappelait le professionnel. L’indépendance n’est donc pas dans l’orientation du contrôle externe mais bel et bien dans son efficacité.
Régies par deux normes (NF EN 45011 pour la certification et ISO/CEI 17020 pour l’inspection), inspection et certification sont possibles. Un organisme certificateur (comme ceux qui gèrent l’Iso ou le bio) « n’a pas été plébiscité » en Alsace car « nous voulions que les producteurs s’investissent ».
L’Alsace a donc privilégié un organisme d’inspection. La principale différence tient à la sanction. Entrant dans les détails, il précisait que l’organisme certificateur écrit le plan de contrôle comme l’organisme d’inspection en accord avec l’ODG. Par ailleurs, il n’y a pas possibilité de choisir son organisme certificateur comme son organisme d’inspection individuellement. « C’est l’ODG qui choisit et qui a la main » donc. L’organisme certificateur qui constate des manquements prononce également des sanctions après étude de son comité interne. Depuis deux ans, peu d’habilitations ont été retirées mais les Alsaciens constatent des facturations de contrôles supplémentaires.
En ce qui concerne l’organisme d’inspection, son travail s’arrête justement à l’inspection : le constat des manquements. Cela aboutit à un rapport transmis à l’INAO, qui ensuite prononce la sanction le cas échéant (cas actuel d’Icone Bourgogne).

Des filtres nécessaires pour l’équité


« Ces filtres (INAO, Comité vin, ODG...) sont nécessaires pour être équitables et ne pas être exposés aux influences de l’argent et des personnes », insiste Gérard Boesch.
En pratique, une concertation entre ODG et organisme d’inspection est même prévue auparavant pour que « les mêmes vignes ne soient pas contrôlées en interne et en externe, ce qui n’aurait pas de sens ». Un audit individuel d’exploitation est réalisé en cas de contrôle produit défaillant. 
L’Alsace, avec 16.500 ha et 1,15 million d’hl de vins produits annuellement, compte 5.000 déclarants de récolte. Au départ, 16.000 échantillons dégustés ont même mobilisé 1.500 dégustateurs. « C’était une usine à gaz pour un résultat plus que moyen », reconnaît Gérard Boesch. Aujourd’hui, 2.200 échantillons sont contrôlés, moitié en interne, moitié en externe. « C’est encore considérable. C’est du travail d’abattage » risquant de provoquer une démobilisation des viticulteurs alsaciens.

Passer à travers les mailles des contrôles


Pour contrer ce phénomène, pas si éloigné du cas de la Bourgogne, l’évolution souhaitée par l’Alsace est de « déguster moins » tout en « étant plus efficace ». Pour y arriver, Gérard Boesch veut « cibler davantage les opérateurs peu scrupuleux ». Bien que sa “hantise” « soit qu’un lot défectueux passe à travers le maillage des contrôles, il est persuadé que ça ne peut durer très longtemps. Les viticulteurs peu rigoureux seront vite repérés. À vrai dire, il faut même accepter de louper un opérateur peu scrupuleux une année ou deux ». Pourquoi ? Car derrière « on finira par l’avoir » et là, les sanctions sont fortes, voire même dissuasives. Décrit comme une “bombe atomique” sévère pour l’opérateur, l’Alsacien sait qu’il faudra « du courage pour aller jusqu’au bout, en retirant l’habilitation ». Une habilitation provisoire pourrait être alors octroyée, à condition qu’un suivi et des mesures correctives soient mis en œuvre (laboratoire, œnologues, techniciens...).
« Il faudra que les producteurs s’investissent vraiment » et « il faudra avoir le cran de dire à son voisin, son ami que son vin n’est pas bien, que sa technique n’est pas bonne... ». Un moyen de « donner du sens à ce contrôle et de se battre contre l’administration qui nous empêche parfois d’être efficace ». 
Cédric Michelin