Accès au contenu
Célibat en agriculture

Pas plus qu’ailleurs

Homme ou femme, le célibataire a le plus souvent le statut de cadre. Pas
d’agriculteur. Mise au point dans un contexte d’expansion du célibat en
France et dans le monde. Mais il n’y a pas plus de célibataires en
agriculture qu’ailleurs.
Par Publié par Cédric Michelin
127137--Lamour-est-dans-le-pre-urban-playgirl.jpg
Le célibat progresse. Selon les derniers chiffres d’Euromonitor International, 200 millions de personnes vivent seules aujourd’hui dans le monde. Soit, une augmentation de 33% des célibataires en 20 ans. Et l’Hexagone n’échappe pas à la tendance puisqu’un Français sur sept vit aujourd’hui seul contre 1 sur 17 en 1962. La France compte ainsi 9,2 millions de célibataires – dont 5,4 millions de femmes et 3,8 millions d’hommes. C’est une « expérience sociale inédite », décrit Erik Klinenberg, sociologue à l’université de New York, dans son dernier essai sur le célibat en expansion (Going Solo). Le phénomène est tel que le mariage est aujourd’hui davantage considéré comme un risque que comme une chance. C’est la fin des « vieux garçons » et des « vieilles filles » et l’apologie de l’autonomie, commente le sociologue.
Seulement, difficile d’évaluer, à l’aune de ces statistiques, la nuance entre solitude volontaire et isolement subi : à Paris, plus de la moitié des individus sont célibataires. En Lozère, un tiers des foyers. De là à pointer, encore une fois, l’agriculture comme un vivier de solitaires, le pas est allègrement fait. Et pourtant, il s’agit bien d’un faux pas : il n’existe, en effet, pas plus de célibataires en agriculture que dans les autres catégories socioprofessionnelles. Selon l’Insee, 3% des agricultrices sont célibataires, 11% des ouvrières, 18% des femmes cadres. Du côté des hommes, même constat : 10% des agriculteurs sont célibataires, 11% des ouvriers et 14% des cadres.


L’union libre montante



Pourtant, le mythe de l’agriculteur célibataire est répété à l’envi. C’est qu’il symbolise l’isolement dans son extrême. Un caractère accentué par la décohabitation des générations et l’agrandissement des exploitations. Etre célibataire en milieu rural n’est pas synonyme de solitude rêvée. L’isolement relationnel est même reconnu comme l’un des principaux facteurs de stress chez les agriculteurs, après le revenu. C’est un mal à prendre au sérieux par la profession. Reste que le célibat n’est pas le propre de l’agriculteur qui, certes, se marie moins, mais parce qu’il choisit, comme le reste de la société, de vivre de plus en plus librement en couple, indique la sociologue Céline Bessière dans une enquête sur les exploitations viticoles. Par ailleurs, si le nombre de célibataires a augmenté depuis le début du XXe siècle, du fait de l’exode rural qui a prioritairement touché les filles d’origine agricole ou non – entraînant une surreprésentation des hommes en milieu rural, selon les deux auteurs François Fachini et Raul Magni Berton dans Politiques publiques d’installation et célibat des agriculteurs paru en 2010 –, la tendance s’infléchit. La population rurale augmente à nouveau, en particulier dans l’Ouest et le Sud de la France, rapporte l’Insee. Près de 39% des citadins disent vouloir s’installer à la campagne. Et ce sont les jeunes, les moins de 34 ans, les plus enclins à ce départ. Des perspectives positives donc, mais un effort reste à faire pour les agriculteurs soucieux de partager rapidement leur solitude : le sociologue Christophe Giraud souligne en effet dans son travail sur « Le célibat en agriculture : unité et diversité », mené en 2012, que la majorité des agriculteurs célibataires ont la particularité de vivre sous le même toit que leurs parents.