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Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB)

Passation de pouvoirs

Mardi à Beaune, l’assemblée générale de l’Interprofession des vins de
Bourgogne avait un goût particulier puisqu’il s’agissait de la dernière
pour Michel Baldassini et Pierre-Henri Gagey, respectivement présidents
de la famille viticulture et négoce. Le vigneron de Ladoix, Claude
Chevalier, préside désormais pour deux ans avant d’alterner avec
Louis-Fabrice Latour, élus. Si les marchés bourguignons continuent de
battre des records, les pertes de récolte successives entraînent
paradoxalement une situation de crise, inédite du fait de l’absence de
stock.
Par Publié par Cédric Michelin
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Le président du conseil régional, François Patriat, le rappelait d’emblée : « comment avec des petits volumes garder nos parts de marché ? ». La question vaut surtout pour 2014 et 2015. En effet, le président délégué, Michel Baldassini, faisait un point sur la situation économique sur les huit premiers mois de l’exercice 2013. Les marchés export « progressent » tant en volume de vins tranquilles (+3,2 %) qu’en valeur (+2,8 %). Les crémants Bourgogne font encore mieux (+9,5 % ; +17 %). Une situation « très positive » comparée aux autres AOC françaises et pays producteurs. Sur le marché français, la Bourgogne se « comporte bien » en hyper et supermarché (+1,6 % ; +2,6 %) même si le crémant enregistre une « légère baisse due à une offre insuffisante » (-4,4 % ; +0,4 %). « Plus inquiétant », la récolte 2013 a été revue à la baisse et s’achemine plutôt « vers 1,25 millions d’hl » en étant « optimiste ». Du coup, les disponibles et les stocks à la propriété chutent, respectivement de -10 % et - 16 %, entrainant à nouveau mécaniquement une baisse des sorties (-15 % sur les deux mois de campagne par rapport à la moyenne 2008-2012).

Montée en gamme des régionales blanches


Dans le détail, à l’export, le précédent record de 2007 va être battu (en volume et valeur) « tiré par les Etats-Unis, moins par les Anglais ou le Japon ». La grande distribution a écoulé 30,4 millions de cols (206 millions €) mieux valorisés (7 €/col ; +2,6 %). Par groupes d’appellations, les volumes des villages rouges « baissent » mais les « prix sont confortés » sur les appellations régionales (mâcon, chablis). Le crémant « reste en légère progression » (+0,5 %).
Avec des marchés porteurs, sans stocks, sur quatre mois de campagne, les transactions vrac explosent : +63 % par rapport à la campagne 2012 (+44 % moyenne cinq ans). « Les vins du Mâconnais sont en train de connaître un rattrapage après les hausses plus modérées de l’an dernier, avec tous les risques que cela comporte », mettait-il néanmoins en garde.

Rapprochement avec le Beaujolais


Présentés par les familles respectives, CAVB et FNEB, les candidats aux postes de “co-présidents”, Claude Chevalier et Louis-Fabrice Latour, prenaient alors la parole avant le renouvellement des membres. Le vigneron de Ladoix se présentait comme ne voulant « pas être un président normal » mais voulant une « Bourgogne forte avec une viticulture face ou plutôt avec un négoce fort ». Un discours qui a encore des accents syndicaux, pour celui qui fut à l’origine de la création de la CAVB et premier président. Trente sept années après son père, Louis-Fabrice Latour accède aussi à la présidence de l’Interprofession. « Nous ne sommes pas des révolutionnaires mais des défis nous attendent avec moins de marges de manœuvre suite à l’accumulation de petites récoltes. Il faudra définir des priorités. Le rapprochement avec le Beaujolais sera peut-être un des événements marquants de notre mandature », annonçait-il déjà.

Deux préfets de Région acheteurs


Le préfet de Région, Pascal Mailhos, concluait les débats en évoquant une anecdote symbolique : « le prix est un élément favorable pour tirer tout le vignoble de Bourgogne. Mais c’est aussi un facteur défavorable. J’ai demandé aux autres préfets de Régions de toute la France : seul deux - dont votre serviteur – commandent des vins de Bourgogne ». Gare donc à ne pas avoir un positionnement et une image qui « à un moment peuvent desservir ».




Une interprofession « forte et moderne »


Après huit ans de présidence alternée, Michel Baldassini et Pierre-Henri Gagey faisaient un bilan de leur mandature. Ils remerciaient les « collectifs » (équipe, comité permanent, commissions…) d’hommes et de femmes.
Le dirigeant de la Maison Jadot citait son père : « tu peux prendre tous les mandats sauf la présidence de l’interprofession ; c’est trop de travail pour être conciliable avec la gestion d’une entreprise ». C’est ainsi que la co-présidence et l’alternance ont été instaurées pour donner également « une image d’unité essentielle » à l'extérieur entre les deux familles. Pierre-Henri Gagey le reconnaissait : « ce fut facile de travailler avec Michel Baldassini qui a beaucoup plus travaillé que moi et fait un travail énorme dont vous ne vous rendez pas compte », en guise de compliment au viticulteur de Cruzille. L’ancien président de la cave de Lugny saluait alors André Ségala, le directeur, véritable « guide » pour tous. Elu à la présidence du BIVB en 2003, Michel Baldassini évoquait les grandes périodes : 2005-07 relance de l’exportation ; 2008-10 crise internationale ; 2011-13 nouvelle relance des ventes. Michel Baldassini quitte une interprofession « forte, moderne, en recherche permanente d’innovations (Climats Unesco, Cité des vins, Plan Amplitudes 2015…) et d’actions (Grands jours de Bourgogne, trois Pôles, développement durable…) pour défendre les intérêts » de la filière vin.





Une baisse de budget de près d’un million d’€


Le trésorier du BIVB, l’Ycaunais, Christophe Ferrari, présentait les comptes. Si pour l’heure, les recettes ont été « supérieures » aux prévisions de sorties propriété – base de la cotisation – « l’année prochaine, les recettes seront vraiment en baisse avec les petites récoltes 2012 et 2013 ». Du coup, l’assemblée a voté des modifications budgétaires par rapport au budget initial. « Il est plus sage de baisser nos prévisions de sorties propriété. J’espère que cela suffira. Cela entraînera une baisse de budget de 960.000 € ». Soit presque 10 % du budget actuel tout de même.






Des mutants naturels ou sélectionnés ?


Botaniste et généticien, José Vouillamoz présentait « sa bible » (Wine Grapes) sur l’origine des cépages dans le monde. Ce docteur suisse a recensé avec ses collègues 42 pays possédant des cépages uniques (indigènes). La France est deuxième en terme de diversité, avec 204 cépages permettant de faire du vin, derrière l’Italie (377). Le botaniste a reconstitué ainsi 14 arbres généalogiques avec 156 cépages d’Europe occidental, schématisant les liens parents-enfants. Repartant de la définition d’un cépage, « une mutation qui a un impact visuel, appelé alors clone », les cépages fondateurs sont le gouais, le savagnin et le pinot.
Mais pour ce dernier, il « n’y a pas de famille. C’est un seul cépage mais tellement vieux qu’il a accumulé un grand nombre de mutations et produit une diversité de clones au fil des siècles ». La plus grande diversité se trouve dans le nord-est de la France. Les clones se disent d’ailleurs "de Dijon" aux Etats-Unis. Le terme a été arrêté en 1896 lors d’un congrès à Chalon-sur-Saône. Le pineau étant conservé pour d’autres appellations.
Le chardonnay provient bien du Mâconnais et l’aligoté est originaire de la vallée de la Saône. « Au final, pinot et gouais se sont croisés 16 fois pour donner le chardonnay, le gamay, l’aligoté, le melon… tous frères et sœurs ». Le gouais blanc se retrouve dans toute l’Europe occidentale et a eu une « grande progéniture » avec 80 “enfants” (riesling, furmint pour les tokaji…). « Finalement, le cabernet sauvignon n’est que l’arrière petit-fils du pinot » glissait le chercheur, qui connaît bien la rivalité confraternelle de notre région avec le Bordelais.

Sauver les cépages rares en les buvant


Moins réjouissant, il présentait les résultats d’une étude « alarmiste » prédisant que d’ici 2050, la carte des vignobles serait profondément modifiée par le réchauffement climatique en cours. « La Bourgogne serait plus ou moins épargnée mais avec des dégâts ». Il invitait à rechercher quel est l’optimum de nos cépages pour une « adaptation clone/porte-greffe/terroir » avec notamment « des portes-greffes à cycle long ».
Outrage ou courage, le Suisse expliquait avec neutralité la possibilité technique (biotechnologies) d’adapter les cépages par le biais d’obtention d’OGM « de façon très contrôlée ». Même si les scientifiques sont unanimes pour reconnaître que des mutations se font naturellement de tous temps, « la France n’est pas prête émotionnellement à les accepter ».
Ouvert à toutes les idées, il conseillait également de ne pas négliger les cépages « rares et oubliés », source de biodiversité et donc de gènes pour lutter contre les problèmes à venir. « Pour les sauver, la meilleure solution est de les boire ! », donc à cultiver…


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