Accès au contenu
Xavier Abord à Tavernay

Perspectives retrouvées dans le bio 

Le 23 mars dernier, la chambre d’agriculture faisait découvrir l’exploitation laitière bio de Xavier Abord à Tavernay tout près d’Autun. Echaudé par les aléas de conjoncture des années 2000, cet éleveur a choisi de convertir son exploitation au système biologique dès 2009. Rencontre.
123531--XAbord.JPG
Xavier Abord est l’un des rares éleveurs laitiers de l’Autunois-Morvan. Sur 76 hectares sableux et souvent séchants, il conduit aujourd’hui un troupeau d’une cinquantaine de montbéliardes pour un quota de 330.000 litres de lait. Xavier s’est installé en 1988 sur l’exploitation familiale. Jusqu’à son arrivée, des vaches allaitantes étaient encore présentes aux côtés de quelques laitières, mais Xavier a fait le choix de spécialiser la ferme dans la production laitière qui lui était chère. En 1988, le quota était porté à 230.000 litres.
« De 1980 à 2000, le lait n’allait pas trop mal », se souvient Xavier. Durant ces années-là, l’élevage a vécu du système conventionnel, remplissant son quota avec des vaches dépassant les 7.500 litres de lait. « C’est à partir de 2000 qu’on a commencé à se poser des questions », se souvient Xavier. Entre 2000 et 2008, le revenu de l’exploitation a baissé. Pour l’éleveur, la production laitière représentait tout de même beaucoup de travail pour peu de revenu au final.
Le questionnement a été mis entre parenthèse en 2008 lorsque les prix se sont envolés en seulement six mois de temps. Une euphorie soudaine qui a poussé à racheter du quota et à réinvestir… A cette époque, tout le monde - éleveurs et techniciens - y croyait ! Sauf que les prix ont redégringolé l’année d’après, chutant de 400 à 220 € les 1.000 litres de lait… « 2009 a été dramatique au niveau financier ! Aucun revenu, obligé de faire des prêts à courts termes… Cela devenait invivable ! », confie Xavier.

Moins dépendant du système…


Cet épisode difficile a été un véritable électrochoc pour l’éleveur morvandiau. Sentiment d’ailleurs partagé par son épouse qui l’a beaucoup encouragé dans la remise en cause de son système. « Dans ma tête, je convertissais toujours chaque poste de charge en tonnes de lait. C’est ce qui m’a tout de suite convaincu de l’intérêt de rechercher l’autonomie. Le but, c’était de ne plus avoir à dépendre d’un système qu’on ne peut pas gérer avec des prix des matières premières trop instables. Je m’étais déjà intéressé au bio au moment de m’installer. Mais à l’époque, on manquait de conseil et il n’y avait pas de collecte. En 2009, le marché bio commençait à devenir porteur dans le lait. J’ai fait la connaissance du Sedarb qui m’a fait rencontrer des élevages bio. Puis j’ai décidé de me reconvertir du jour au lendemain ! », raconte Xavier.
Pour la collecte, « dès qu’il y a eu un éleveur bio dans le secteur, les choses se sont mises en place », résume l’éleveur. En fait, c’est sa propre coopérative de collecte, la Coopérative laitière de Bourgogne, qui s’est mise à collecter pour le compte d’une coopérative nationale spécialisée Biolait.

Moins de lait, plus de revenu !


Le basculement de Xavier dans un processus de conversion a été quelque chose de radical. « J’ai choisi d’abandonner le système conventionnel maïs/soja pour privilégier l’autonomie alimentaire de mon exploitation ». La moyenne de production par vache est passée de plus de 7.000 à 5.500 litres, mais le revenu de l’exploitation s’est nettement amélioré : « il me reste enfin quelque chose chaque mois ! », résume l’éleveur (1). Selon ses calculs, l’abandon du maïs et des tourteaux générerait une économie de charge d’environ 28.000 € par an. C’est approximativement l’équivalent de 2.000 litres de lait produit par vache qui « étaient bouffés par le poste maïs/soja ! ».

Abandon du maïs


Désormais, c’est l’herbe qui remplace le maïs dans la ration des laitières. Sur mai-juin, le pâturage couvre même 100 % des besoins. Ensuite, les laitières sont affouragées en vert pour compléter le pâturage qui décline. Au printemps le pâturage tournant est géré « en fonction du lait dans le tank », indique l’éleveur. Ensilage et foin assurent les stocks. Les prairies temporaires (luzerne/trèfle et mélange "maison" multi espèces) fournissent l’ensilage ainsi que trois ou quatre récoltes pour l’affouragement en vert. Chez Xavier, la consommation moyenne de concentrés par vache est basse : 163 grammes par kilo de lait contre 190 g habituellement. Le tourteau n’est distribué que de novembre à mars et les céréales sont complètement arrêtées en mai et juin.

Céréales et pois auto produits


Toujours dans un souci d’autonomie, Xavier cultive ses propres céréales bio (triticale + pois). Comme les surfaces en herbe, les cultures bénéficient d’un chaulage et d’un apport de compost. A défaut de pouvoir utiliser des produits chimiques, Xavier s’est équipé d’une herse étrille pour désherber ses cultures. Un premier passage se fait « à l’aveugle » dans les semaines qui suivent le semis. En 2011, trois passages de herse étrille ont été nécessaires. Pour être efficace, il faut des conditions météo très sèches. Les céréales semblent mieux supporter l’intervention des dents "étrilles" que le pois. A noter que la herse étrille n’est pas efficace contre les chardons ou les rumex, du fait du pivot qui complique la destruction.
En système bio, mieux vaut privilégier les semences fermières. Il faut en effet compter 480 €/tonne de semences certifiées bio !
Dans son parcours de reconversion, Xavier regrette de ne pas avoir été plus encouragé par son environnement technico-économique. « La plupart de nos organismes sont encore de l’école qu’il faut produire, faire son quota », déplore l’éleveur. Une réticence qui, si elle pouvait jadis se justifier par l’absence de débouchés, génère cependant une étrange lourdeur pour ceux qui, comme Xavier, osent sortir des sentiers battus. Pourtant, « par la force des choses, le bio, on va devoir y aller », estime l’éleveur. Un choix qui s’accorde avec la dimension humaine de l’exploitation de Xavier et qui s’inscrit aussi dans son aspiration à « produire un produit sain ».

(1) A titre d’exemple, en décembre 2011, quand le lait conventionnel était payé 302 €, le lait bio atteignait quant à lui 430 €.



Images