Petite récolte, grosse hausse ?
point sur le millésime 2012. Le BIVB annonce la plus petite récolte
depuis une décennie. Avec des stocks d’à peine 11 mois d’avance, les
ventes en vrac s’accélèrent et les cours grimpent. En vins de base
Crémant notamment (+13 % de sorties). Malgré des résultats économiques
encourageants en 2011 et début 2012, les négociants veulent rester « sereins » du fait du manque de visibilité, en Europe principalement.
Une situation économique qui contraste avec celle de la Bourgogne. « Les affaires sont plutôt bonnes », se réjouissait Pierre-Henri Gagey, président du BIVB. Toujours équilibré entre marché national et export, les ventes progressent. En France, restaurations et magasins augmentent (+3 % en volume ; +6 % en valeur). En grande distribution, le prix moyen s’élève à 6,6 € par bouteille, « soit le vignoble le mieux valorisé en vins AOC, hors effervescents ». Bémol cependant pour le directeur du Pôle Marché, Philippe Longepierre, qui révélait que les « foires aux vins n’ont pas la même dynamique cette année », et cela selon l'avis des responsables de rayons.
A l’export, les chiffres sont encore meilleurs : +5 % en volume et +15 % en chiffre d’affaires. Un retour « aux meilleurs chiffres de 2007 et 2008 », s’enthousiasmait le négociant beaunois. Ainsi, les Etats-Unis d’Amérique reviennent en tête des marchés en valeur (+15 % en volume ; +14 % en valeur). L’Angleterre « se reconstruit avec des vins premium » (+21 % en valeur), tels les Chablis. Une bonne nouvelle aussi pour les appellations mâconnaises blanches dans leurs sillages.
Le Japon continue de montrer sa fidélité à notre région (+27 % en volume ; +34 % en valeur). Hong-Kong (+19 % ; +42 %) est le 6e marché mais devient 4e dès lors que l'on incorpore la Chine. L’interprofession croit tellement en ces marchés d’avenir qu'elle a embauché un VIE –un volontaire international en entreprise basé à Shanghai– pour « mieux comprendre le marché chinois ».
Vers une pénurie ?
Malgré tout, le dirigeant de la Maison Jadot, appelait à rester « serein ». L’Europe régresse. La Belgique (-2 % vol ; -5 % val) comme l’Allemagne (-2 % ; +14 %) montrent des signes de ralentissement depuis 2011, ainsi que les Pays-Bas (-18 % ; -8 %).
De plus, il ne faudrait pas perdre des marchés, faute de vins pour nos clients. Les sorties Propriétés ont atteint 1,51 million d'hectolitres (Mhl) alors que la récolte de l’an dernier avoisinait les 1,55 Mhl. La situation au 31 juillet faisait état de « faibles » stocks chez les viticulteurs, équivalent à seulement 11 mois de ventes de vins (1,35 Mhl hors récolte en cours). « Si la Bourgogne tombe à 1,2 million d’hl pour le millésime 2012, le commerce va baisser car nous n'aurons rien de plus à vendre ». L’incertitude repose donc du côté des stocks des Maisons de négoce. Une chose est sûre, la « tendance sera faite avant la vente des Hospices de Beaune » puisque les cours ont déjà augmenté. La pièce de Bourgogne se vend 700 € contre 540 à pareille époque l’an dernier. En Beaujolais, les raisins se vendent 40 % plus cher et les négociants achètent des primeurs pour espérer en garder…
Focus sur les sujets d’actualité
Les "clos" et "châteaux" américains ont précipité la Bourgogne à signer une "Declaration to protect wine place and origin". Ainsi, les Etats-Unis s’engagent à protéger les noms géographiques, qui étaient prioritaires. Car les mentions "traditionnelles" vont être difficiles à protéger devant l’OMC. « La crainte est la banalisation à terme de ces mots porteurs de valeurs sentimentales ». Difficile cependant de se « fâcher » avec notre premier client en valeur. Toujours autour des châteaux, l’affaire médiatisée de la vente du château de Gevrey-Chambertin était « nuancée », mais permettait de remettre en avant les questions sur la valeur vénale des terres ainsi que les droits de succession. Un dossier capital que va aborder le BIVB dans le cadre de la transmission familiale. Un groupe s’est mis en place avec la Safer Bourgogne Franche-Comté « pour trouver des solutions intelligentes ».
Autre source d'inquiétude, en terme de régulation de l’offre, les deux familles du BIVB se disent « favorables à un encadrement des droits de plantation », sans toutefois se mettre d'accord par qui... Il faut dire que les limites entre propriétaires, viticulteurs et négociants s’amincissent. Les négociants veulent une gestion interprofessionnelle, remettant en cause le rôle actuel des ODG où ils peuvent pourtant siéger... Pour Michel Baldassini, l’Europe pourrait choisir « une gestion par les comités de bassin ».
Un millésime 2012 précieux car rare
Président-délégué du BIVB, Michel Baldassini revenait sur le millésime 2012 qui a « cumulé les handicaps ». Les trésoreries et les hommes s’en souviendront (floraison éternisée, orages de grêles violents, mildiou, oïdium, grillure le 12 juillet…). Seul le botrytis semble manquer à l’appel. Heureusement, car les pertes de récolte sont conséquentes mais les « raisins rentrés sont dans un état parfait ».
En terme de quantité, des variantes se font jours. Le Chalonnais aura connu des « fortunes diverses ». Mercurey, Rully, Givry sont annoncés par le BIVB avec de « belles récoltes » alors que le secteur de Buxy, Jully-lès-Buxy… connaît jusqu’à « -60 % de pertes ». Les outils économiques vont donc souffrir…
Le Mâconnais prévoit de faire 80 % d’une récolte moyenne, mais l’appellation mâcon rouge « va tourner à 25 hl/ha ». Il faudra tenter de conserver les marchés au risque d’être déréférencé l’an prochain.
Autre AOC « en difficulté », l’UPECB s’attendait à un déficit d’approvisionnement de l’ordre de 30 % en vins de base Crémant de bourgogne (35 hl/ha), puisque les ventes progressent régulièrement sur ce segment (17,3 millions de bouteilles commercialisées en 2011 ; +26 % sur 5 ans). « On doit avoir un vignoble spécifiquement planté. De plus, des demandes de plantation en Crémant ont été faites mais l’INAO n’a pas donné son feu vert. Suite à cette année, on va perdre des parts de marché », regrettait l’ancien président de la Cave de Lugny.
La Bourgogne risque aussi d’être à plusieurs vitesses. Si Chablis fait une récolte « normale », malgré une sécheresse estivale, les vendanges sont « catastrophiques » en Côte de Beaune (15 à 20 hl/ha) et « faibles » en Côte de Nuits. Au final, la Bourgogne n’atteindra probablement pas les 1,3 million d'hl, « inférieur à 2003 », ce qui en fait « la plus petite récolte de la dernière décennie ».
La situation est généralisée en France. Bien implanté dans le Beaujolais, Pierre-Henri Gagey de la Maison Jadot insistait sur les appellations beaujolaises et les nouveaux coteaux bourguignons, quelque peu mort-nés : « la situation est là-bas très compliquée (20 hl/ha) pour les AOC Beaujolais et villages. Crus compris, Interbeaujolais table sur 300.000 hl de vins (contre 1,3 million d’hl en 2004) ».
Le Beaujolais pourrait taper à la porte…
Entre 350 et 500 viticulteurs risquent d’abandonner la profession dans le Beaujolais. Avec la fin des aides à l’arrachage, les friches risquent ensuite de se multiplier. « Les prix montent » - +40 % pour le prix du raisin - mais risquent de ne pas suffire avec les seulement 300.000 hl de récolte attendus. Les trois principaux négociants officiants sur ce vignoble de la Grande Bourgogne –Boisset, Jadot et Dubœuf– se mettront-ils d’accord pour « sauver les viticulteurs » à moyen-terme ? Les organisations professionnelles agricoles vont, elles aussi, pâtir de la situation si rien n’est fait. En attendant, l’Union des Maisons des vins de Bourgogne (ex-Fneb) s’est déjà dite favorable à un rapprochement du BIVB avec Interbeaujolais. Les clés –d’un éventuel rapprochement– sont donc dans les mains de la CAVB et d'Interbeaujolais…