Plus complet que la bio
Rencontres des Vignerons en développement durable. Durant deux jours,
150 vignerons, techniciens et commerciaux ont échangé et réfléchi à
promouvoir ce label créé en 2007. Bâtie sur 37 engagements et "axes de progrès", cette
démarche VDD est à ce jour plus "complete" que le
label AB. Dédiée au monde du vin, ce label évalue et intègre en effet autant
l’environnement, l’économie que le social. Sans vouloir « dénigrer » les
autres signes de qualité, ce label saura-t-il se construire et trouver
son marché ?

Ceci n’est qu’un exemple du pourquoi était organisées ces deux journées pleines de réflexions, de témoignages, d’études et d’exemples. Les caves des Terres Secrètes, de Lugny et de Buxy sont les trois premières caves coopératives engagées en Bourgogne du Sud, auxqeuls se rajoute Bailly-Lapierre dans l’Yonne. 15 autres en France constituent l’association VDD. Ensemble, elles pèsent l’équivalent de 68 millions de bouteilles produites par an, 18.000 ha, 1.315 vignerons sur 20 % des AOC et 37 % des IGP de France potentiellement. Mais concrètement, le label VDD n’est apposé que sur 2,18% de la production française. C’est déjà plus que les vins certifiés AB en grande distribution. « Nous ne sommes ni à côté, ni suiveur du "train" bio, qui représentent 1,6% des volumes de vins » vendus en grande distribution, relativisait Jean-Louis Bergès, le président de l’association VDD. « Notre but avec l'association, est d'emmener tout le monde vers ça. Certes, nous ne sommes qu'au début mais nous avons une grosse marge de progression », reprenait celui qui est aussi le directeur de la cave de Die Jaillance.
Comment se différencier ?
Appellations, indications géographiques, labels, normes, ISO, certifications IFS, BRC… Démarches autour du respect de l’environnement, de l’économie durable et du bien-être social… « le label VDD est difficile à résumer en une phrase porteuse et valorisante », reconnaissait Rickman Haevermans, directeur marketing & développement de Rhonéa, l’union des caves coopératives de Beaumes-de-Venise et Vacqueyras.
Hors de question aussi de faire du « greenwashing » (écoblanchiment) pour communiquer sur des produits qui n’ont pas de bienfaits écologiques. Hors de question également de « comparer avec la bio ». Le tout « sans dénigrer les autres » signes de qualité. Pas simple donc de se différencier. D’autant que ce sont les clients qui font fréquemment le parallèle avec le label AB...
Une conscience sociétale
Face aux questions et doutes légitimes émanant de la salle, « pourquoi faire tout ça alors ?, interrogeait Jean-Louis Fargès, afin de rappeler les fondements : « nous n’avons pas conçu ensemble VDD pour des raisons mercantiles, pour mieux vendre, mais par conviction, pour être plus vertueux. Toutes ces bonnes pratiques permettent de faire des bons produits, et eux se vendent bien », soulignait-il quand même.
Tous reconnaissaient que la société française – et ses vignerons – et plus largement une grande partie du monde ont désormais une conscience globale. Ce qui, résumé brutalement, peut se traduire aussi par la possibilité d’une « valeur émotionnelle », dixit l’universitaire bourguignon, Jean-Jacques Boutaud, aux produits ayant justement ces valeurs humanistes et environnementales.
Le directeur de la cave de Tain l’Hermitage, Xavier Gomart indiquait d’ailleurs que dans les faits et législations, « le seuil RSE (pour les grandes entreprises) descend et les grandes enseignes de distribution sont maintenant auditées ». Histoire de rappeler que VVD permettra ainsi d’être « en avance » sur ces questions de responsabilité sociétale, qui a l’international correspond en partie à la norme ISO 26000.
Et le mouvement s’accélère. Preuve en est, la récente rencontre avec des dirigeants de Carrefour qui « se soucient vraiment de ces questions » pour, en premier lieu, leurs marques de distributeur (MDD). Les récents "scandales" éthiques et médiatiques dans des abattoirs - labels, bios et de proximité - contribuent à jeter le trouble sur les signes de qualité "historiques". Une démarche qui pourrait donc bien finalement contribuer à faire bouger toutes les lignes et prendre une toute autre ampleur…
RSE : responsabilité sociétale des entreprises
« VDD est une démarche de RSE », pour responsabilité sociétale des entreprises. En d'autres termes, les viticulteurs coopérateurs sont tous des chefs d'entreprise et ils se doivent alors d'intégrer cette démarche pour faire progresser leurs entreprises dans le sens du développement durable justement. « La démarche n'est pas simplement environnementale et sanitaire » précise Emeline Meyer Favre, responsable vigne et terroir, référente VDD à la cave des Vignerons des Terres Secrètes, « elle est plus globale, intégrant les dimensions sociales et économiques d'une entreprise. Tout est pris en compte dans l'évolution RSE, la production, la manière de faire, les salariés, la formation, l'environnement social etc. ». En cela, les VDD se différencient notamment du label AB, limité à la culture du raisin et à la vinification.
« Les VDD sont dans une démarche d'amélioration continue. Et l'on s'attache à observer toute la chaîne qui va du vigneron au consommateur ». Pour vérifier tout ça, les caves coopératives sont auditées tous les ans et les coopérateurs tous les cinq ans. « L'auditeur passe 3h sur l'exploitation et pose 400 questions » ajoute Emeline Meyer Favre.
Rodolphe Bretin – macon-info.com
Des consommateurs plus clivés
Des Terres Secrètes, Charles Lamboley présentait une étude de Greenflex qui a cherché à positionner 8 groupes de consommateurs en matière d’achat responsable, et ce sur quatre axes : préoccupation socio-économique, recherche de sérénité, doute/scepticisme et sur le critère d’acheter autrement. Les résultats montrent un recul des consommateurs « engagés » passant de 50,9 % à 45,2 % entre 2014 et 2015. L’étude révèle aussi « une fracture sociale et démographique assez marquée ». Les femmes et les CSP+ ou intermédiaires sont sur-représentés pour ceux déclarant modifier leurs achats en fonction.
Perte de traçabilité
Le témoignage de la Maison Meffre (marque Fat Bastard…), producteur-négociant à Gigondas, soulevait la question de la « perte de traçabilité » du label VDD dans la filière. Comme l’expliquaient Audrey Chaufournier et Pascale Abadie, respectivement Responsable qualité et Responsable Achats Vins, la Maison Meffre « a entamé une démarche RSE, plutôt ISO 26000, car notre volonté était d’avoir une norme reconnue internationalement ». Dans la filière, cette maison de négoce « n’est qu’un intermédiaire » par rapport aux distributeurs, pour l’export ou pour répondre à divers appels d’offres. Reconnaissant que le critère RSE « devient de plus en plus un critère de sélection », notamment pour la GD, - toujours « après le prérequis de la qualité des vins » -, la démarche RSE est intéressante pour « maintenir ou gagner certains marchés », expliquaient-elles clairement. Mais pour la démarche VDD, à ce stade, il leur paraît difficile d’évoluer avec le reste des « intervenants ». Un seul de leur fournisseur vigneron leur a communiqué des informations en ce sens alors « que ce type d’argument, nous pouvons les apporter à nos commerciaux ou aux consommateurs finaux ». Les vignerons ne sont pas motivés à le faire car eux, ne peuvent, en retour, apposer le label VDD sans audit. Une perte de traçabilité qui se pose aussi – mais à l’inverse - pour les sociétés de négoce commercialisant des vins de caves coopératives, pourtant labelisées VDD.