Plus d’autonomie et de ventes !
Vincent Laurain conduit ses 80 vaches laitières en zéro pâturage. Ses
164 ha de cultures sont ainsi réservés à la vente. Grace aux dérobés –
en intercultures courtes et longues – et au méteil, la qualité du lait
est restée constante. Des améliorations sanitaires se sont même fait
jour. Le tout en diminuant le coût de production aux 1.000 litres de
lait, passant de 165 à 135 € en moyenne.
Même niveau de production
L'adaptation des rations a été réalisée avec leur conseiller de Saône-et-Loire Conseil-élevage sur la base des fourrages disponibles. Le niveau de production de lait est ainsi rester stable. Jérôme Bonin le confirmait : « Le Gaec a toujours réalisé au dessus des 9.000 kg de lait produits par an, avec des taux largement bons » : 34 g/kg de TP et presque 40 de TB de moyenne.
Car, si le but premier est d'augmenter la production – puisque le cheptel est passé de 65 à 80 vaches -, l’objectif est dans le même temps de conserver un maximum de cultures de vente.
Ces éléments additionnés au contexte de prix du maïs et du lait poussent à revoir les rations. Plusieurs types de dérobées en intercultures courtes et longues ont été testés. Le méteil a d'abord été utilisé pour l'alimentation des génisses. « Nous en sommes très satisfaits et avons constitué d'importants stocks à l'automne 2014 ». Ils ont été intégrés à l'alimentation des vaches en production. Cette année, 30 ha y seront dédiés. Les rations seront ainsi composées de 50 % herbe et de 50 % maïs.
Bien qu’ayant réussi à faire deux coupes de ray-grass cette année, Vincent va toutefois devoir « changer son fusil d’épaule », avance-t-il à propos des dérobées. « En septembre, je vais abandonner le ray-grass ». « Cette année, quand il a commencé à faire chaud, on s’est fait avoir. Le ray-grass est monté en fleur. C’est tout dans les silos ». Ses céréales vont, elles, rentrer dans la ration des vaches laitières. Une forme de « souplesse » et de réalisme dans la gestion du travail.
Moitié d’herbe dans la ration
Mais alors de quoi exactement est composé la ration ? « Dans le passé, on mettait 18 kg de maïs (entier) + 5 kg d’épis de maïs brut avec 9 kg d’herbe et 5 kg d’enrubannée », détaillait Vincent Laurain. Côté UFL et PDIN, Jérôme Bonin indiquait que les valeurs restaient « correctes » et même l’appétence. Et il poursuivait sur la stratégie à venir. « L’idée est de réduire le coût de la ration. Pour cela, ils ont décidé de mettre plus d’herbes dans la ration, pour moitié ». Pour l’équilibre de la ration, « on a retiré 1 kg de tourteau en les redescendant à 1,8 kg », précisait Vincent Laurain.
Le conseiller précisait toutefois que dans la ration « tous les moha ne se valent pas. Mieux vaut ceux tardifs. Ils sont plus faciles à gérer et garde de bonnes valeurs plus longtemps ». Pour sa part, Vincent les garde pour ses génisses estimant que leurs valeurs nutritives ne sont « pas suffisantes. Mais ça fait de la marchandise ».
Vincent Laurain donnait son avis sur les dérobées : « Il faut aussi apprendre à les utiliser pour avoir des produits de bonne qualité. En densité, ce ne sont pas des Cipan. Ils méritent d’être semés tard et "dense". La météo a des effets importants. Vesce et avoine s’en sortent mieux. Mais cela reste toujours un compromis entre rendement et valeurs (UFL/PDIN). La vesce amène pas mal de protéines ». Les deux associés n’ont pas ressentis d’effet notoire sur la quantité de travail ni sur l’organisation. Si ce n’est les économies réalisés, en n’apportant que 50 U/ha d’azote sur méteil contre 80 unités d’azote par ha avant sur ray-grass.
Dérobées en intercultures courtes
Un mélange moha-trèfle est utilisé en intercultures courtes sur environ 14 ha. Il est semé à 15 kg/ha de moha et autant de trèfle dès la récolte de la céréale précédente. Le semis est effectué au semoir à céréales combiné à une herse rotative après un déchaumage. L'ensilage ou l'enrubannage a lieu fin septembre. D'après Vincent Laurain, « en valeur alimentaire, c'est très bon ». Puis en octobre une culture de blé ou de méteil est implantée après un déchaumage avec un semoir combiné à une herse et à un décompacteur.
Dérobées en intercultures longues
Entre une céréale à pailles et un maïs, les associés du Gaec utilisent un mélange de ray-grass et de trèfle sur environ 14 ha également à 25 kg/ha (50% de chaque espèce).
L'ensilage réalisé mi-avril est suivi d'un apport organique (fumier, lisier ou compost). Le maïs est semé mi-mai après un déchaumage et un passage combiné herse - décompacteur. L'application de glyphosate habituellement réalisée pour détruire le couvert n'a pas eu lieu cette année du fait de sa faible efficacité et du temps perdu. Le maïs sera donc désherbé en rattrapage.
Des mélanges commerciaux graminées-légumineuses sont aussi utilisés sur environ 7 ha. « Il faut les semer très épais », précise Vincent Laurain, car les doses conseillées concernent plutôt une utilisation comme couvert réglementaire. Le semis est réalisé de la même manière que le moha-trèfle, derrière une céréale. Une coupe est réalisée à l'automne, puis soit un méteil est semé, soit les repousses sont conservées tout l'hiver et détruites par le gel (et un passage de glyphosate seulement si nécessaire).
Le méteil
Le méteil a été testé l'année dernière pour l'alimentation des génisses et sera incorporé dans les rations des vaches en production dès cette année. « Pour les génisses ça allait vraiment bien », commente Vincent Laurain. C'est une association de céréales et de légumineuses composée de 50 kg/ha de blé, 60 kg/ha d'orge, 20 kg/ha de vesce et 25 kg/ha de pois. Le coût de la semence est proche de celui d'un ray-grass. Le semis est réalisé de la même manière que pour une céréale. Le mélange est ensilé lorsque la vesce est en fleur (mais pas le pois). Il est riche en protéines. Le semis de la culture suivante est facilité par rapport à un précédent raygrass
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Processus biologiques impliqués
La culture de ces mélanges constitue une valorisation de la diversité végétale cultivée et contribue à la substitution de processus biologiques aux intrants (un principe de l'agroécologie). Quels sont ces processus ? Les cultures dérobées valorisent la complémentarité des cycles de différentes espèces pour optimiser la production végétale dans le temps sur une surface donnée. Comme le méteil, ce sont des associations céréales-légumineuses qui présentent plusieurs intérêts :
• Echanges de nutriments (carbone capté par les graminées et azote de l'air fixé par les légumineuses).
• Fort pouvoir concurrentiel vis-à-vis des adventices.
• Frein à la propagation des maladies et ravageurs. Enfin, comme dans toute exploitation de polyculture élevage, des éléments minéraux sont restitués par les animaux et bénéficient aux cultures. Outre ces exemples, bien d'autres processus sont à l'œuvre et de nouveaux restent à découvrir et à valoriser.