Lait
Plus de quotas = plus d’argent ?
Plus ou plus du tout ? La fin des quotas laitier et donc la
libéralisation de la production laitière signifiera-t-elle, pour les
exploitations, plus d’argent ou la délocalisation de la production ? En
attendant que l’avenir nous le dise, analyse de la situation économique
dans notre département.
libéralisation de la production laitière signifiera-t-elle, pour les
exploitations, plus d’argent ou la délocalisation de la production ? En
attendant que l’avenir nous le dise, analyse de la situation économique
dans notre département.
Fin 2015, le CERFrance 71 a présenté les résultats de son analyse de 100 exploitations laitières du département. L’exploitation "moyenne" de son échantillon présentait dès lors une moyenne de 580.000 litres pour un cheptel de 81 vaches. Avant de rentrer dans l’analyse des chiffres, Pascale Laurain insistait bien sur le « principal changement, et pas des moindres » qu’est en train de vivre la filière laitière Européenne : la fin des quotas remplacés par des contrats. « On passe d’une gestion administrative des volumes à une gestion, plus en lien avec la laiterie, donc sur un axe purement économique », explique la conseillère du CERFrance 71. Les laiteries peuvent donc moduler « plus facilement » le prix du lait en fonction de leurs débouchés… ou de leurs pouvoirs de négociation. En cela, la profession craint une intégration croissante.
Dans ce système néolibéral, favorisant les importants acteurs en place plutôt que l’introduction de nouveaux acteurs économiques (système libéral), il y aura autant de stratégies que de laiteries… Donc peu nombreuse chez nous !
Chute des prix en 2015
Lié sans doute à ce changement systémique, le contexte économique de 2015 s’en est déjà clairement ressenti. Après deux années avec des prix à leurs « plus haut niveaux » en France, les éleveurs ont enregistré une « forte baisse » des prix du lait (environ -15 %). En cause, une offre abondante, avec une production mondiale qui augmente, alors que la demande s’est « tassée », en raison de l’embargo Russe et du "ralentissement" de l’économie Chinoise. Pourtant, les perspectives ne sont pas forcément mauvaises prédisent certains instituts (+2 %/an de croissance jusqu’en 2050) et comme en témoignent les investissements des industriels à travers le monde (5,5 milliards d’€ pour 120 projets).
Les écarts se creusent
Mais qu’en est-il des résultats comptables des exploitations en Saône-et-Loire ? En 2014, c’était les cultures de vente qui avaient limité les résultats des exploitations laitières. En 2015, la situation est « toute autre » : le résultat courant « peine » à atteindre 5.500 € annuel, soit « le plus faible depuis 10 ans, même plus faible que celui de 2009 ». Une situation d’autant plus inquiétante que le prix du lait prévu est plus « important » qu’à l’époque, se situant aux alentours de 320 €/1.000 l dans le prévisionnel.
Ce qui fait la différence, c’est le poids des charges : toujours « plus lourd ». Du coup, le niveau de rentabilité tombe à 22 % (contre 29 % en 2014). Les quotas avaient pour principal objectif de limiter la volatilité des cours, y compris indirectement des charges.
Les exploitations sont dès lors fragilisées car « sensibles aux fluctuations de prix du lait et aux aléas ». En fonction des emprunts notamment, de fortes variabilités se font jours entre les exploitations. En 2014, seules 26 % des exploitations avaient un résultat/UTAF inférieur à 10.000 € (contre 50 % l’année d’avant). A l’autre bout de l’échelle, toujours l’an dernier, le nombre d’exploitations dégageant un résultat/UTAF supérieur à 30.000 € grimpe, de 11 à 27 %. « Les écarts se creusent ».
La trésorerie comme matelas
Ce qui interroge le CERFrance 71. Ce dernier a cherché à comprendre comment arriver à ses derniers résultats encourageants. Ces exploitations à « fort » (+60 % par rapport à la moyenne) résultat courant, ont une productivité de la main d’œuvre « légèrement supérieure » et un prix du lait « un peu plus » élevé (+6 €/1.000 l). Le tout surtout combiné avec des couts de production « maitrisés », notamment au niveau du poste aliment « bien inférieur » (-12 €/1.000 l).
Avec ces coûts de revient stables, un endettement moindre, une meilleure santé financière et une bonne trésorerie, finalement, la rentabilité revient « au niveau d’investissement ». « Les exploitations laitières ont besoin de rentabilité. A partir de 35 %, il n’y a pas de problème à investir, sauf en cas de taux d’annuité important », résumait Pascale Laurain. D’ailleurs le taux d’endettement a progressé de 8 % entre 2013 et 2014. 18 % des exploitations du département sont classés en risque « fort » par le CER, avec 20 à 30 % d’autres exploitations en « difficultés ». Pour assurer l’équilibre de trésorerie, et ce avec une conjoncture "normale", le CER estime qu’il faudrait un prix du lait à 343 €/1.000 l sur 2016.
Une trésorerie de « sérénité »
Problème, côté charges, même si les coûts de production sont en « replis » actuellement (poste aliment, engrais, fioul…), leurs niveaux restent cependant « élevées » - à 192 €/1.000 l en moyenne - par rapport aux charges opérationnelles. Sur le seul poste aliment, d’importants écarts sont à signaler, allant de 80 à 200 €/1.000 l. La "fourchette" moyenne se situant entre 110 et 120 €/1.000 l. « Au dessus de 140 €/1.000 l, on a plus de risque de dégradation de la trésorerie », analyse le CERFrance qui craint un manque à gagner entre prix d’équilibre et prix du lait payé.
Avec la volatilité des cours qui sera désormais la norme, le CERFrance 71 conseille donc de « constituer une trésorerie de "sécurité" pour pouvoir "encaisser" les périodes de charges plus élevées ». Par exemple, en 2014, si les exploitations ont réussi à dégager en moyenne 23.000 € de trésorerie, 2015 a nécessité de prélever dedans, 15.200 € ! Autant dire que constituer une trésorerie de « sérénité prend du temps », reconnaissent les comptables. Plusieurs "bonnes" années sans doute. Ce qui pose derrière, des questions pour adapter les règles fiscales… Motif de satisfaction toutefois, sur les dix dernières années, l’EBE/produit est de 30 % avec un résultat/UTAF de 19.000 €.
Rentabilité moindre des grands troupeaux
Alors faut-il produire plus pour gagner plus ? Le CER a étudié un échantillon d’exploitations avec de « grands troupeaux » (+ 800.000 l/an). La productivité de la main d’œuvre et des vaches sont en effet supérieures. Mais, malgré ces économies d’échelle, en raison des charges d’alimentation, l’EBE est en retrait de 9€/1.000 l par rapport à une exploitation moyenne. « Sur le plan économique, on n’a pas forcément un effet taille significatif », analysait Pascale Laurain. Ainsi, la rentabilité finale est même plus « faible » qu’une exploitation "normale". Une variation d’1% de rentabilité pour de tels volumes équivaut à un tiers de la rémunération d’un associé. Le résultat par unité de travail (résultat/UTAF) se « limite » à 1.300 € de plus par UTAF par an. Avec un niveau de risque plus important : 27 % des « grands troupeaux » sont en effet classés en risque financier fort par le CERFrance 71 actuellement.
Dans ce système néolibéral, favorisant les importants acteurs en place plutôt que l’introduction de nouveaux acteurs économiques (système libéral), il y aura autant de stratégies que de laiteries… Donc peu nombreuse chez nous !
Chute des prix en 2015
Lié sans doute à ce changement systémique, le contexte économique de 2015 s’en est déjà clairement ressenti. Après deux années avec des prix à leurs « plus haut niveaux » en France, les éleveurs ont enregistré une « forte baisse » des prix du lait (environ -15 %). En cause, une offre abondante, avec une production mondiale qui augmente, alors que la demande s’est « tassée », en raison de l’embargo Russe et du "ralentissement" de l’économie Chinoise. Pourtant, les perspectives ne sont pas forcément mauvaises prédisent certains instituts (+2 %/an de croissance jusqu’en 2050) et comme en témoignent les investissements des industriels à travers le monde (5,5 milliards d’€ pour 120 projets).
Les écarts se creusent
Mais qu’en est-il des résultats comptables des exploitations en Saône-et-Loire ? En 2014, c’était les cultures de vente qui avaient limité les résultats des exploitations laitières. En 2015, la situation est « toute autre » : le résultat courant « peine » à atteindre 5.500 € annuel, soit « le plus faible depuis 10 ans, même plus faible que celui de 2009 ». Une situation d’autant plus inquiétante que le prix du lait prévu est plus « important » qu’à l’époque, se situant aux alentours de 320 €/1.000 l dans le prévisionnel.
Ce qui fait la différence, c’est le poids des charges : toujours « plus lourd ». Du coup, le niveau de rentabilité tombe à 22 % (contre 29 % en 2014). Les quotas avaient pour principal objectif de limiter la volatilité des cours, y compris indirectement des charges.
Les exploitations sont dès lors fragilisées car « sensibles aux fluctuations de prix du lait et aux aléas ». En fonction des emprunts notamment, de fortes variabilités se font jours entre les exploitations. En 2014, seules 26 % des exploitations avaient un résultat/UTAF inférieur à 10.000 € (contre 50 % l’année d’avant). A l’autre bout de l’échelle, toujours l’an dernier, le nombre d’exploitations dégageant un résultat/UTAF supérieur à 30.000 € grimpe, de 11 à 27 %. « Les écarts se creusent ».
La trésorerie comme matelas
Ce qui interroge le CERFrance 71. Ce dernier a cherché à comprendre comment arriver à ses derniers résultats encourageants. Ces exploitations à « fort » (+60 % par rapport à la moyenne) résultat courant, ont une productivité de la main d’œuvre « légèrement supérieure » et un prix du lait « un peu plus » élevé (+6 €/1.000 l). Le tout surtout combiné avec des couts de production « maitrisés », notamment au niveau du poste aliment « bien inférieur » (-12 €/1.000 l).
Avec ces coûts de revient stables, un endettement moindre, une meilleure santé financière et une bonne trésorerie, finalement, la rentabilité revient « au niveau d’investissement ». « Les exploitations laitières ont besoin de rentabilité. A partir de 35 %, il n’y a pas de problème à investir, sauf en cas de taux d’annuité important », résumait Pascale Laurain. D’ailleurs le taux d’endettement a progressé de 8 % entre 2013 et 2014. 18 % des exploitations du département sont classés en risque « fort » par le CER, avec 20 à 30 % d’autres exploitations en « difficultés ». Pour assurer l’équilibre de trésorerie, et ce avec une conjoncture "normale", le CER estime qu’il faudrait un prix du lait à 343 €/1.000 l sur 2016.
Une trésorerie de « sérénité »
Problème, côté charges, même si les coûts de production sont en « replis » actuellement (poste aliment, engrais, fioul…), leurs niveaux restent cependant « élevées » - à 192 €/1.000 l en moyenne - par rapport aux charges opérationnelles. Sur le seul poste aliment, d’importants écarts sont à signaler, allant de 80 à 200 €/1.000 l. La "fourchette" moyenne se situant entre 110 et 120 €/1.000 l. « Au dessus de 140 €/1.000 l, on a plus de risque de dégradation de la trésorerie », analyse le CERFrance qui craint un manque à gagner entre prix d’équilibre et prix du lait payé.
Avec la volatilité des cours qui sera désormais la norme, le CERFrance 71 conseille donc de « constituer une trésorerie de "sécurité" pour pouvoir "encaisser" les périodes de charges plus élevées ». Par exemple, en 2014, si les exploitations ont réussi à dégager en moyenne 23.000 € de trésorerie, 2015 a nécessité de prélever dedans, 15.200 € ! Autant dire que constituer une trésorerie de « sérénité prend du temps », reconnaissent les comptables. Plusieurs "bonnes" années sans doute. Ce qui pose derrière, des questions pour adapter les règles fiscales… Motif de satisfaction toutefois, sur les dix dernières années, l’EBE/produit est de 30 % avec un résultat/UTAF de 19.000 €.
Rentabilité moindre des grands troupeaux
Alors faut-il produire plus pour gagner plus ? Le CER a étudié un échantillon d’exploitations avec de « grands troupeaux » (+ 800.000 l/an). La productivité de la main d’œuvre et des vaches sont en effet supérieures. Mais, malgré ces économies d’échelle, en raison des charges d’alimentation, l’EBE est en retrait de 9€/1.000 l par rapport à une exploitation moyenne. « Sur le plan économique, on n’a pas forcément un effet taille significatif », analysait Pascale Laurain. Ainsi, la rentabilité finale est même plus « faible » qu’une exploitation "normale". Une variation d’1% de rentabilité pour de tels volumes équivaut à un tiers de la rémunération d’un associé. Le résultat par unité de travail (résultat/UTAF) se « limite » à 1.300 € de plus par UTAF par an. Avec un niveau de risque plus important : 27 % des « grands troupeaux » sont en effet classés en risque financier fort par le CERFrance 71 actuellement.