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50 % de moins de SO2 dans les vins

Possible mais pas sans risque

Les expérimentations menées par un groupe de travail national piloté par
l'IFV montrent qu'il est possible de réduire de moitié les teneurs des
vins en sulfites sans impact significatif sur leur qualité. Mais les
caractéristiques aromatiques peuvent être affectées.
Par Publié par Cédric Michelin
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Antioxydant, antioxydasique, antiseptique, facile d'utilisation, peu coûteux : le SO2 présente de nombreux atouts. « Mais pour des raisons d'hygiène alimentaire et sur les recommandations de l'OMS (dose journalière admissible de sulfites 0,7 mg/kg de poids corporel), réduire les teneurs finales en sulfites dans les vins reste un impératif », prévient Frédéric Charrier. Ce chercheur à l'IFV Pôle Val de Loire Centre a participé à un groupe de travail national animé par l'IFV et regroupant plusieurs partenaires (Centre de recherche sur le rosé, CIVC, Comité interprofessionnel des vins de Bergerac, Inter-Rhône, Inra, ICV). Les expérimentations réalisées ont permis d'évaluer quels itinéraires techniques permettaient de réduire de 50 % la teneur finale en sulfites, par rapport aux niveaux moyens observés dans les vins en SAQ.
Sur blanc, l'itinéraire fait appel à un inertage au pressurage, à une maîtrise des températures, à des soutirages, à un élevage sur lies. Sur rosés, en plus de ces pratiques il a été intégré l'emploi d'acide ascorbique et de chitosane, la durée de la macération a été adaptée, de même que la température de conservation. Sur rouges, l'itinéraire comprend un inertage, des soutirages, une flash-pasteurisation et une filtration tangentielle. « L'objectif -50 % de sulfites a été atteint ou approché dans la majorité des cas (60-80 mg/L de SO2 total dans les blancs et rosés, autour de 50 mg/L pour les rouges) », indique Frédéric Charrier.
Les populations de microorganismes dans les vins testés sont généralement équivalentes à un itinéraire “bonnes pratiques” classique. Sur le plan sensoriel, « les différences sont acceptables, tout au moins sur vin jeune », note Frédéric Charrier. Mais, « si le profil organoleptique demeure dans l'espace sensoriel convenu », « les caractéristiques aromatiques sont parfois affectées (moindre intensité aromatique, profil plus oxydatif ou moins réduit) ». Pour les vins potentiellement riches en thiols (sauvignon, grenache rosé), les conséquences sont plus marquées, avec une diminution significative de ces composés aromatiques. Le style de ces vins peut en être nettement modifié.
« Des marges de progrès techniques au sein des itinéraires existent pour limiter ces conséquences négatives, poursuit l'ingénieur oenologue de l'IFV. Par contre, même si beaucoup de vins sont consommés dans l'année suivant leur conditionnement, la question de l'évolution et de la tenue de ces vins au cours de leur conservation en bouteilles se pose. Des observations mettent en évidence une moins bonne tenue de ces vins dans le temps ».

Supprimer le SO2 : une pratique “hasardeuse”



Les experts du groupe de travail national ont expérimenté d'autres itinéraires, avec cette fois-ci l'objectif d'une teneur finale en sulfites inférieure à 10 mg/L. Sur vins blancs, l'itinéraire testé compte un inertage au pressurage, la maîtrise des températures, des soutirages, un élevage sur lies, l'emploi de lysosyme et de copeaux, et la fermentation malo-lactique a été réalisée pour “auto-stabiliser” les vins. Sur rosé, il est pratiqué un inertage, la durée de macération et la température de conservation sont adaptées, il est employé de l'acide ascorbique et du chitosane, l'élevage se fait sur lies, une malo et une filtration tangentielle sont réalisées. Sur rouges, l'itinéraire est chargé : inertage, soutirages, flash-pasteurisation, filtration tangentielle, chitosane, lysozyme, acidification, co-inoculation, collage, filtration finale.
« L'absence ou quasi-absence d'emploi de sulfites a permis de produire des vins dont les caractéristiques analytiques demeurent dans les normes marchandes (à une exception près sur un gewurtzraminer) », souligne Frédéric Charrier. Mais la couleur des vins blancs et rosés évolue vers le jaune, les blancs sont moins acides du fait de la fermentation malo-lactique, les vins rouges ont moins de polyphénols totaux et d'anthocyanes. Les vins au départ riches en thiols s'en retrouvent quasiment dépourvus. Pour tous les vins, les populations de microorganismes sont plus importantes, avec un risque plus élevé de déviations pendant l'élevage (malo difficilement évitable sur blancs, Bretts sur rouges). « Sur le plan sensoriel, un défaut d'oxydation est systématiquement décelé sur les blancs et rosés, très fréquemment relevé sur rouges ». Les arômes fruités disparaissent au profit d'autres jugés négatifs (fruits évolués, éventé, ascécence). Pour Frédéric Charrier, ne pas sulfiter durant l'itinéraire d'élaboration « reste une pratique hasardeuse et non recommandable, même s'il existe des rouges sans sulfites remarquables ».


Une chaîne du froid pour les vins ?


La réduction de l'emploi de sulfites doit être mise en œuvre en adoptant la dose limite compatible avec le style de vin, le cépage, l'état sanitaire du raisin, les conditions climatiques, indique Frédéric Charrier. Les fermentations doivent être maîtrisées, de même que les transferts d'oxygène au moment du conditionnement et après celui-ci. « Il faudra aussi probablement repenser les conditions de transport et de conservation des vins conditionnés, avec peut-être l'indication d'une date limite d'utilisation optimale (DLUO) ou des consignes plus strictes pour la circulation des vins, comme une chaîne du froid », commente l'ingénieur oenologue de l'IFV.