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Flavescence dorée

Prise de risque ou de conscience ?

Mardi dernier, le préfet de Saône-et-Loire, Fabien Sudry, a présenté le
dispositif qui sera mis en œuvre en 2014 dans le cadre de la lutte
contre la flavescence dorée de la vigne à l’échelle départementale. Si
la surveillance (prospection) des vignes sera à nouveau la pierre
angulaire du dispositif, la stratégie évolue surtout maintenant pour «
tirer au plus juste
» côté insecticides… mais aussi côté communication
pour préserver l’image de la Bourgogne. Alors prise de risque envisageable ou taux de réussite insuffisant ? Réponse dans plus d'un an...
Par Publié par Cédric Michelin
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Maladie de la vigne « sérieuse », « grave », « dangereuse »… Les qualificatifs employés par le préfet en introduction rappelaient que la flavescence dorée n’est vraiment pas une maladie de la vigne à prendre à la légère. Elle est d’ailleurs règlementée dans le cadre national et européen. « C’est le seul danger sanitaire de première catégorie pour la vigne », rappelait Jean-Roch Gaillet, directeur régional de la Draaf Bourgogne.
Après la découverte du foyer de Plottes en 2011, la lutte obligatoire sur 19 communes aux alentours en 2012, puis sur l’ensemble des communes viticoles du département en 2013, les observations continuent de montrer une « diffusion de la maladie » au nord (Chalonnais/Côte-d’Or) et au sud (sud Mâconnais/Beaujolais). « Il apparaît de nouveaux foyers dans certaines communes, comme à Mercurey, ou des pieds infestés isolés dans d’autres », précisait Jean-Michel Aubinel, président de la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB).

« Tirer au plus juste »



Dès lors, le zonage 2014 « engage tout le vignoble » de Saône-et-Loire, à nouveau, pour la prospection et l’arrachage systématique des pieds suspects (flavescents et jaunisse). Evidemment, inscrit dans le cahier des charges des appellations d’origine, le traitement à l’eau chaude des plants est nécessaire pour toute nouvelle plantation saine.
La différence majeure qui va intervenir cette année, provient donc de l’adaptation du plan de lutte insecticide. « Il s’agit d’un dispositif plus ajusté aboutissant à des traitements différenciés selon les territoires et les communes. Pour y arriver, nous bénéficions de l’expérience d’autres départements », résumait le préfet (pour tous les détails, lire notre article en page 3 dans notre édition du 2 mai).

Un an de doute en vue



Et de l’expérience, la France en a puisque plus de la moitié du vignoble français est sous surveillance flavescence dorée. « Au bout de ces deux années de traitements, on a vu qu’on pouvait contenir la maladie. Il fallait apaiser la peur de 2011 et du foyer exponentiel de 2012 avec une protection large en 2013 », assume Robert Martin, vice-président de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire.
« Cet hiver, après concertation, le bilan de la prospection, des analyses et de la lutte ont permis d’avoir une vision plus exhaustive » de la flavescence, rappelait encore le président de la CAVB. Les services de l’Etat, Sral et Fredon en tête, ont d’ailleurs travaillé sur différents scénarii avec la profession avant de prendre cet arrêté « dans la sérénité ». Une sérénité qui a pour prix toutefois, une prise de risque plus grande cette année.
Car cette maladie est en effet compliquée à éradiquer. Les symptômes n’apparaissant pas tout de suite. L’incubation est supérieure à un an. « Donc, si la lutte insecticide en mai-juin 2014 ne correspond pas à la réalité, on ne s’en apercevra au mieux qu’en septembre 2015. Il faudra rester très vigilant », prévient Olivier Lapôtre du Sral Bourgogne.

Sur fond de polémiques



Critiqués ces deux dernières années pour un déficit de communication, laissant le champ libre aux polémiques médiatisées, les services de l’Etat s’engagent cette année à « informer les maires et les habitants du département, à proximité des vignes, des mesures de bon sens et de précautions à respecter lors des traitements et autres interventions des viticulteurs », annonçait Christian Dussarat, DDT. Les polémiques médiatisées en Saône-et-Loire et dans toute la France ont en effet fait mal à la profession, sans parler de l’image de la Bourgogne.
Préserver la notoriété des vins de Bourgogne et son vignoble, voici les objectifs 2014. Points positifs, les précédents plans de lutte ont prouvé que « la combinaison des mesures fonctionne ». 0,11 ha ont été arrachés en 2014 contre 11,2 ha en 2013, en ce qui concerne les parcelles ayant plus de 20 % de pieds infestés. La vigilance et le sérieux restent donc de mise pour espérer…



Une première en France



Une zone expérimentale sur environ 500 ha dans le sud du département fait son apparition. Les communes de Fuissé (nord-ouest), Solutré-Pouilly et Vergisson sont en zone à deux traitements, dont le deuxième est conditionné à un seuil de cicadelles le déclenchant ou non. Sa mise en œuvre sera décidée par la Draaf Bourgogne en fonction de la vérification de l’efficacité organisée par la Fredon Bourgogne tant en viticulture biologique que conventionnelle. Un moyen de « voir comment aller plus loin dans la diminution des traitements ». « L’idée est de répondre à des réflexions et regarder si un seul traitement peut être efficace », notaient les services techniques de la préfecture. Le comptage larvaire va donc être sportif puisque la fenêtre de tir entre les deux traitements est courte. Le chef de service du Sral Bourgogne, Olivier Lapôtre, ajoutait qu’il s’agit d’une « première » en France « après seulement une année de traitement ».

Responsabilité collective


Lors de la dernière assemblée générale de l’ODG pouilly-fuissé, Denis Bouchacourt parlait de ce qui n’était alors qu’une proposition de zone d’expérimentation contre la flavescence dorée. La prospection 2013 a conduit à 51 analyses sur l’ensemble de l’appellation, dont un positif à Fuissé. « Ce n’est pas parce qu’une commune n’a pas d’analyse positive qu’il n’y a pas de flavescence dorée. Il peut y avoir des pieds qui ont réchappé à la surveillance, notamment avec l’absence de certains Domaines lors des prospections l’an dernier ». Pour le vigneron donc, pas question de lever la garde. Au contraire. De nouvelles formations au repérage des pieds de jaunisse et flavescents seront proposées. « Il est important de rappeler que le fait d’être placé en zone test est une bonne chose mais il ne faut pas perdre de vue que l’objectif est de combattre la maladie, surveiller qu’elle ne se développe pas, donc nous avons d’autant plus d’obligations de faire une prospection fine car nous sommes plus exposés avec moins de traitement. Les services officiels nous observeront. L’expérimentation doit marcher dans les deux sens : ceux qui n’ont pas besoin de faire le deuxième traitement ne devront pas le faire pour que l’expérience soit fiable. Tout le monde devra jouer le jeu ». La responsabilité et la réussite seront bel et bien collectives ou ne le seront pas.