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Pascal Berthelot - journaliste radio ex Europe 1 et indépendant

Profession assiégée et incomprise

Alors que le XXe siècle a été l'ère des médias de masse, presse, radio et télévision évoluent avec l'arrivée d'Internet, métamédia qui regroupe tous les médium et plus encore (réseaux sociaux, mails...). Contre-pouvoir des trois premiers (exécutif, légisaltif, judiciaire) historiquement, les médias traditionnels sont confrontés à une crise économique (baisse des recettes publicitaires, des abonnements...). Du coup, certains ne cherchent plus forcément à donner aux citoyens une vision universelle et des clés de compréhension pour leur permettre à chacun d'acquérir une autonomie de jugement sur les faits de société et les décisions politiques. En pleine infobésité, et info-divertissements, comment le monde médiatique traite-t-il encore l'agriculture et la ruralité ? Rencontre avec des journalistes.
Par Publié par Cédric Michelin
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Comment faites-vous le lien entre agriculture et environnement dans les sujets que vous traitez à la radio ?
Pascal Berthelot :
Pour moi il n'y pas de lien systématique. Ce sont deux questions séparées. Je veille justement à faire très attention à ne pas mélanger les deux questions. Ce qui fait que nous faisons souvent des reportages sur des questions de production, de commercialisation, de prix, de belles histoires humaines mais sans évoquer bien sûr la question d 'environnement, qui à ce moment-là n'a aucun intérêt. En revanche, l'agriculture a un impact sur l'environnement, c'est indéniable. C'est pourquoi il nous arrive d'en parler. Et ce sont des questions importantes. Qui aujourd'hui concernent toute la société. Est-ce que notre agriculture ne dégrade pas notre environnement ? Que se passe-t-il réellement ? Nous faisons régulièrement des sujets sur ces questions. Mais j'essaie de sortir des idées reçues et de la pensée dominante dans les rédactions parisiennes, du genre "les agriculteurs sont des pollueurs et ils sont en train de nous faire mourir en nous empoisonnant". Je n'évite pas ces questions, au contraire, je les attaque frontalement car elles intéressent tous les auditeurs. Mais si j'entends les attaques des associations écologistes, qui disent parfois des choses très sensées et utiles pour la société, mais qui parfois s'égarent dans des anathèmes sans fondement, j'essaie de toujours donner la parole aux agriculteurs, pour qu'ils expliquent la réalité de leurs pratiques.

Pensez-vous que l’image des agriculteurs s’est ternie depuis quelques années dans l’opinion ?
P.B. : Je ne pense pas. Je me trompe peut être. Bien sûr il y eu la crise de la vache folle, les accusations contre les pesticides, et toute une série de scandales alimentaires dont les agriculteurs sont souvent à tort considérés comme responsables dans l'esprit des gens. Mais, il n'y a qu'à voir le succès du Salon de l'agriculture, l'image des agriculteurs est très largement positive dans l'opinion. On critique le "système alimentaire", on aime son voisin agriculteur. La grande mode dans les villes aujourd'hui c'est de rechercher les "bons produits de la ferme".... L'agriculteur a une image d'authenticité et de nature, même encore aujourd'hui. Il ne faut pas qu'il perde cette image, sinon l'agriculture française, pour le coup, serait gravement menacée. L'image des agriculteurs dans l'esprit des gens, ce n'est pas la simple image renvoyée par les médias. Les agriculteurs n'aiment pas l'image renvoyés par les médias. Car ils se vivent comme une profession assiégée, en voie de disparition, incomprise. En réalité, les français ont dans leur grande majorité, une image positive des "paysans", qui renvoie à un âge d'or où la vie était plus saine, plus authentique, plus naturelle. Dans notre monde ultra-connecté, et si déshumanisé dans les grandes métropoles, le "bonheur est dans le pré" pour une grande partie des français.

Sur quels sujets les paysans devraient-ils s’exprimer plus largement ?
P.B. : Sur la réalité de leurs pratiques. Montrer réellement ce qu'ils font, combien ils utilisent de tel produit, pourquoi ils le font, le résultat qu'ils en tirent. Pour ouvrir un dialogue plus apaisé avec la société. En agriculture comme dans tous les domaines, il y a des indélicats, voire parfois des margoulins, il ne faut pas que ceux-là, ils détruisent la bonne image de tous les autres ! OGM, pesticide, industrialisation... Mais aussi emploi, vie dans les territoires ruraux, production alimentaire... Tous ces sujets doivent être discutés par et avec les agriculteurs. Dans un esprit ouvert avec la société. Je pense que les agriculteurs doivent participer pleinement aux débats de société. Et ne pas se sentir agressé systématiquement quand telle association ou tel média diffuse un message critique ou offensant.

Quels sont pour vous les symboles du monde agricole ?
P.B. : La vache et le grain de blé. On pourra y mettre toutes les nouvelles technologies que l'on veut, pour moi le monde agricole c'est élever des animaux et faire pousser des plantes.

La France se fait dépasser sur les podiums en matière agricole en Europe et dans le monde, c’est un sujet « transversal » pour une radio comme Europe 1 ou cela reste confié à l’agricole ?
P.B. : Il n'y a malheureusement plus de sujet "agricole" sur Europe 1. Tout est devenu "transversal". Car il n'y a pas de case "agricole", il faut que tout sujet parle à tout le monde et le plus largement possible. Le déclassement de la Ferme France est un sujet pour Europe 1, qui en parle... de temps en temps! Car il faut bien reconnaitre qu'on en parle moins que d'autres secteurs d'activités. Un contrat Airbus fait couler beaucoup plus d'encre qu'une vente record de blé à l'exportation. C'est vrai. Je trouve ça injuste. Et chaque jour je me pose la question : comment mieux en parler pour intéresser les auditeurs ?