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Cave de Lugny

« Prudent » record

Nouveau "record" pour la cave de Lugny : pour l’exercice 2011-2012, son
chiffre d’affaires s’établit à 30,5 millions d’ et ce, malgré un
volume commercialisé en baisse de 2 %. Tout en maîtrisant les coûts de
production, la cave et ses coopérateurs misent sur le développement
durable et la montée en gamme des vins. Mais, la prudence reste de
mise…
Par Publié par Cédric Michelin
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L’année 2012 aura été commercialement scindée en deux. Avant et après récolte. « Au printemps 2012, notre politique de maintien des cours du mâcon villages à 500 €/pièce ralentissait nos ventes vrac. Les bourgognes rouges partaient autour de 600 €/pièce et les mâcons rouges restaient à leur niveau toujours aussi bas. Seuls les crémants, unique appellation en forte progression dans ces ventes, nous laissaient entrevoir une augmentation des cours du vrac en espérant frôler les 500 €/pièce. Mais à l’arrivée de la faible récolte 2012, les cours se sont envolés : entre 10 et 12 % pour les blancs, 20 % pour les crémants – à condition d’avoir des volumes -, 39 % sur les bourgognes rouges et même 30 % sur les mâcons rouges », résumait précisément Marc Sangoy, le nouveau président.
Du coup, avec la progression de la vente conditionnée (bouteilles, Bib…) – atteignant pour la première fois 7,5 millions de cols vendus - et la dynamique à l’export (+30 %), la cave affiche un nouveau record en terme de chiffre d’affaires sur l’exercice 2011-2012 : 30,5 millions d’ (+2,5 %). Et ce, avec un volume commercialisé en baisse de 2 % à 98.600 hl (contre 100.000 hl l’exercice précédent). Au 31 aout, le stock de vin était « stable », essentiellement constitué par la récolte 2011 (71.285 hl), mais tendant « à baisser ».

« Prudence »



Mais d’autres réalités se cachent derrière ce record : le millésime 2012 affiche -20 % en volume (80.700 hl) sans toutefois descendre au niveau de 2003 (75.000 hl). Le marché français est en berne (- 3 %). Le vrac chute de 15 % (42.202 hl). « La bouteille prend le dessus significativement sur le vrac (ratio de 57/43) », analysait le directeur, Edouard Cassanet. Mais la hausse des frais de fonctionnement liée à l’activité bouteille (+11 %) entame les marges brutes. Le résultat est donc stable au final (72.000 €).
« Prudence », avertissait donc Marc Sangoy, s’inquiétant surtout du « malheur » de la faible récolte 2012 qui a provoqué chez certains adhérents jusqu’à 60 % de pertes. Sans compter le coûts des traitements, l’Esca et les incertitudes liées à la flavescence dorée… Dans le cadre de la lutte obligatoire contre cette jaunisse, 12 ha seront arrachés dont huit sont vinifiés par la cave de Lugny. « Une exploitation disparaît et des milliers de ceps au travers de notre vignoble », alertait Marc Sangoy.


Basculement des marchés ?





Avec la volonté bourguignonne (BIVB) de monter en gamme ses vins, la cave de Lugny s’inscrit également dans des démarches de vigneron en développement durable (VDD). Mais, « avant ces changements stratégiques », les coopérateurs étaient invités à « prendre du recul ». Notamment, sur la hausse des prix du vrac actuelle. Edouard Cassanet exposait le problème : « sur ces cinq dernières années, on ne vend pas tout à fait la totalité de notre production moyenne (92.000 hl). L’offre étant supérieure à la demande, le rapport de force était en notre défaveur. En revanche, le climat actuel des marchés est celui de la rareté des vins. Mais à l’avenir ? On peut penser trouver un équilibre sur les ventes de vrac, stables car fidélisés, autour de 40.000 hl/an. Idem pour la bouteille autour de 52.000 hl. Est-ce vraiment l’aube d’un basculement du marché comme en 2000 ? Les cours du vrac du chardonnay (mâcon village) était à 1,85 €/L en 2002, retombant à 1,95 en 2004 - après la petite récolte sécheresse 2003 – et plus récemment, en 2007, 2008, 2009, ils étaient respectivement à 2,41 ; 2,65 et 2,21 €/L. L’analyse froide de l’histoire des petites récoltes qui se répètent démontre qu’on n’échappe pas à une correction des cours après une hausse. Quid, si les deux prochaines récoltes sont normales ? En vrac, six clients font 65 % du volume et deux clients font 80 % en mâcon lugny. En bouteilles, les profils sont plus diversifiés mais restent GD, donc exigeants avec des seuils de prix ». Après avoir fait ce bilan, il poursuivait sur les forces internes : « notre nouvelle attitude commerciale, plus forte cette année, la hausse de la consommation mondiale – même si l’Europe baisse -, l’image des coopératives – modernisée, professionnelle et transparente, l’amélioration régulière de la qualité des vins… inversent le rapport de force et nous permettent d’arbitrer sur le profil de nos clients. Il faudra apprendre à ne plus vendre vite notre récolte et ne pas paniquer si il y a une augmentation des stocks. Il faudra doser les risques. Nos bourgognes blancs peuvent se vendre avec deux-trois ans de vieillissement. C’est un changement de stratégies ». Un travail que la cave ne peut effectuer sans l’acceptation et les moyens de ses coopérateurs.


« En amont des marchés, il faudra "piloter" pour répondre à cette demande : maintien de notre capacité de production, modifier nos plantations (pinot) et améliorer le matériel végétal. Notre ambition est d’atteindre 18 à 20.000 hl de vins de base crémant, valorisants. Le marché du cépage chardonnay est plus compliqué et concurrentiel. Le zonage sera très important pour segmenter notre offre - villages, communes et lieux-dits - et valoriser notre production ».





Passage de hausses des prix aux clients





De l’amont à l’aval, les différents services de la cave de Lugny ont donné leurs visions. Afin de « mieux valoriser » les quatre appellations, la responsable vignoble, Sabine Bombrun, rappelait l’importance que : « terroirs et territoires soit connus de tous », clients et coopérateurs compris. L’obtention de l’AOC lugny allant dans ce sens, rappelait Pascal Gaguin, président du syndicat d'appellation lugny. Cela permettra notamment de vinifier les apports séparément « pour que les particularités des vins » soient accompagnées « de discours structurés ». Plus de communication donc pour le service marketing. « Une gamme segmentée génère plus de ventes, plus de satisfaction clients, fidélisés », décrivait Marjorie Brayer. Le maître de chai, Grégoire Pissot, se prépare donc à « franchir de nouveaux seuils qualitatifs ». Il prévoit notamment d’améliorer la réception des vendanges, le tri, le refroidissement des moûts et raisins, le pressurage inerte, le « point faible des cuves béton vieillissantes », la thermovinification en rouge et « une somme de petits détails de l’amont jusqu’à la conservation ». Tout ceci ne pourra se faire sans « bien rationnaliser le travail et maîtriser les dépendances de maintenance », expliquait Henri Berrocal, le directeur technique. Avec par exemple, des cuves à plafond mobile « adaptées à la demande des petites cuvées »…


Chaque coût de production sera ensuite analysé « en fonction d’une production réelle affectée à chaque chaine d’embouteillage », par Evelyne Sandrin, la directrice financière qui cherche « à mettre en évidence les marges ». « Je pense qu’on aura quelques surprises selon les produits », prédit-elle. « Tout ceci revient à avoir le juste prix », schématisait Edouard Cassanet.


Des données et des argumentaires précieux pour les commerciaux. Pour les ventes en grande distribution (GD), Yves Thenet « couvre quasiment toutes les enseignes françaises ». Malgré un rapport de force défavorable, la marque Aurore « s’est imposée » et « une gamme diversifiée et cohérente » devrait permettre de « consolider l’activité », pense-t-il. Depuis octobre, avec la petite récolte 2012, des hausses de prix se mettent en place « progressivement », « sans trop de problèmes ». A l’export, avec +25 % en 10 ans, les mâcons villages « surperforment les autres bourgognes blancs », explique Gilles Charrière. L’Angleterre représente 40 % des volumes de la cave. De grosses augmentations ont été passées « d’un coup ». « D’autres marchés prennent le relais (Australie, USA…). Mais les relais de croissance - Chine surtout - ne sont pas mûrs pour nos bourgognes blancs ». Tous craignent le retour d’un euro fort, qui pourrait venir freiner les exportations.



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