Pseudomonas, une recrudescence préoccupante
Coloration jaune fluo…
La présence de Pseudomonas se révèle de manière assez diverse. Souvent, c’est à travers une coloration de surface particulière (jaune vert fluo, marron voire rose…) ; une croûte au goût très amer ou encore une odeur de pourriture que la bactérie se signale.
Il est très difficile de se débarrasser de ces Pseudomonas, expliquait Guillemette Allut du Centre fromager de Bourgogne. Ce microorganisme s’adapte à la température, résiste aux biocides et envahit rapidement les surfaces créant un « biofilm » persistant. L’eau semble être le facteur le plus décisif dans son développement. Très fréquent sur les fromages à croûte lavée et les fromages humides en général, il est en principe moins favorisé sur les fromages secs.
L’eau, le lait et les surfaces
Les eaux en général sont souvent à l’origine des contaminations aux Pseudomonas. Ce peut être les eaux des réseaux d’eau potable ou toutes les eaux résiduelles présentes dans les canalisations, en salle de traite, en fromagerie… Les eaux stagnantes présentes dans les systèmes des machines à traire sont à proscrire de même que des moules humides en fromagerie. La contamination peut provenir du lait et des surfaces elles-mêmes. La peau des trayons pourrait également être en cause. Un lait contaminé répand les Pseudomomas dans toute la fromagerie, matériels, fromages et surfaces…
Y compris d’eau du réseau
Si l’analyse confirme la présence de Pseudomonas, alors il faut arriver à cerner l’origine de la contamination. Une investigation qui s’avère très compliquée, prévient Guillemette Allut.
Si c’est l’eau du réseau qui est en cause, alors il est possible d’installer un système de traitement de l’eau (lire encadré). Quand la source de contamination est l’eau, il est recommandé d’inspecter l’état des canalisations, l’état des puits dans le cas d’utilisation d’eaux privées et l’efficacité du traitement de l’eau s’il y en a un.
Du matériel bien sec
Dans le cas où la contamination provient d’eaux stagnantes et si le lait de début de traite (« lait de premier bol ») est très chargé en Pseudomonas, alors c’est que cette contamination provient du matériel de traite lui-même. Manchons, purges, tuyaux coudés sont autant de foyers favorables à la prolifération de Pseudomonas. A chaque traite, le passage du lait contamine toute la chaîne, explique Guillemette Allut. Que ce soit à l’intérieur de la machine à traire ou dans la fromagerie, il est recommandé de travailler avec du matériel le plus sec possible, insiste la technicienne.
Trayons et machines à traire
Dans le cas où la contamination provient du lait, il faut déjà veiller à la propreté des trayons en soignant la qualité de la litière. Celle-ci doit être sèche, indique Guillemette Allut. Et puis il faut éliminer toute eau stagnante à l’intérieur de la machine à traire. Cette présence peut provenir d’un problème de conception du matériel ou alors de séchage, de purge, d’un mauvais état de la tuyauterie… Il faut également faire contrôler le nettoyage de la machine à traire. A ce propos, il faut rappeler que le contrôle « Certitraite + Optitraite » ne vérifie pas les paramètres du nettoyage. C’est le service « Net’Traite » qui s’en charge en vérifiant les étapes du cycle de lavage durant le nettoyage, signalent Guillemette Allut et Laurent Courtot de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire.
En fromagerie aussi
La contamination en Pseudomonas peut également être liée à la préparation du lait. Il est alors recommandé de « vérifier que le lait soit refroidi assez vite ; revoir les conditions de pré maturation (petit lait/lait) ; vérifier les températures et les doses », indique Guillemette Allut.
Lorsque le matériel de fromagerie est contaminé, « il faut revoir les procédures de nettoyage, changer les vieux moules, éliminer les stores et toiles, vérifier la qualité de l’eau… », conseille la technicienne.
Et lorsque la source de contamination s’avère être au niveau du fromage lui-même, alors il faut soigner l’égouttage, le salage, le séchage…
Machines à traire
Impact indéniable sur la flore du lait
En 2013, le Centre fromager de Bourgogne a conduit une étude sur le lavage des machines à traire et ses impacts sur la qualité du lait. Mené en collaboration avec les chambres d’agriculture et l’Institut de l’élevage, ce travail a porté sur 30 exploitations caprines bourguignonnes. « La machine à traire est un véritable réservoir de flores ; elle les récupère et les multiplie », explique Guillemette Allut. Si certaines flores (comme Pseudomonas et Coliformes, Listéria…) sont indésirables ou même dangereuses, d’autres sont utiles voire indispensables dans l’élaboration de la typicité des fromages de terroirs. Tandis que chez les producteurs de lait, c’est le zéro germe qu’il faut viser, chez les producteurs de fromages fermiers, il faut à tout prix préserver les bonnes bactéries. « Les laits devenant de plus en en plus pauvres en germes, il faut veiller à ce que les bons germes restent », explique Guillemette Allut. « On connait encore mal l’origine des flores d’intérêt. En bovins, elles proviennent beaucoup de la mamelle et des trayons. Chez les caprins, c’est plus compliqué et moins étudié encore… », indique pour sa part Laurent Courtot. Assurant le transfert du lait de l’animal au tank, la machine à traire est une source privilégiée d’ensemencement. « Elle en garde, en élimine et contamine », complète le technicien. L’étude conduite en Bourgogne tend à montrer que les caractéristiques floristiques du lait proviennent pour beaucoup de la conception, de la maintenance et des méthodes de nettoyage de la machine à traire. Il convient donc d’être particulièrement vigilant sur ces trois domaines. Un contrôle de nettoyage “Net’Traite” permet de détecter des dysfonctionnements du lavage. Réalisé par un contrôleur agréé, ce diagnostic permet de vérifier et de régler les paramètres clés du lavage des machines à traire.
Des fiches techniques sur le nettoyage de la machine à traire sont disponibles sur le site internet de la chambre régionale d’agriculture de Bourgogne sous la rubrique Centre fromager de Bourgogne.
Ferme de la Cruzille
Traitement de l’eau par UV installé en 2012
La Ferme de La Cruzille aux Bizots est tenue par Sylvie et Gilles Depoil. Aidés d’un salarié et d’un apprenti, ils mènent un troupeau de 400 chèvres avec lesquelles ils produisent en moyenne 700 kg de lait par chèvre et par an. En bâtiment toute l’année, le troupeau est dessaisonné pour des mises bas en août, novembre et mars.
Suite à des problèmes de Pseudomonas, Sylvie et Gilles Depoil se sont équipés d’un dispositif de traitement de l’eau par ultraviolet en 2012. « Nous avions de gros soucis d’affinage avec des fromages qui devenaient poisseux et marrons. Les analyses ont révélé un taux de germes Pseudomonas supérieur à 300.000 ufc/ml (unité formant une colonie) (1) », raconte Sylvie. Décision a été prise d’investir dans un système de traitement de l’eau par UV. Coût de l’investissement : 2.500 euros hors taxe installation comprise. Les rayons Ultraviolets de la lampe UV tuent tous les germes sans avoir recours à aucun produit. L’eau doit être épurée au préalable, de sorte qu’elle ne contienne aucune particule. Cette épuration se fait au moyen de filtres de porosités différentes qu’il faut changer régulièrement. Le dispositif stérilise l’eau pour la fromagerie ainsi que pour le nettoyage de la machine à traire.
Une autre solution consiste à traiter l’eau avec de l’eau oxygénée (peroxyde d’hydrogène), indique Guillemette Allut du Centre fromager de Bourgogne. L’avantage en est que l’eau oxygénée demeure active durant quelques temps ce qui permet de désinfecter les canalisations et évite ainsi les risques de recontamination sans danger pour la transformation. La technique est aussi un peu moins onéreuse.
(1) Le seuil d’alerte pour la présence de Pseudomonas se situe à 500 ufc/ml de dans le lait.