Quand l’agriculture fait une place aux travailleurs handicapés
Laisser une place aux personnes porteuses de handicap n’est pas si simple dans notre société en quête permanente de performance et de rentabilité. Pourtant le travail de la terre et du végétal est une véritable source d’épanouissement, aussi et surtout pour les plus fragiles d’entre nous. Ainsi, si de nombreux Esat ont une section maraîchage, des agriculteurs osent aussi tenter l’expérience. Rencontre avec deux de ces structures.

L’Esat de l’Oasis est né en 1992, sous l’impulsion de parents qui n’avaient pas de solution pour placer leurs enfants porteurs de handicap. Ou plus précisément, les seules solutions qui s’offraient à eux c’était l’éloignement ou un placement dans une structure non adaptée.
Ils ont alors créé à Chauffailles, dans ce fief excentré de Saône-et-Loire, ce qui s’appelait un CAT à cette époque, sur les terres et dans les bâtiments d’un ancien corps de ferme. Et déjà le maraîchage était la base de ce centre « car cela offre matière à structurer les choses », présente Ivan Boulet, le directeur actuel de la structure.
Cela fait maintenant donc 27 ans, et finalement peu de choses ont changé, car ces premiers jeunes sont toujours là. Ils ont vieilli certes, mais restent toujours aussi satisfaits d’être occupés à une activité aussi noble que celle de travailler la terre et produire de la nourriture.
Apporter du sens
60 personnes sont accueillies sur la structure (pour 49 ETP) et réparties en quatre ateliers : le maraîchage donc, les espaces verts, l’horticulture et un atelier de travail à façon pour le secteur industriel.
« L’activité horticole n’occupe pas les 24 personnes toute l’année. Sur la période estivale, 12 d’entre elles viennent donc prêter main forte à l’équipe maraîchage », précise Ivan Boulet.
Les deux règles d’or qui sont suivies par l’établissement sont claires : des activités valorisantes et des missions adaptées à chacun en fonction de son potentiel.
Ainsi, l’équipe horticole organise en mai une grande vente du fruit de son travail, à savoir pas moins de 45.000 plants de légumes et autant de plants de fleurs avec un succès qui ne se dément pas année après année. L’équipe industrielle travaille, elle, au câblage du système d’arrêt d’urgence de bétonnières. « Si leur travail a du sens pour la société, alors il a du sens pour eux, et cela les aide à trouver une forme de dépassement », expose ainsi le représentant de l’Esat.
Contact direct
Quant au groupe maraîchage, il est le seul apporteur en légumes et plantes aromatiques du magasin de producteurs Croqu’Saison situé depuis deux ans au cœur de Chauffailles. L’Oasis cultive 5 ha de cultures abritées par les reliefs des monts du Beaujolais vert, en contrebas de la ville.
Et les personnes handicapées de l’Esat ne font pas « que » produire les légumes vendus au magasin, ils participent aussi activement au fonctionnement de celui-ci. « Tous ceux qui sont en capacité de tenir la caisse ont suivi une formation pour. D’autres se relaient pour la mise en rayon. Ils sont particulièrement fiers d’y aller et de participer ainsi au fonctionnement de la boutique ».
La seconde règle suivie par les encadrants de la structure reste l’adaptation des missions au handicap de chacun « au moniteur d’être inventif et de trouver la solution pour adapter le travail au travailleur ». Il en est ainsi de la confection de gabarit pour ceux qui ont du mal à compter, ou du choix d’un siège en rapport avec les difficultés de la personne : « pour limiter la pénibilité, il y a beaucoup plus d’aménagement, et notamment beaucoup plus de cultures en hauteur, qu’en milieu ordinaire ».
Évaluation annuelle
Chacun de ces salariés est rémunéré comme travailleur handicapé c’est-à-dire sur la base d’un salaire direct déterminé en fonction du taux de handicap, et complété par l’allocation adulte handicapé. Par ailleurs, « nous travaillons sur la notion de progression de carrière, notamment par l’intermédiaire d’une évaluation annuelle. Notre but est de leur donner les moyens d’acquérir plus d’autonomie ». Les travailleurs sont encadrés par quatre moniteurs, professionnels de l’horticulture, des espaces verts ou du maraichage, formés ensuite au handicap. Un métier passionnant, mais qui demande beaucoup de patience et d’être en permanence à l’écoute de ces travailleurs au profil atypique. « Beaucoup ont des problèmes de mémorisation, il faut donc réexpliquer en permanence, tout en restant bienveillant et encourageant ».