Quels liens ?
lors de son inauguration le 4 avril dernier, Patrice Joseph a présenté le fruit de sept années de travail faisant le
lien entre pratiques viticoles, techniques œnologiques et qualités des
vins. Outre les grands enseignements, il se dégage des pistes de progrès
pour les vignerons.
Sans distinction entre pratiques bio et conventionnelles, les vins ont ensuite été classés. Premier constat, la qualité est au rendez-vous puisque :
- 51 % sont de "très bons" vins notés entre 16,5 et 20/20 (catégorie A) ;
- 43 % sont de "bons" vins notés entre 14 et 16/20 (catégorie B) ;
- 6 % sont des vins "corrects" notés entre 10 et 13,5/20 (catégorie C) ;
- 2 vins présentent des "défauts" (catégorie D non significative).
Mais alors quelles sont les pratiques viticoles ou œnologiques qui ont le plus d’incidence sur la qualité des vins ?
Le chardonnay en classe A
Surprise. Si, Patrice Joseph constate que le chardonnay donne à 66 % des vins de classe A –démontrant là toute « l’expertise » bourguignonne–, le deuxième cépage emblématique, le pinot noir, se retrouve majoritairement en catégorie B dans presque les mêmes proportions (63 %). Le Gamay est finalement plus présent en proportion dans les "bons vins" (52 %). Du coup, l’œnologue n’hésitait pas à indiquer que ces résultats « satisfaisants » peuvent toutefois encore être « améliorés ». Et ce, notamment via la viticulture durable, glissait-il.
Influence agronomique
Il se penchait donc ensuite sur l’influence du travail du sol : superficiel, labour profond, avec désherbage, enherbement naturel maitrisé et désherbage de prélevée. Finalement, le travail du sol est « un peu plus répandu » dans la classe A. Une différence, jouant sur la qualité des vins, semble corrélée avec le désherbage de prélevée ; la proportion de cette pratique augmentant de la classe A (25 %) à la classe C ( 47 %).
La nature du matériel végétal joue aussi un rôle sans toutefois de réelles différences au sommet entre les classes de vins A et B. Les trois types de sélection (clonale, massale ou mixte) –et plus particulièrement les clones qualitatifs « bien maitrisés »– peuvent ainsi tous donner de « très bons vins ».
L’âge de la vigne influe sur la qualité des vins blancs. Les vins de classes A et B sont majoritairement constitués de vignes de plus de 25 ans. Mais, s’empresse de rajouter Patrice Joseph, « c’est également possible avec des vignes jeunes » (23 % de classe A).
Techniques de vinification
Côté chai maintenant, le matériel influe. Dans des chais isolés thermiquement, les vins issus de chardonnay se retrouvent essentiellement dans les classes A et B. « L’isolation des chais augmente le choix possible des itinéraires techniques et se révèle donc un investissement qualitatif », commente logiquement l’œnologue. Idem pour la thermo-régulation, agissant ainsi sur la synthèse aromatique des vins blancs.
Même si la majorité des vins sont produits à partir de pressoir pneumatique, cette méthode donne aussi « la quasi-totalité » des vins de classe A. « Il est cependant possible d’obtenir de bons vins avec des pressoirs horizontaux à plateaux mais cela demande une bonne maîtrise technique », rajoute Patrice Joseph. De plus, le rôle « fondamental de la non-trituration de la vendange avant transfert au pressoir » a été confirmé. S’il y a utilisation du transfert direct par gravité de la vendange ou emploi du tapis transporteur, les vins sont bien représentés dans les classes A et B. Ces constats sont proches pour les cépages rouges.
Améliorations durables
Après avoir présenté ses résultats pour les cépages chardonnay et gamay (voir encadrés), Patrice Joseph présentait les perspectives viticoles : viticulture durable avec probablement un réchauffement des températures entrainant des extrêmes climatiques. « Certaines thématiques de la viticulture durable sont déjà bien prises en compte. Les soucis d’exploiter la potentialité des terroirs et d’améliorer leur capacité agronomique sont des concepts maintenant bien assimilés. La valorisation et surtout la volonté de maitriser la microflore naturelle ont pris de l’importance ces dernières années », se réjouissait Patrice Jospeh qui félicitait ainsi les viticulteurs devant les élus, désormais conscients que les vignerons vont bien au-delà de la simple valorisation de la biodiversité (levures incluses) ou des économies d’énergie.
Vinification des vins blancs : 5 étapes fondamentales
Patrice Joseph s’est particulièrement intéressé à la vinification des vins blancs et à repérer au moins 5 étapes « fondamentales ». Première, la teneur en sucre des moûts. Le pourcentage de vins issus de moûts dont la teneur en sucres est inférieure à 205 g/l (taux théorique qui détermine la nécessité ou non d’une chaptalisation) est plus élevé dans les classes C et D. Ainsi, la majorité des vins de classes A et B est constituée de moûts dont la teneur en sucres est supérieure à 205 g/l. Patrice Joseph en concluait que « la recherche de ce niveau de maturité permet l’obtention de vins plus harmonieux avec plus de matière » logiquement.
Mais attention toutefois à ne pas conclure trop vite : « environ 40 % des vins présentant des sucres inférieurs à 205 g/l est observée dans les classes A et B. Elle traduit sans doute la recherche d’un style plus frais, plus nerveux et plus floral ».
Deuxième étape « fondamentale », la maîtrise du débourbage (complet, partiel ou non maitrisé). « Logiquement, les vins de classes A et B proviennent de débourbages maîtrisés (complets ou partiels). C’est parmi les catégories C et D que l’on retrouve un fort pourcentage de débourbage non maîtrisé », concluait-il.
Plus particulier, le type de levures. Les levures indigènes (naturelles) sont essentiellement présentes dans les vins de classe A et leur taux diminue des classes A à D. Au contraire, la proportion de levures sélectionnées augmente régulièrement des classes A à D. Dur de conclure donc sauf : « quand la qualité des vins augmente, la volonté d’utiliser une flore naturelle est manifeste », soulignait Patrice Joseph.
Autre preuve de la technicité des vignerons, les cuvées qui ont fermenté plus de 50 jours représentent une proportion importante de la classe A (40 % des cuvées) et de la classe B (33 % des cuvées). « Surprenant », « beaucoup de producteurs ne recherchent plus systématiquement la rapidité et associent maintenant les longues durées des fermentations à la qualité des produits ».
Enfin, l’ordre entre fermentations alcooliques et malolactiques puisque les fermentations alcooliques de longues durées favorisent quelquefois l’apparition des fermentations malolactiques sur sucres. Ces vins qui ont fait leur fermentation malolactique sur sucres se retrouvent principalement dans la classe A puis décroissent dans les classes B et C. « Encore plus intéressant et contre intuitif », la recherche de qualité s’accompagne d’une prise de risques microbiologiques « parfaitement maîtrisés par les producteurs » remarquait l’œnologue.
Une preuve supplémentaire de la maitrise d’itinéraires techniques innovants, outre la vinification "classique", la "macération pelliculaire" et la "stabulation sur bourbes fines" sont en plus rejointes par « des méthodes originales d’extraction des moûts », « l’utilisation de profils thermiques particuliers » ou encore par « la maîtrise contrôlée du niveau du potentiel d’oxydoréduction ». Ces vinifications innovantes sont surtout présentes dans la classe A et en particulier l’itinéraires technique "Départ à basse température".
Cépage Gamay, neuf itinéraires étudiés
Vinification beaujolaise (avec macération des grappes entières) et ses variantes contre vinification mâconnaise (avec macération des baies foulées) et ses évolutions. Au final, 3 itinéraires techniques innovants sur 9 basés sur des macérations pré-fermentaires à chaud représentent 40 % des vins de classe A et 37 % des vins de classe B.
« Tendance », les objectifs de vinification consistent donc à limiter au maximum un contact trop prolongé entre le moût d’une part, la rafle et les pépins d’autre part.