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Conséquences du Brexit

Quid des vins de Bourgogne ?

Le 23 juin, le Royaume-Uni a voté pour sortir de l’Union européenne. Un Brexit (Britain exit) qui plonge l’Europe et le monde dans l’incertitude économique. Les cartes n’ont sans doute pas fini d’être rebattues, y compris avec l’Ecosse ou l’Irlande qui pourraient se désunir pour rester dans l'UE. Les Anglais vont certainement vouloir revenir à un accès "normal" au marché unique européen, à l'image des Suisses. Les hypothèses vont bon train, ne serait-ce sur le calendrier. A ce stade, certaines analyses sont plus plausibles que d’autres. Tentative de décryptage.
Par Publié par Cédric Michelin
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« Ce n'est pas un divorce à l'amiable, mais après tout ce n'était pas non plus une grande relation amoureuse », a ainsi résumé Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, au lendemain du référendum. Si cela est vrai pour nombre de secteurs, il n’en va pas tout à fait de même avec les vins français. Et le Brexit pourrait avoir des conséquences plus douloureuses et rapides pour les vins de Bourgogne notamment…
Durant de longues années, le Royaume-Uni a en effet tenu la première place en volumes des pays importateurs de vins de Bourgogne, avec encore 21 % des volumes exportés en 2013. Depuis 2014, ce pays a été rétrogradé en deuxième place des pays importateurs de bourgognes en volume, avec 19 % en 2015, juste derrière les Etats-Unis. Au total, les exportations se stabilisaient en 2015 avec un volume exporté de 14,9 millions de bouteilles. Bien que les volumes se stabilisent, les niveaux de valorisation progressaient significativement. Avec la dévaluation de la livre Sterling (barrières douanières, inflations...) face à l'euro, « les vins de Bourgogne seront plus chers, comme au Japon ou en Suisse. Les "entrées de gamme" risquent de dépasser les 10 £ de moyenne et donc de souffrir de limite psychologique lors des achats », prévoit Philippe Longepierre, directeur du Pôle Marché au BIVB. Les appellations régionales - bourgogne, mâcon village ou chablis - vont devoir s'adapter à cette nouvelle donne.
En 2015, le volume exporté était déjà historiquement bas. Cette situation semble être le résultat de plusieurs facteurs : marchés en "crise" pour nos AOC les plus exportés sur ce pays, successions d’augmentation des taxes sur le vin... « Pendant nos petites récoltes en volumes, les pays producteurs de vins du "Commonwealth" - Australie, Nouvelle-Zélande et Afrique-du-Sud - en ont profité pour nous prendre des parts de marché. Même dans les gammes "premium" ou chez les cavistes », déplore-t-on au BIVB.

Des opportunités toujours et ailleurs


Mais à l'inverse, l'accès au marché unique européen pourrait devenir plus compliqué pour les Etats membres du Commonwealth et ainsi donner des opportunités sur certains marchés, comme en Allemagne ou en Europe de l'Est. La sortie de l'Angleterre a également fait chuter l'euro, ce qui permet d'être plus compétitif à l'export, sur les marchés en dollar par exemple, comme les Etats-Unis.
« Il y a certes de nombreuses incertitudes à ce stade, mais les Anglais ne vont pas arrêter de consommer des vins européens. Il faut rester présent sur ce marché. Nous allons suivre le feuilleton des négociations pour anticiper au fur et à mesure les décisions à prendre », se prépare déjà le BIVB. Pour l’heure, la profession n’a pas fait le point, ni pris de décision. Mais il est vrai que le Royaume-Uni reste un marché export de "proximité". Le potentiel de développement de la Bourgogne sur ce marché semble être toujours d’actualité. Les niveaux de valorisation par appellation continuent de progresser significativement.
Et avec une Angleterre sortie de l’Europe, la filière française pourrait bientôt bénéficier de fonds de promotion pays tiers de la part de l’Europe… Ce serait alors un gentil pied de nez à nos amis anglais.


La Bourgogne se repositionne sur ce marché


Chiffres clés de 2015 des vins de Bourgogne au Royaume-Uni :
- 2e marché en valeur des vins de Bourgogne ;
- 2e marché en volume des vins de Bourgogne.
Exportations : 14,9 millions de bouteilles (+1,5 % par rapport à 2014), pour 116,7 millions d’€ (+3,8 % par rapport à 2014), dont en volume :
- vins blancs tranquilles : 86 % ;
- vins rouges/rosés tranquilles : 13 % ;
- crémant de Bourgogne : 1 %.
En 2015, les bourgognes représentaient 11 % du volume des AOC françaises exportées au Royaume-Uni et 11,5 % du chiffre d’affaires de cette catégorie.


Surtout pour les vins blancs


Depuis une vingtaine d’années, le développement des exportations de Bourgogne vers le Royaume-Uni s’est surtout concentré sur les vins blancs avec 86 % des bouteilles expédiées en 2015 (avec 12,8 millions d’équivalent 75 cl et 79,4 millions d’€). Il s’est appuyé sur la forte notoriété des appellations chablis, dont les expéditions concernent une bouteille de Bourgogne blanc sur deux (52 % des bouteilles expédiées en vin blanc de Bourgogne). Les autres vins blancs qui progressent sur l’année 2015 sont les Villages et les 1 crus de la Côte-d’Or (+1,6 % / 2014).
Les vins de la Bourgogne dans tous les circuits de distribution

En grande distribution (uniquement hyper et supermarchés)
Globalement, la Bourgogne commercialise 5,2 millions de bouteilles sur ce circuit pour un chiffre d’affaires de 60 millions de Livres, soit un prix moyen au-dessus des 11,6£ en 2015. Les ventes de vins de Bourgogne blancs dans la grande distribution britannique affichée plus les tendances (source IRI) que d’autres marchés, avec une diminution de 3 % du prix moyen de vente et un gain de 11,5 % en volume. Les opérateurs de ce circuit semblent vouloir redémarrer les ventes grâce aux actions promotionnelles. Les ventes globales de vin (toutes origines confondues) sont en baisse de 2 % en 2015, pour un prix moyen stable en un an.

Chez les cavistes

La distribution spécialisée, quant à elle, détient environ 9% des parts de marché sur ce circuit off-trade (c’est-à-dire un circuit avec une consommation hors du lieu de vente : GMS, cave à vin, épicerie fine, épicerie…). Le resserrement du marché vers des volumes plus faibles et des prix plus élevés sont des facteurs favorables à une meilleure position de la distribution spécialisée. Environ 700 cavistes indépendants, répartis sur l'ensemble du territoire britannique, représentent près de 3 % du circuit off-trade. Ces établissements sont majoritairement tenus par de jeunes opérateurs dynamiques, passionnés, connaisseurs et entreprenants, qui n’hésitent pas à associer innovation et tradition du "wine merchant". Ces spécialistes touchent une clientèle fidèle à leur enseigne, mais aussi aux vins des producteurs qu’ils proposent. Leur clientèle étant composée en général de consommateurs de 30 à 60 ans, les spécialistes tentent de conquérir une population plus jeune

Note économique rédigée par le Pôle Marchés et Développement, BIVB, juin 2014
(Sources : Douanes, Ubifrance, BIVB)