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Rencontres de l’œnotourisme à Mâcon

« Rattraper le retard » touristique

Après Chalon-sur-Saône en 2012 ou Chablis l’an dernier, les Rencontres
régionales de l’œnotourisme se tenaient à Mâcon. Une sixième édition
accueillant pour la première fois les vins du Jura de Franche-Comté.
L’occasion surtout de montrer le dynamisme du vignoble mâconnais - en
pointe sur le projet de Cité des vins à Mâcon - qui veut « rattraper son
retard
». Les professionnels du tourisme sont d’accord. Désormais, chacun
doit apporter sa pierre à l’édifice et croire à la force du collectif.
Par Publié par Cédric Michelin
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Il fallait moins d’une minute pour comprendre que le tourisme moderne a pris le virage numérique. L’animateur, et vigneron à Chardonnay, Emmanuel Nonain invitant les 250 participants à “twitter” sur le web avec le mot #oenobfc, pour réagir aux interventions en direct sur le web, en ce 1er décembre.
Sans application de messagerie instantanée mais au micro du théâtre de Mâcon, le président de Destination Saône-et-Loire - la marque de l’Agence de développement touristique (ADT) -, Arnaud Durix réaffirmait le poids économique du secteur comptant pour 5% du PIB et près de 6.500 emplois. Le département a la chance d’avoir cinq vignobles : les maranges pour la Côte de Beaune, le Couchois, la Côte chalonnaise, le Mâconnais et le Beaujolais avec les crus de moulin-à-Vent et saint-amour.
Sénateur-maire de la ville hôte et président de la Camval, Jean-Patrick Courtois parlait « de magie du vin », à la culture universelle, « rivalise avec la figure de prou du luxe français ». Pour lui, il faut aussi « rentabiliser ce lien entre tourisme et vin par des actes commerciaux ».

Légitimité à communiquer



Dès lors, les professionnels des deux secteurs parlaient en réalité de business, de positionnement marketing et d’argumentaires de vente. Paysages et cultures viticoles étant des produits tout aussi labélisés que les vins de Bourgogne.
Sauf qu’en France, la Loi Evin réglementait leur promotion. Heureusement, Vin & Société – représentant toute la filière viticole – a réussi à convaincre les parlementaires de « clarifier » depuis janvier 2016. « Maintenant, il est possible de valoriser vos terroirs, vos accords-mets vins… sans être considéré comme une incitation à la consommation d’alcool », insistait Carole Vainqueur en direction des chargé(e)s de communication.
La filière veut toutefois continuer de distiller des messages « responsables » aux Français, avec notamment les repères de consommation 2, 3, 4, 0. « Oui, le vin est un plaisir. Oui, la chute historique de la consommation fut une bonne chose. Oui, la filière adhère à cette approche équilibrée qui a permis aux vins de passer d’aliment à un produit culturel ». Un mal pour un bien puisque depuis, « les Français jugent légitime les vignerons pour les informer ». Une carte à jouer pour valoriser ses vins…

Susciter le désir des femmes



Directrice de l’agence marketing Signe des Temps, Carole Dany dressait le portrait robot d’un client œnotouriste : homme ; 46 ans ; CSP+ dépensant en moyenne 200 € ! « Pas de surprise, rappelait-elle avant de titiller que cela ne permet pas d’élargir aux touristes généralistes ». Ce qui l’intéresse donc, ce sont ces 40 % “d’épicuriens”, « difficiles à trouver », à côté des clients “classiques” (24 %), “explorateurs” (24 %) et “experts” (12 %).
Pour ce faire, elle proposait donc de « cibler » davantage les femmes urbaines, « avec des opérations ludiques, suscitant du désir, voire du snobisme », dixit cette spécialiste. Car, si les femmes ne sont pas les premières en matière d’œnotourisme, elles le sont en revanche dans le choix du voyage ou des vacances. D’ailleurs, la salle était largement dominée par la gente féminine…
Les vignobles des nouveaux mondes l’ont bien compris et sont d’ailleurs « très forts » pour « lever les freins psychologiques » sur les clichés « que le vin serait une affaire d’experts ». Sous-entendu d’hommes pour beaucoup.

Ventes choisies non subies



Justement, la directrice de Côte-d’Or Tourisme, Pascale Lambert témoignait de son « plaisir de découvrir les vignerons à travers leurs produits ». Pour partir à leurs rencontres, « en garantissant aux touristes qu’ils seront accueillis par des professionnels qui auront du temps ou une organisation qui permet notamment que la vente directe ne soit pas subie mais bel et bien choisie », le label Vignobles & Découvertes couvre la « quasi-totalité » du territoire français, avec 60 vignobles labélisés. Pour la nouvelle région, on retrouve neuf vignobles (Jura, Côteaux Pouilly-Sancerre, l’Auxerrois, le Chablisien, le Chatillonais, Dijon-Côte de Nuits, Beaune de Corton en Montrachet, la Côte chalonnaise, le Mâconnais) avec environ 750 offres labélisées, dont 200 en Saône-et-Loire et 350 en Côte-d’Or. Pour les professionnels du tourisme, ce label permet « de faire un tamis » et d’avoir « une plus grande visibilité » auprès des tours opérateurs particulièrement.

Dépasser les vieilles querelles



Reste que, comme en viticulture, si tous sont collègues, tous sont aussi concurrents et la confiance réciproque est à construire par « petits pas ». Positive, Pascale Lambert croit heureusement voir « une dynamique s’installer » notamment entre ces « deux mondes qui ont toujours besoin de réaffirmer l’intérêt de travailler ensemble mais qui du coup, n’iront jamais assez vite pour les esprits chagrins ».
Présidente du Pays Sud Bourgogne, Marie-Christine Robin se réjouissait justement que ces Rencontres à Mâcon aient « fédéré » les acteurs du Mâconnais et du Beaujolais pour demain, espérer « rattraper notre retard ». « J’ai le sentiment qu’on gâche nos chances et les atouts que la Nature nous a donnés ». L’œnotourisme peut « pourtant développer les emplois » sur le Mâconnais. Premier élément de réponse, le 19 décembre à Beaune, avec le projet de Cité des Vins de Bourgogne à Mâcon, Beaune et Chablis. Et sinon, de Jura Tourisme, Jean-Pascal Chopard annonçait clairement que les vins du Jura, eux, n’hésiteront pas à démarcher « un maximum » de touristes venant pour les vins de Bourgogne au départ. Et ce ne seront pas les seuls…

Climats : préserver plutôt qu’avoir des retombées



Si d’habitude le classement des Climats de Bourgogne au Patrimoine mondial de l’Unesco est l’occasion de parler de la viticulture et de son histoire, c’est bien du présent et du futur qu’était venu parler Bertrand Gauvrit. Lui qui dirige l’Association devant gérer « 1.247 climats sur les 1.500 existants en Bourgogne », une tâche rendue ardue par l’étendue sur « 60 km », qui n’en fait pas un monument unique accueillant des touristes. Mais, qu’on ne s’y trompe pas, « la préoccupation de l’Unesco n’est clairement pas le tourisme mais la protection du patrimoine », d’où la mise en place de gestion scientifique et de médiation par les collectivités locales constituant 85 % de l’association. Une « clause de revoyure » est d’ailleurs prévue fin 2017 pour vérifier ces travaux, notamment de « réhabilitation des murets » délimitant les Climats. Pour autant, les viticulteurs « réfléchissent » aussi à l’évolution future du site et sa valorisation touristique. Ainsi, ils viennent de créer un emblème, proche du logo de l’Unesco, qui lui est interdit sur tout « outil commercial », y compris les Offices de tourisme, considérés comme tel par l’Unesco ! La signalétique - sur routes et autoroutes – sera visible dès 2017. « Malgré ce que disent les média ou les élus, il n’y a pas d’étude sur les retombées économiques. Arrêtons avec ces chiffres qui ne veulent rien dire et qui sont largement exagérés. C’est difficile de voir l’effet direct ». Il donnait cependant des estimations faites au Pont du Gard ou aux Salines Royales (Doubs), allant de 1 € investi pour 140 € à 1,6 € en retour, respectivement… Pour lui, attention aussi à l’effet « superstar » pour touristes « ne sachant pas quoi faire » mais qui viennent parce qu’on est « inscrit sur une liste ». Beaune en sait quelque chose même si la ville a su justement préserver en grande partie son identité. « Il ne faut pas réinventer l’eau chaude. Il faut que les vignerons soient là. Ils n’ont pas besoin d’inventer d’histoires. On l’a ! C’est plus simple. Quoique… ».







Une image vaut mille mots ou... repost



Vous n’aimez pas ou n’avez pas le temps d’écrire, tant mieux ! Tous les professionnels du tourisme insistent sur la culture de l’image dans notre société moderne, notamment depuis l’avènement du web et des réseaux sociaux. « On sait que le numérique est la clé d’entrée pour toucher les touristes. Il faut donc de belles grandes photos ! Ce sont elles qui sont partagées (sur les réseaux sociaux notamment, NDLR) et qui sont au cœur de ce fameux imaginaire ». L’Interprofession (BIVB) et ses sites étaient cités en exemples. Le BIVB propose déjà à tous les vignerons de nombreuses photos et vidéos pour communiquer. Le président-délégué du BIVB, Claude Chevalier annonçait un renforcement de la communication « plus tournée vers l’œnotourisme » prochainement. Sans oublier que la Saône-et-Loire accueillera la Grande Saint-Vincent Tournante de Bourgogne en 2017 à Mercurey et Saint-Martin-sous-Montaigu et en 2018 à Prissé, avec respectivement les ODG Mercurey puis Saint-Véran.