Réduction des intrants
Réaliste mais parfois sur la corde raide
Démarrés en 2005, les essais* du Vinipôle Sud Bourgogne ont comparé sur
une même parcelle trois itinéraires techniques : biologique, raisonné
("référence locale") et celui baptisé Ecophyto 2018. Le coordonnateur de
l’étude, Florent Bidaut, a dévoilé les principaux résultats lors de
l’inauguration, le 4 avril. La réduction des intrants semble « réaliste »,
mais laisse « moins de marges de manœuvre » aux vignerons lors des
fortes pressions climatiques et parasitaires.
une même parcelle trois itinéraires techniques : biologique, raisonné
("référence locale") et celui baptisé Ecophyto 2018. Le coordonnateur de
l’étude, Florent Bidaut, a dévoilé les principaux résultats lors de
l’inauguration, le 4 avril. La réduction des intrants semble « réaliste »,
mais laisse « moins de marges de manœuvre » aux vignerons lors des
fortes pressions climatiques et parasitaires.
La viticulture "raisonnée" s’appuie sur les préconisations régionales actuelles, dite aussi de "référence" des pratiques locales. La "Bio" respecte le cahier des charges de la viticulture biologique française. Enfin, la viticulture baptisée Ecophyto 2018 cherche à réduire l’impact et le recours aux intrants de -30 % dans un premier temps et vise l’objectif de -50 %. Cette modalité a aussi pour vocation de réduire les gaz à effet de serre en limitant la consommation énergétique.
Représentatif du vignoble local, classée en AOC Saint-Véran, la parcelle choisie fut plantée en 1986 en chardonnay (clone 76 sur fercal) avec une densité de 8.695 pieds sur un sol argilo-calcaire.
Pour l’entretien des sols, le nombre de passages est quasi-identique en moyenne pour les trois modalités. Les fluctuations « importantes » sont fonction des conditions climatiques avec par exemple, deux passages en 2011 et jusqu’à six en 2008, année très humide. Depuis 2011, un passage en moins est effectué avec le désherbage mécanique intégral et simultané du rang et de l’inter-rang pour les modalités Bio et Ecophyto.
Côté protection, la viticulture raisonnée (produits conventionnels choisis en fonction de leur impact sur l’environnement et sur les auxiliaires) traite à doses homologuées. Soufre et cuivre exclusivement pour la viticulture biologique. Enfin, pour la modalité Ecophyto, les produits identiques à la modalité raisonnée sont appliqués avec une réduction de dose de -30 % « systématique » après validation de la faisabilité avec l’IFV (OpiPulve). Le début de protection est éventuellement décalé en fonction des pressions parasitaires. Enfin, depuis 2012, l’application du protocole "Pod-Mildium" (basé sur l’observation et la modélisation) permet des gains de passage.
Sur le mildiou, l’effet millésime est « important ». Excepté en 2011 « atypique », 6 à 9 traitements ont été nécessaires pour la "référence" ; 8 à 10 pour la bio (faible rémanence des produits) et « seulement » de 6 à 7 traitements pour Ecophyto. En moyenne donc, Ecophyto fait gagner 1,4 traitement tandis que la viticulture biologique nécessite 1,6 passage supplémentaire.
Sur l’oïdium, les constats sont « similaires ». Les variations sont néanmoins « plus fortes ». Entre 5 et 8 traitements pour la "référence" (avec un delta de 3), entre 6 et 9 traitements pour la "Bio" et « seulement », 4 à 7 traitements pour "Ecophyto". La mise en place de "pod-mildium" se conclut par « un net gain » avec « seulement » 5 traitements sur la dure campagne 2012.
"Ecophyto" fait gagner « presque un traitement » au contraire de la modalité biologique qui en « rajoute » 1,2.
Réduire les intrants est une « bonne chose », mais encore faut-il s’assurer de l’efficacité des programmes. Les protections anti-mildiou sont jugées « honorables » avec près de 90 % d’efficacité pour les trois modalités. « Petit bémol », l’efficacité est « impactée » les années de forte pression sur les modalités Bio et Ecophyto (2008 ; 2012), mais reste « largement acceptable ».
Pour l’oïdium sur les 6 ans, l’efficacité moyenne est « satisfaisante ». Le « décrochage » en 2012 reste « acceptable » par rapport à la pression (80 % de perte de récolte dans le témoin) et aux seuls 5 traitements.
Mesures agronomiques
Avec ou sans défaut de protection, le poids de récolte (Kg/souche) varie mais « ni significativement, ni systématiquement » entre les trois modalités. La mise en place travail du sol ayant plus d’impact que la protection (constat identique sur d’autres essais, mais régulation après 6/7 ans). « Pas de différence » non plus en terme de vigueur. Avec 1kg/souche, ces rendements permettent « en théorie » d’arriver à ceux de l’appellation « si on exclut les problèmes de pieds improductifs et manquants ».
En fonction des critères du Plan Ecophyto 2018, des impacts sur l’environnement sont notés. En cumulant tous les IFT, l’écart constaté entre viticulture "raisonnée" et "Ecophyto" est « constant ». Au bout de 6 ans, l’IFT a été réduit de -45 % pour Ecophyto et de -36 % pour la viticulture biologique. La différence venant principalement aux « importantes » doses homologuées par rapport aux doses d’utilisation pour le cuivre et le soufre. En nombre de passages, Ecophyto permet de gagner 1,5 passage (protection + entretien des sols) alors que la "Bio" nécessite 1,6 passage supplémentaire (en raison des faibles rémanences). « Soit 3 passages de différences ». Autre indicateur défavorable à la "Bio", les quantités de produits appliqués. Sur 6 ans, la "Référence" totalise 25 kg/ha/an, 88 kg pour la "Bio". La modalité Ecophyto arrive à réduire de 50 % les produits phytosanitaires.
Évidemment, ces critères ne prennent pas en compte les caractéristiques et la dangerosité des produits. Pour cela, deux autres indicateurs extraits de la méthode Indigo® ont été utilisés. L’indicateur I-Phy (impacts des produits sur l’eau et l’air) permet d’entrevoir que l’impact environnemental de la viticulture raisonnée est jugé « moyen », alors que la viticulture biologique a un niveau « acceptable ». Le fait de réduire les doses et de supprimer les herbicides fait qu’Ecophyto a aussi un niveau « acceptable ». Par contre, avec l’indicateur énergétique (I-En), seul Ecophyto atteint un niveau « excellent ». Ni la Référence, ni la Bio ne sont bons, en raison notamment « du process de fabrication des soufres utilisés » et du nombre de passages.
Au niveau des sols, la variabilité spatiale est assez marquée. Si les populations de micro-organismes sont en abondance assez proches, elles semblent moins actives pour la minéralisation (carbone et azote) dans la Référence et au contraire plus actives pour la nitrification pour cette même modalité. La population fongique est élevée avec là encore, une diversité spatiale qui met en évidence des problèmes de compaction ou d’aération des sols mais pas de différences entre les traitements appliqués.
Influant le comportement hydrique des sols, l’abondance des lombrics semble aller avec l’enherbement, dont la diversité varie (anécique ; endogé) selon le travail de sol.
Côté portefeuille, les coûts mesurés ont été seulement ceux sur la protection phytosanitaire et l’entretien du sol, le reste étant identique. Ramené à l’hectare, le coût des intrants est réduit de -45 % pour la "Bio" et de -40 % pour "Ecophyto". En revanche, les coûts de mécanisation sont augmentés de +37 % en moyenne sur les 6 ans pour la viticulture biologique et de +9 % pour Ecophyto. Au final, un surcoût de production d’environ +8 % de moyenne est observé pour la Bio - variable tout de même entre +23 % et -15 % selon les années - et une baisse de -10 % pour la viticulture Ecophyto.
En conclusion, la réduction significative des intrants est « réaliste », démontrée à travers deux itinéraires – biologique et Ecophyto. Les marges de sécurité sont réduites et exposées aux conditions climatiques et aux pressions parasitaires. Autant la réduction de -30 % des doses phyto est « facilement accessible », autant pour aller au-delà, cela demande une technicité, une maîtrise et un suivi plus poussés. Enfin, peu d’impacts sont observés sur la qualité et vie des sols, qui restent bien vivants. Enfin, ce changement de pratiques peut générer des surcoûts de production, qu’il faudra valoriser, notamment par une montée en gamme des produits.
* Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire ; Lycée viticole de Davayé ; Inra de Dijon ; AgroSup Dijon ; Université de Rennes (sols) ; IFV (levures) ; BIVB (vinifications)
Représentatif du vignoble local, classée en AOC Saint-Véran, la parcelle choisie fut plantée en 1986 en chardonnay (clone 76 sur fercal) avec une densité de 8.695 pieds sur un sol argilo-calcaire.
Pour l’entretien des sols, le nombre de passages est quasi-identique en moyenne pour les trois modalités. Les fluctuations « importantes » sont fonction des conditions climatiques avec par exemple, deux passages en 2011 et jusqu’à six en 2008, année très humide. Depuis 2011, un passage en moins est effectué avec le désherbage mécanique intégral et simultané du rang et de l’inter-rang pour les modalités Bio et Ecophyto.
Côté protection, la viticulture raisonnée (produits conventionnels choisis en fonction de leur impact sur l’environnement et sur les auxiliaires) traite à doses homologuées. Soufre et cuivre exclusivement pour la viticulture biologique. Enfin, pour la modalité Ecophyto, les produits identiques à la modalité raisonnée sont appliqués avec une réduction de dose de -30 % « systématique » après validation de la faisabilité avec l’IFV (OpiPulve). Le début de protection est éventuellement décalé en fonction des pressions parasitaires. Enfin, depuis 2012, l’application du protocole "Pod-Mildium" (basé sur l’observation et la modélisation) permet des gains de passage.
Sur le mildiou, l’effet millésime est « important ». Excepté en 2011 « atypique », 6 à 9 traitements ont été nécessaires pour la "référence" ; 8 à 10 pour la bio (faible rémanence des produits) et « seulement » de 6 à 7 traitements pour Ecophyto. En moyenne donc, Ecophyto fait gagner 1,4 traitement tandis que la viticulture biologique nécessite 1,6 passage supplémentaire.
Sur l’oïdium, les constats sont « similaires ». Les variations sont néanmoins « plus fortes ». Entre 5 et 8 traitements pour la "référence" (avec un delta de 3), entre 6 et 9 traitements pour la "Bio" et « seulement », 4 à 7 traitements pour "Ecophyto". La mise en place de "pod-mildium" se conclut par « un net gain » avec « seulement » 5 traitements sur la dure campagne 2012.
"Ecophyto" fait gagner « presque un traitement » au contraire de la modalité biologique qui en « rajoute » 1,2.
Réduire les intrants est une « bonne chose », mais encore faut-il s’assurer de l’efficacité des programmes. Les protections anti-mildiou sont jugées « honorables » avec près de 90 % d’efficacité pour les trois modalités. « Petit bémol », l’efficacité est « impactée » les années de forte pression sur les modalités Bio et Ecophyto (2008 ; 2012), mais reste « largement acceptable ».
Pour l’oïdium sur les 6 ans, l’efficacité moyenne est « satisfaisante ». Le « décrochage » en 2012 reste « acceptable » par rapport à la pression (80 % de perte de récolte dans le témoin) et aux seuls 5 traitements.
Mesures agronomiques
Avec ou sans défaut de protection, le poids de récolte (Kg/souche) varie mais « ni significativement, ni systématiquement » entre les trois modalités. La mise en place travail du sol ayant plus d’impact que la protection (constat identique sur d’autres essais, mais régulation après 6/7 ans). « Pas de différence » non plus en terme de vigueur. Avec 1kg/souche, ces rendements permettent « en théorie » d’arriver à ceux de l’appellation « si on exclut les problèmes de pieds improductifs et manquants ».
En fonction des critères du Plan Ecophyto 2018, des impacts sur l’environnement sont notés. En cumulant tous les IFT, l’écart constaté entre viticulture "raisonnée" et "Ecophyto" est « constant ». Au bout de 6 ans, l’IFT a été réduit de -45 % pour Ecophyto et de -36 % pour la viticulture biologique. La différence venant principalement aux « importantes » doses homologuées par rapport aux doses d’utilisation pour le cuivre et le soufre. En nombre de passages, Ecophyto permet de gagner 1,5 passage (protection + entretien des sols) alors que la "Bio" nécessite 1,6 passage supplémentaire (en raison des faibles rémanences). « Soit 3 passages de différences ». Autre indicateur défavorable à la "Bio", les quantités de produits appliqués. Sur 6 ans, la "Référence" totalise 25 kg/ha/an, 88 kg pour la "Bio". La modalité Ecophyto arrive à réduire de 50 % les produits phytosanitaires.
Évidemment, ces critères ne prennent pas en compte les caractéristiques et la dangerosité des produits. Pour cela, deux autres indicateurs extraits de la méthode Indigo® ont été utilisés. L’indicateur I-Phy (impacts des produits sur l’eau et l’air) permet d’entrevoir que l’impact environnemental de la viticulture raisonnée est jugé « moyen », alors que la viticulture biologique a un niveau « acceptable ». Le fait de réduire les doses et de supprimer les herbicides fait qu’Ecophyto a aussi un niveau « acceptable ». Par contre, avec l’indicateur énergétique (I-En), seul Ecophyto atteint un niveau « excellent ». Ni la Référence, ni la Bio ne sont bons, en raison notamment « du process de fabrication des soufres utilisés » et du nombre de passages.
Au niveau des sols, la variabilité spatiale est assez marquée. Si les populations de micro-organismes sont en abondance assez proches, elles semblent moins actives pour la minéralisation (carbone et azote) dans la Référence et au contraire plus actives pour la nitrification pour cette même modalité. La population fongique est élevée avec là encore, une diversité spatiale qui met en évidence des problèmes de compaction ou d’aération des sols mais pas de différences entre les traitements appliqués.
Influant le comportement hydrique des sols, l’abondance des lombrics semble aller avec l’enherbement, dont la diversité varie (anécique ; endogé) selon le travail de sol.
Côté portefeuille, les coûts mesurés ont été seulement ceux sur la protection phytosanitaire et l’entretien du sol, le reste étant identique. Ramené à l’hectare, le coût des intrants est réduit de -45 % pour la "Bio" et de -40 % pour "Ecophyto". En revanche, les coûts de mécanisation sont augmentés de +37 % en moyenne sur les 6 ans pour la viticulture biologique et de +9 % pour Ecophyto. Au final, un surcoût de production d’environ +8 % de moyenne est observé pour la Bio - variable tout de même entre +23 % et -15 % selon les années - et une baisse de -10 % pour la viticulture Ecophyto.
En conclusion, la réduction significative des intrants est « réaliste », démontrée à travers deux itinéraires – biologique et Ecophyto. Les marges de sécurité sont réduites et exposées aux conditions climatiques et aux pressions parasitaires. Autant la réduction de -30 % des doses phyto est « facilement accessible », autant pour aller au-delà, cela demande une technicité, une maîtrise et un suivi plus poussés. Enfin, peu d’impacts sont observés sur la qualité et vie des sols, qui restent bien vivants. Enfin, ce changement de pratiques peut générer des surcoûts de production, qu’il faudra valoriser, notamment par une montée en gamme des produits.
* Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire ; Lycée viticole de Davayé ; Inra de Dijon ; AgroSup Dijon ; Université de Rennes (sols) ; IFV (levures) ; BIVB (vinifications)