Redécouverte des vertus de l’épeautre
L’aliment idéal des veaux
Il y a quatre ans, Marc Andriot a fait le choix d’implanter de l’épeautre en plus de ses céréales habituelles. Proche du blé (lire encadré), la graine a la particularité de rester prisonnière de ses enveloppes, d’où une teneur en fibres beaucoup plus élevée qu’un blé ou un triticale. Chez Marc Andriot, l’épeautre remplace l’aliment des veaux. « L’épeautre n’est pas aussi performant qu’un aliment spécifique type démarrage ou floconné, mais au niveau digestibilité, il est super ! », confie l’éleveur dont les veaux souffrent moins de diarrhées qu’auparavant. Si le stock le permet, l’épeautre nourrit les veaux jusqu’à 7 ou 8 mois d’âge. « Je le donne pur dès quinze jours. Sa forte teneur en fibre (de l’ordre de 30 %) fait développer la panse », indique Marc Andriot qui confie en distribuer aussi, le cas échéant, « aux vaches qui ont des jumeaux. C’est l’équivalent d’un aliment concentré hyper sécurisé », ajoute encore l’éleveur.
Itinéraire technique
La conduite culturale de l’épeautre ressemble à celle d’un blé ou d’un triticale, à deux ou trois nuances près. D’abord, prévient l’éleveur, les semences de cette céréale peu répandue doivent être commandées à l’avance auprès de son fournisseur. Le semis se fait assez tôt (fin septembre, début octobre). Marc Andriot applique une dose de semis de 200 kg par hectare, sachant que la semence contient environ 30 % de son poids en enveloppe ou balles. Cette configuration des graines d’épeautre explique des problèmes éventuels de descente de grains dans les tuyaux des semoirs. Un souci que l’éleveur a vu disparaître en changeant de modèle de semoir.
La fertilisation ne doit pas être excessive (environ 90 unités chez Marc Andriot) car l’épeautre a tendance à monter très haut (bien plus que le triticale) ce qui le rend sujet à la verse, informe l’éleveur.
Poursuivant son objectif d’autonomie, Marc Andriot applique un itinéraire technique relativement simple. Pas de fongicide. Un désherbage d’automne avec un produit homologué pour le blé.
Moins productif, mais plus régulier
A la récolte, l’épeautre de Marc Andriot donne un rendement oscillant entre 30 et 40 quintaux par hectare selon les années. Rustique et de potentiel plus limité qu’un triticale, la culture donne une production plus lissée, fait remarquer l’éleveur. Cette céréale produit un petit peu moins de paille que le triticale, ce qui reste très intéressant malgré tout. Dernier inconvénient cité : du fait d’un poids spécifique de moitié inférieur, les graines d’épeautre emballées de leurs enveloppes prennent le double de place au stockage en comparaison du blé.
« J’amortis des charges… »
Cet automne, vers le 9 octobre, Marc Andriot a semé de l’épeautre pour la quatrième campagne consécutive. Cette diversification des cultures et des ressources alimentaires s’inscrit dans une stratégie globale de recherche d’autonomie sans excès. « Aucune solution n’est la panacée ! Rien n’est indispensable, mais tout est complémentaire et question de compromis. En comparaison de nos grands-parents, nous avons un potentiel de production bien supérieur et pourtant nous sommes bien moins autonomes qu’eux ! Sur mon exploitation, j’ai déjà le tracteur et le matériel de culture et j’ai des terres qui ont le potentiel pour produire. Les céréales, je suis obligé d’en avoir pour préparer mes animaux à la vente. Avec un assolement diversifié, la ration de mes animaux me semble plus équilibrée, tout comme mon système d’exploitation. J’amortis des charges tout en faisant avec ce que j’ai », synthétise Marc Andriot.
Epeautre
Une espèce de blé rustique
L’épeautre (Triticum spleta) appartient à la même espèce que le blé tendre, dont il est l'ancêtre, mais il est nettement plus rustique et surtout, ses grains sont quasi inséparables de leurs enveloppes (balles), d’où des qualités digestives intéressantes en alimentation bovine.
Lien utile : www.chambres-agriculture-picardie.fr/productions/elevage/bovins-viande/vaches-allaitantes/epeautre.html.
Méteil
Pour renforcer la richesse en protéine
Marc Andriot cultive également du méteil (mélange de pois, vesce et céréales) depuis deux ou trois ans. Un premier essai malheureux avait été tenté en limitant au maximum les intrants (peu d’engrais pas de désherbage…). La seconde campagne, l’éleveur a fertilisé à hauteur de 80 unités d’azote. Le méteil récolté sert prioritairement à alimenter les animaux à la place du triticale qui est destiné à la vente. « Le méteil est plus intéressant pour nourrir les bêtes et notamment les préparer à la vente : plus diversifié, plus riche en protéines. Mais pour moi, le méteil ne signifie pas autonomie en protéines comme but ultime. Il faut se contenter de viser une teneur en protéines de 13 à 14 % au lieu de 10 pour un triticale ordinaire », explique Marc Andriot. La culture de méteil a aussi l’inconvénient d’être très irrégulière avec « toujours une des espèces du mélange qui prend le dessus », constate l’éleveur. Elle est également peu productive en paille.
Luzerne
Dans les nourrisseurs fibres des broutards
Marc Andriot cultive également une dizaine d’hectares de luzerne. Ce fourrage est destiné « à apporter de la fibre et des protéines dans des nourrisseurs fibres », explique l’éleveur. C’est ce type de nourrisseur qu’il utilise pour préparer ses broutards à la vente après sevrage. Les “nourrisseurs fibres” sont approvisionnés avec un mélange “maison” confectionné à la mélangeuse tous les sept à dix jours. La ration comprend du méteil, un correcteur azoté ainsi que de la luzerne. « Les veaux ne se gavent pas ; ils se rationnent tout seuls. Ce n’est pas la peine d’y aller tous les jours », confie Marc Andriot. Le même régime est appliqué aux femelles destinées à la vente. Côté cultures, il pratique un chaulage régulier sur ces terres.